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GÈNE

 

gène

Segment d'ADN conditionnant la synthèse d'une ou de plusieurs protéines et, donc, la manifestation et la transmission d'un caractère héréditaire déterminé.
Les gènes sont des segments de molécules d'ADN. Ils peuvent être groupés en unités fonctionnelles (opérons). On trouve des gènes chez tous les êtres vivants. Chez les virus dont le matériel génétique est constitué d’ARN et non d’ADN, ce sont des segments de molécules d'ARN. Chez les eucaryotes, les gènes sont essentiellement portés par les chromosomes contenus dans le noyau cellulaire, mais il en existe aussi dans les mitochondries et, chez les végétaux, dans les chloroplastes (ces gènes sont portés par les ADN respectivement mitochondrial et chloroplastique).


1. Le génotype détermine le phénotype
Les gènes sont situés à des endroits bien spécifiques des chromosomes, que l'on appelle locus. Cette localisation est toujours identique d'une génération à la suivante. L'être humain possède environ 25 000 gènes différents, répartis sur les 23 paires de chromosomes, l'ensemble des gènes d'un individu constituant son génotype. L'ensemble du matériel génétique, c'est-à-dire toutes les molécules d'ADN d'une cellule, est appelé génome. Les chromosomes allant par paires, chaque cellule possède chaque gène en double. Seuls les gènes portés par les chromosomes X et Y chez l'individu de sexe masculin sont uniques.
Les gènes gouvernent la synthèse d'ARN de plusieurs types, et par là de protéines, qui sont directement ou indirectement responsables de tous les caractères, visibles ou invisibles, de l'organisme (le phénotype). Les gènes subissent spontanément des transformations, les mutations, qui peuvent aussi être induites par des rayonnements (rayons X, rayons ultraviolets) ou des substances chimiques et entraînent la modification du caractère déterminé par le gène. (Ne sont connus, d'ailleurs, que les gènes qui ont muté.)

2. Les formes alléliques d'un gène
Les différentes versions d'un gène (le gène « couleur des yeux », par exemple) sont appelées allèles (yeux bleus, yeux bruns, yeux verts, etc.). Lorsque l'allèle est le même sur les deux chromosomes, le sujet est dit homozygote. Si les deux allèles sont différents, il est dit hétérozygote. Lorsque chaque allèle a subi une mutation différente, le sujet est dit double hétérozygote, ou hétérozygote composite.
Une maladie héréditaire qui se manifeste seulement si les deux allèles du gène en cause sont mutés est dite à transmission récessive. Si, au contraire, un seul allèle muté suffit pour que la maladie se manifeste, elle est dite à transmission dominante.
3. La transcription des gènes

La transcription correspond à la synthèse d’une molécule d’ARN à partir d’un modèle ADN. L'ADN est formé d'une suite linéaire de millions de nucléotides formés chacun de l'enchaînement d'un groupement phosphate et d'un sucre, le désoxyribose, portant une base pouvant être une adénine, une cytosine, une guanine ou une thymine (A, C, G ou T) ; l'information réside dans la suite des bases (la séquence nucléotidique). L'ADN comporte en réalité deux brins complémentaires de directions opposées enroulés l'un autour de l'autre (structure en double hélice élucidée par Watson et Crick en 1953). On peut la décrire comme un escalier en colimaçon, où les deux chaînes sucres-phosphates constituent les rampes, et les bases, tournées vers l'intérieur et se faisant face deux à deux, les marches. La complémentarité s'exprime par le fait qu'une adénine s'apparie toujours avec une thymine, et une guanine toujours avec une cytosine (on ne trouve donc que des « marches » A-T, T-A, C-G ou G-C). Elle constitue le fondement, non seulement de la perpétuation de l'information génétique (lors de la réplication), mais aussi de la transcription : la double hélice est alors juste déroulée transitoirement pour permettre à l'ARN polymérase de synthétiser selon les règles de l'appariement un brin d'ARN messager complémentaire du brin non codant, qui sert de matrice sur toute la région codante du gène considéré. L'ARN messager possède la même séquence que le brin codant d'ADN de départ, mais comporte des riboses au lieu des désoxyriboses et l'uracile (U) à la place de la thymine.
La question est de savoir ce qui détermine le début et la fin de la transcription par la polymérase. Pour le démarrage, des séquences signal, présentes au niveau du promoteur (partie du gène située en amont de la région codante), servent à positionner la polymérase. Chez les bactéries, les promoteurs contiennent très souvent la séquence TTGACA à 35 paires de bases et la séquence TATAAT à 10 paires de bases en amont du point de départ. Chez les eucaryotes, dans la très grande majorité des cas, la polymérase est positionnée par la fixation de la protéine TBP (en anglais, TATA-binding protein) à un court segment du promoteur contenant aussi la séquence TATA (la « boîte TATA »), mais situé cette fois à 25 paires de bases en amont du point de départ. Au point de départ proprement dit se trouve un autre élément de signalisation, le site initiateur, mais dont la séquence est beaucoup moins conservée. Une fois initiée, la transcription continue par élongation de l'ARN messager jusqu'au terminateur, situé juste après la région codante, et qui contient un signal de fin d'élongation.


3.1. La régulation de la transcription
Cette tâche est dévolue aux régulateurs de transcription, que l'on peut classer en deux grands groupes : les répresseurs et les activateurs. Chacun contrôle toute une catégorie de gènes possédant dans la région régulatrice une même séquence de reconnaissance à laquelle il se lie spécifiquement. Chez les bactéries, la régulation est souvent fondée sur la répression : un répresseur est fixé sur son site de liaison, l'opérateur, situé à proximité du promoteur, gênant ainsi la fixation de la polymérase. La répression est levée par la présence d'un inducteur dans le milieu, qui agit en dissociant le répresseur de l'opérateur, permettant à la transcription de démarrer.
La situation est beaucoup plus complexe chez les eucaryotes, où le niveau de transcription d'un gène résulte de l'interaction globale de l'ensemble des activateurs et des répresseurs qui le contrôlent avec la machinerie transcriptionnelle. Les activateurs facilitent l'assemblage d'un complexe de préinitiation comprenant une dizaine d'entités multi-protéiques appelées « facteurs de transcription ». Les répresseurs empêchent l'ARN polymérase de démarrer la transcription, entre autres par compétition avec les facteurs de transcription ou les activateurs pour la liaison à l'ADN. La transcription de chaque gène est contrôlée spécifiquement, chacun étant régulé par une combinaison unique d'activateurs et de répresseurs.
De plus, chez les eucaryotes, l'ADN est stocké de manière très compacte au sein du noyau sous forme de fibre de chromatine, long chapelet de grains de forme cylindrique, les nucléosomes, constitués chacun d'un cœur de protéines basiques, les histones, autour duquel la double hélice est elle-même enroulée sur deux tours. Au sein de la chromatine, les facteurs de transcription et les protéines régulatrices n'ont pas accès aux séquences d'ADN qu'elles reconnaissent spécifiquement, ce qui constitue une manière basale de réprimer l'expression des gènes. Il faut l'intervention de protéines capables de remodeler la chromatine au niveau de ces sites régulateurs pour les rendre accessibles à la machinerie transcriptionnelle.


3.2. La reconnaissance de sites spécifiques de l'ADN
Comment les régulateurs de transcription reconnaissent-ils leurs gènes cibles au sein d'un génome qui en compte plus d'une centaine de milliers ? Des études de mutagenèse ont montré que chacune de ces protéines se lie à l'ADN, le plus souvent en amont de la partie codante des gènes dont elle contrôle l'expression, grâce à la présence d'une séquence d'une dizaine de paires de bases qui lui sert à la fois de site de reconnaissance spécifique et de point d'ancrage. Pour favoriser la formation du complexe ADN-protéine au niveau de la séquence correcte par rapport à toutes les autres, il faut une complémentarité structurale et une stabilisation énergétique, réalisée essentiellement au moyen de liaisons hydrogène et de Van der Waals. La mutation d'une seule paire de bases du site de liaison ou d'un seul aminoacide de la protéine peut suffire à diminuer considérablement l'association sélective des deux.
La double hélice présente, entre les deux chaînes enroulées l'une autour de l'autre, un petit et un grand sillon ; le second, plus large, offrant un meilleur accès aux bases enfouies au cœur de la structure et un plus grand pouvoir discriminant entre les différentes paires de bases, est utilisé le plus souvent dans l'interaction avec la protéine. Dans de très nombreux cas, la protéine utilise un élément de sa propre structure, une hélice alpha : celle-ci va se loger dans le grand sillon à la manière d'une « tête de lecture », les chaînes latérales de certains aminoacides de l'hélice contactant directement les bases de la séquence cible. Cette « hélice de reconnaissance » fait toujours partie d'un motif structural (le « domaine de liaison ») permettant de la stabiliser et de renforcer l'association avec le bon segment d'ADN, en particulier grâce à des liaisons électrostatiques avec les groupements phosphates.
Actuellement, plus d'une centaine de structures de complexes entre un domaine de liaison à l'ADN et un fragment d'ADN contenant la séquence reconnue ont été déterminées expérimentalement, essentiellement par cristallographie aux rayons X et dans quelques cas par résonance magnétique nucléaire (RMN). Il est apparu que les modes de reconnaissance étaient variés, en particulier qu'ils n'étaient pas limités aux hélices alpha, mais faisaient parfois intervenir des feuillets bêta (autre grand type d'élément de structure secondaire rencontré dans les protéines), et aussi le petit sillon de la double hélice plutôt que le grand sillon, comme dans le cas de la TBP. Différents motifs structuraux lient l'ADN, les plus fréquemment rencontrés étant l'« hélice-coude-hélice » et les « doigts de zinc ». Dans les seconds, des ions zinc servent à stabiliser la structure du domaine protéique par liaison à quatre aminoacides disséminés le long de la chaîne polypeptidique, des cystéines ou des histidines.
Un domaine de liaison à l'ADN reconnaît de 3 à 6 paires de bases, ce qui est trop court pour assurer la spécificité de la séquence cible. Pour résoudre ce problème, certains régulateurs de transcription contiennent plusieurs domaines de liaison à l'ADN, mais, le plus souvent, deux molécules de protéines s'associent pour former un dimère. Dans les deux cas, le site reconnu est plus long et la spécificité (discrimination) est donc accrue considérablement, mais l'autre avantage du dimère est l'augmentation importante de la force de liaison du complexe (affinité). Par ailleurs, la possibilité d'association en hétérodimère (deux protéines différentes) permet une combinatoire plus élevée qu'en homodimère et donc une régulation plus complexe.
Un autre facteur important dans la formation et la stabilisation des complexes ADN-protéine est la courbure de l'ADN. Celle-ci peut être intrinsèque (due à la séquence nucléotidique elle-même), ou bien encore induite par l'interaction avec la protéine. Dans ce cas, une adaptation mutuelle des deux partenaires permet d'optimiser leur association. Ainsi, le dimère de la protéine CAP (catabolite activator protein) coude la double hélice à plus de 90° pour s'y fixer plus facilement. La courbure de l'ADN est parfois essentielle à l'activité de la protéine; ainsi, les activateurs de transcription pourraient agir en facilitant l'assemblage du complexe de préinitiation par le rapprochement de ses différents composants.

 

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CHROMOSOME

 

chromosome


Structure en forme de bâtonnet du noyau cellulaire, constituant le support physique de l'hérédité.
Les chromosomes, qui apparaissent dans le noyau de la cellule au moment de la division (mitose ou méiose), résultent de la condensation de la chromatine (réseau diffus d’ADN et de protéines). La structure de ces bâtonnets, qui constituent le support des caractères héréditaires, est aujourd'hui l'objet de recherches considérables à l'échelle mondiale.
1. La découverte des chromosomes
Entre les années 1870 et 1880, les cytologistes donnent le nom de chromatine au réseau filamenteux colorable qu'ils observent dans le noyau, puis celui de mitose au mécanisme de division cellulaire, car il est caractérisé par l'apparition de filaments (en grec, mitos). En 1888, ces filaments reçoivent le nom de chromosomes, en raison de leur aptitude à se colorer fortement en présence de colorants basiques (du grec khrôma, couleur, et sôma, corps). Chromatine et chromosomes ne sont que deux aspects différents d'une même entité.
Au début du xxe s., le parallélisme est fait entre le comportement des chromosomes au cours des divisions menant à la formation des gamètes (méiose) et les règles de transmission des caractères héréditaires, définies par Gregor Mendel quarante ans plus tôt (les travaux de ce moine scientifique avaient été publiés en 1866, puis oubliés).
De cette constatation naît la théorie chromosomique de l'hérédité (les chromosomes sont les supports physiques de l’information héréditaire). C’est l'Américain Thomas Hunt Morgan qui, en 1920, consacre l'union entre génétique et cytologie : ses travaux sur les chromosomes et le patrimoine génétique de la drosophile (mouche du vinaigre) ont permis l'établissement des représentations de l’ensemble des chromosomes d’une cellule, ou caryotypes, sur lesquelles les chromosomes sont rangés par paires. Les gènes, terme introduit par Wilhelm Johannsen en 1909 pour qualifier les éléments transmetteurs de l'hérédité, occupent une position fixe sur les chromosomes. Depuis, la composition chimique des chromosomes et la structure en double hélice de l'ADN ont été définies, mais ce n'est qu'à partir de 1974 que l'agencement des différentes molécules les unes par rapport aux autres a été établi.


2. La morphologie des chromosomes
L'examen des cellules animales et végétales en division montre que chaque chromosome a une taille et une forme propres ; à de rares exceptions près, leur nombre est pair. L'observation est effectuée sur des cellules dont la division a été bloquée, à l'aide de colchicine (alcaloïde extrait du colchique), au stade de la métaphase (deuxième des quatre stades que comporte le processus de division cellulaire). À ce moment, les chromosomes sont séparés dans le sens longitudinal en deux chromatides, ou chromosomes fils, réunis par un centromère (constriction primaire).
Dans toutes les cellules somatiques, ou non reproductrices, chaque type de chromosome existe en deux exemplaires : ils sont dits homologues. En définissant par n le nombre de chromosomes différents, les généticiens ont qualifié de diploïdes ces cellules qui possèdent 2n chromosomes. En revanche, les cellules reproductrices, ou gamètes, qui ne contiennent que n chromosomes sont haploïdes.


3. Le nombre de chromosomes
Au moment de la fécondation, la fusion des deux gamètes (spermatozoïde et ovule) rétablit le nombre de chromosomes (n + n = 2n) dans la cellule œuf ou zygote. Le nombre de paires de chromosomes dans les cellules humaines, 23 au total (2n = 46), a été établi en 1956 par Joe Hin Tijo et Albert Levan. Il est important de remarquer que le nombre chromosomique d'une espèce n'a aucun rapport avec son degré d'évolution, ni même avec sa taille, puisque l'amibe possède plusieurs centaines de chromosomes.
L'utilisation expérimentale de substances comme la colchicine permet de provoquer des anomalies numéraires en déréglant le processus de la mitose. Les espèces créées possèdent un caryotype dont les chromosomes sont en quadruple exemplaire (cellules tétraploïdes, à 4n), voire plus. De nombreuses plantes cultivées (blé, rose, tabac, dahlia, etc.), qui ont fait l'objet de telles manipulations génétiques, sont caractérisées par des fleurs, des graines et une taille générale supérieures à la normale.


3.1. Les chromosomes sexuels

Chez l’espèce humaine, ce sont ceux de la vingt-troisième paire sur un caryotype. Chez la femme, cette paire est composée de deux chromosomes identiques, nommés X. Chez l'homme, elle est composée de deux chromosomes de taille différente : l'un, ressemblant à ceux de la femme, est un chromosome X ; l'autre, plus court, est le chromosome Y. Appelés aussi hétérochromosomes, les chromosomes sexuels déterminent le sexe de l'individu, par opposition aux 22 autres paires, les autosomes, qui définissent les caractères physiques et psychologiques de l'individu. Chez d'autres espèces, telle la mouche, la femelle est XY, alors que le mâle est XX.
D'autre part, les cellules d'une femme sont caractérisées, entre deux divisions, par la présence dans le noyau d'un grain de chromatine, correspondant à l'un de ses chromosomes sexuels. Ce grain, aussi appelé chromatine sexuelle ou corpuscule de Barr, sert à diagnostiquer le sexe vrai ou des anomalies sexuelles.


4. Des chromosomes particuliers


4.1. Le « chromosome » bactérien
Globalement, le matériel génétique d'une bactérie est comparable à celui des eucaryotes. Il est également constitué d'ADN et de protéines qui, sans être rigoureusement identiques, conservent les mêmes fonctions. Le génome principal d’une bactérie est représenté par une molécule d’ADN de forme circulaire qui, par analogie avec la structure du génome des eucaryotes, est souvent appelée « chromosome bactérien », bien qu’il ne s’agisse pas d’un chromosome à proprement parler.
Nombre de bactéries ne possèdent qu'un seul « chromosome », mais il n'est pas rare d'en observer plusieurs, surtout avant la période de division. La souche de laboratoire d’Escherichia coli, un bacille particulièrement étudié dans les domaines de la génétique et de la biologie moléculaire, possède un chromosome de 1,3 mm de circonférence, contenant environ 4,7 millions de paires de bases. Son génome a été entièrement séquencé (1997). En 1997, une équipe internationale de plusieurs dizaines de chercheurs a publié la séquence complète des 4 214 810 paires de bases constituant le génome de la bactérie Bacillus subtilis, et déterminé ses 4 100 gènes codant pour des protéines. Depuis, de nombreuses autres bactéries (Helicobacter pylori, Haemophilus influenzae, Saccharomyces cerevisiae, Mycoplasma pneumoniae, etc.) et archaebactéries (Archaeoglobus fulgidus, Methanococcus thermoautotrophicum, Aquifex aeolicus, etc.) ont déjà vu ainsi leur génome entièrement séquencé (il est d'ailleurs remarquable que ces données soient librement accessibles sur Internet).
Les bactéries possèdent également, en nombre variable, d'autres fragments de génome de taille beaucoup plus réduite, représentant un centième du chromosome principal. Ces fragments, circulaires eux aussi, sont appelés plasmides et se répliquent de façon indépendante. L'un d'entre eux, le facteur F, confère le caractère mâle à la bactérie porteuse. Il permet la conjugaison et le transfert de matériel génétique d'une bactérie à l'autre, tout particulièrement lorsqu'il s'intègre au chromosome principal. En général, les plasmides ne portent pas d'information génétique essentielle au métabolisme de la bactérie. C'est toutefois dans ces fragments d'ADN que sont contenus les gènes conférant la résistance aux antibiotiques.


4.2. Les chromosomes géants
Chez certaines espèces, on peut observer des chromosomes de très grande taille, environ près de cent fois celle d'un chromosome de dimension moyenne. Ces chromosomes géants, ou polyténiques, ont été trouvés chez des protozoaires ciliés et dans les cellules du tube digestif ou de glandes annexes de diptères (mouches), comme la drosophile. Ils sont constitués par l'association des deux chromosomes homologues, eux-mêmes formés d'un millier de nucléofilaments, accolés les uns aux autres après la réplication. Une alternance de bandes sombres et claires est particulièrement visible sur cette structure ; elle correspond aux différences de condensation du nucléofilament. Toutes ces spécificités ont fait des chromosomes géants un objet privilégié pour les études génétiques, et notamment pour la cartographie des gènes chez la drosophile.


5. Le caryotype

Le caryotype est l’ensemble des chromosomes d’une cellule ou d’un individu, et spécifique de l’espèce à laquelle il appartient (le nombre de chromosomes d’une espèce est constant).


5.1. Établissement du caryotype
Chez l'homme, le caryotype est réalisé à partir de cellules sanguines, les globules blancs, qui se divisent assez facilement en culture. Après un prélèvement de sang par ponction veineuse, les cellules sont déposées sur un milieu de culture contenant des éléments nutritifs, des antibiotiques (pour éviter leur contamination et leur destruction par des bactéries) et des substances activant la mitose.
Trois jours plus tard, les mitoses sont bloquées à l'aide de colchicine, qui empêche la mise en place du fuseau. Les cellules, soumises à un choc hypotonique qui les fait éclater, sont ensuite fixées par des mélanges à base d'alcool, de chloroforme et d'acide acétique. Enfin, les chromosomes sont colorés, photographiés, identifiés grâce aux clichés, puis classés.


5.2. La formule chromosomique
Le chromosome Y est certainement le chromosome humain le plus variable du patrimoine génétique de l'homme. Sa longueur varie selon les populations : par exemple, il est souvent plus grand chez les Asiatiques que chez les Européens. Certains chromosomes possèdent des constrictions secondaires, sortes d'allongements supplémentaires ; le chromosome 9, à l'état normal, en possède une sur son bras long, mais, chez certains individus, elle se situe sur le bras court de ce chromosome. La constriction des chromosomes 1 et 16 peut être de longueur variable.
De telles variations sont également visibles chez les animaux, comme les rongeurs, qui montrent de nombreux exemples de variations intraspécifiques de la formule chromosomique. Certains individus possèdent même un nombre de chromosomes inférieur ou supérieur à la normale. Des différences existent chez des espèces extrêmement proches les unes des autres, tant sur le plan de la physiologie que sur celui de l'anatomie, et pour lesquelles aucune différence chromosomique majeure ne pourrait être attendue. La stabilité du caryotype n'est donc que relative, et cela quelle que soit la position de l'être vivant dans la classification zoologique. Toutefois ces altérations sont peu fréquentes dans une population donnée.
Pour de nombreux auteurs, ces variations de la formule chromosomique peuvent être dans certains cas, au même titre que les mutations ponctuelles des gènes, un élément d'évolution d'une espèce – tout au moins lorsque ce changement est susceptible d'induire des changements de phénotype et lorsque ceux-ci restent compatibles avec la survie de l'individu.


5.3. Les aberrations chromosomiques

Il arrive que les altérations du stock chromosomique soient profondes et entraînent de graves problèmes de santé pour l'individu qui les porte. Ces anomalies chromosomiques sont soit de type numérique, soit de type structural, et peuvent affecter tous les chromosomes.
Les anomalies de type numérique sont principalement dues à une mauvaise séparation des chromosomes appariés au cours de la mitose ou de la méiose. Lorsque le caryotype comprend un multiple exact du nombre haploïde (3n ou 4n, par exemple), la cellule ou l'organisme sont dits polyploïdes. Si le nombre n'est pas un multiple exact, on parle d'aneuploïdie. La trisomie 21 (ou syndrome de Down) est un exemple d'aberration de ce type : elle est caractérisée par la présence d'un chromosome surnuméraire dans la paire 21. La principale cause de l'aneuploïdie est une distribution inégale du stock chromosomique lors de la formation des cellules sexuelles.
Les aberrations de la structure chromosomique résultent d'une cassure d'un chromosome suivie d'une reconstruction anormale. Elles peuvent apparaître à la suite de divers mécanismes. La délétion (perte pure et simple d'un fragment du chromosome) peut concerner sa partie terminale ou une portion comprise entre deux points de rupture. La duplication aboutit à l'intégration d'un fragment supplémentaire de chromosome tout en créant une délétion dans un autre chromosome. Dans d'autres cas, si la cassure d'un chromosome est mal réparée, le fragment peut être « ressoudé » à l'envers (inversion) ou intégré en un tout autre site (translocation).
Voir aussi les articles : aberration chromosomique, délétion.


6. La structure des chromosomes
Les chromosomes et la chromatine sont constitués de protéines et d'acides nucléiques (ADN). L'ARN n'intervient pas dans la structure même, car l'information portée par la molécule d'ADN est transcrite sous forme d'ARN qui, après être passé du noyau vers le cytoplasme, est traduit en protéine.


6.1. L'ADN chromosomique

La quantité d'ADN contenue dans une cellule est constante pour une espèce vivante donnée, exception faite des cellules reproductrices dont le stock est divisé par 2. Cette quantité a été estimée à 0,4 pg chez la mouche et à 5,86 pg chez le chien, par exemple. Pour l'homme, les estimations ont donné 7,3 pg pour une longueur totale de 2,36 m. Si l'on veut avoir une idée plus réelle des proportions de la molécule d'ADN, il suffit de multiplier ses dimensions un million de fois. Dans ce cas, les 46 brins d'ADN complètement déroulés des chromosomes humains mis bout à bout formeraient un fil de 2 mm de diamètre pour une longueur de plus de 2 000 km !
La molécule d'ADN est formée d'un double enchaînement ordonné de nucléotides complémentaires (fibre bicaténaire, ou duplex) de 2 nm de diamètre. Cet arrangement définit sa structure primaire globalement linéaire; mais par les propriétés physicochimiques de ses composants, l'ADN adopte une configuration en double hélice qui correspond à sa structure secondaire. Selon les cas, on compte entre 9 et 11 bases par tour d'hélice. Cette molécule bicaténaire est relativement rigide le long de son axe et subit, par conséquent, de nombreuses contraintes dans l'architecture des chromosomes. Chez l'homme, un chromosome peut mesurer une dizaine de micromètres de long pour 0,5 mm de diamètre : l'ADN est donc fortement compacté au sein d'une structure qui inclut aussi de nombreuses protéines.


6.2. Les protéines chromosomiques

Elles appartiennent à deux groupes, celui des histones, très homogène, et celui des non-histones, qui comportent plusieurs centaines de types différents.
Par leur richesse en acides aminés, telles la lysine et l'arginine, qui à eux seuls peuvent constituer près de 25 % de la chaîne polypeptidique, les histones sont des protéines basiques. Elles ont une forte affinité entre elles, mais aussi avec les acides nucléiques comme l'ADN et avec les protéines non histones. Si l'on considère leur structure primaire, ou séquence d'acides aminés, on constate une remarquable constance, même pour des espèces d'eucaryotes fort éloignées. Ce qui laisse à penser que le rôle de ces protéines est identique pour toutes les espèces et que la moindre anomalie de séquence doit être mortelle pour l'organisme. Les protéines histones sont réparties en cinq types majeurs : H1, H2A, H2B, H3 et H4.
Les protéines non histones forment un groupe très hétérogène du fait de la diversité des rôles qu'elles assurent. Certaines d'entre elles interviennent, tout comme les histones, dans l'architecture du chromosome. La myosine et l'actine, par exemple, qui sont également les protéines contractiles fondamentales du muscle, pourraient entrer en action lors de la condensation et la décondensation des chromosomes. On trouve par ailleurs des protéines, dont le rôle est d'assurer la réplication et la réparation des brins d'ADN, et toutes les enzymes, substances protéiniques, nécessaires à la transcription des gènes en ARN.


6.3. La structure de base des chromosomes

Quel que soit l'aspect qu'il présente, la structure de base du chromosome est la fibre nucléosomique. Révélée à la fin des années 1950 par des diagrammes de diffraction des rayons X, cette structure ressemble à un chapelet de perles dont le fil connecteur serait l'ADN et les perles des groupements d'histones. C'est Arthur Kornberg qui en 1974, sur la base de clichés réalisés en microscopie électronique, proposa un modèle pour décrire cet arrangement. Le nucléosome, unité de base, serait constitué par un assemblage protéique contenant 8 histones, identiques deux à deux (2 × H2A, 2 × H2B, 2 × H3, 2 × H4). Le filament d'ADN s'enroulerait autour de cette structure en faisant deux tours de spire à la manière d'un fil s'enroulant sur un court cylindre (110 Å de diamètre sur 57 Å de hauteur) ; la continuité du filament d'ADN assure également le lien entre les différents nucléosomes.
L'organisation du nucléofilament dans la chromatine est encore plus complexe. Des filaments environ trois fois plus épais que la fibre nucléosomique (soit d'un diamètre de près de 30 nm) seraient le résultat de la condensation de la fibre nucléosomique. Deux modèles ont été proposés pour en décrire l'organisation : en solénoïde et en superboules. Dans le premier, la fibre nucléosomique s'enroulerait en une spirale dont chaque tour serait formé de 6 nucléosomes. Dans le second, la fibre chromosomique serait formée par la juxtaposition de boules contenant 12 nucléosomes. La stabilité de ces deux structures serait assurée par les protéines histones de type H1.
Un des stades privilégiés de la division cellulaire pour étudier les chromosomes est la métaphase. En effet, à ce moment, ils sont complètement individualisés en chromatides, et la condensation, amorcée au début de la phase de division, est maintenant terminée. Les chromatides formées correspondent à un degré d'organisation supplémentaire de la fibre chromosomique décrite précédemment.
Dans cette organisation, les protéines non histones jouent un rôle très important. On a pu isoler et purifier une trentaine d'entre elles, ce qui ne représente qu'un millième de la quantité d'histones constituant le chromosome. Ces protéines forment le squelette longiligne qui donne sa forme générale à la chromatide ; la fibre chromosomique, qui s'enroulerait autour de cet axe, formerait au préalable des sortes de petites pelotes, les microconvules, de 52 nm de diamètre, contenant l'ADN. Ce nouveau chapelet se disposerait alors autour de l'axe de protéines non histones. Une estimation avance que le chromosome humain le plus grand pourrait être composé de plus de 4 000 de ces microconvules.


7. La duplication des chromosomes
Toute division cellulaire (mitose, première division de la méiose) est précédée d'une duplication de l'information génétique, afin que celle-ci puisse être transmise dans son intégralité aux cellules filles. Cette duplication est assurée par la réplication de l'ADN, qui aboutit à la formation de deux longues molécules linéaires en tous points semblables. Elle s'effectue selon un modèle semi-conservatif, dans lequel chaque brin de la double hélice engendre un brin complémentaire puis s'y associe. La réplication est un phénomène biochimique très complexe nécessitant la participation de nombreuses enzymes dont le rôle est de dérouler le filament d'ADN, de séparer les deux brins, de synthétiser les brins complémentaires et, enfin, de reconstituer la structure native des brins fils.
→ ADN.


8. La parenté chromosomique de l'homme
Les scientifiques ont généralement recours à la morphologie, à l'anatomie et à la physiologie pour déterminer les liens évolutifs entre différentes espèces. Mais ces liens peuvent être établis par l'analyse de la formule chromosomique. Depuis Darwin, les biologistes ont admis que l'homme et les grands singes (chimpanzé, gorille, orang-outan…) ont une parenté commune ; elle a été confirmée par l'étude de leur formule chromosomique.
L'homme a 23 paires de chromosomes, contre 24 chez les grands singes. Une analyse plus fine a montré que 13 des paires humaines sont rigoureusement identiques à celles du chimpanzé et que les paires restantes ne se distinguent que par de subtils remaniements. Quant au chromosome 2 de l'homme, il correspond tout simplement à la fusion de deux chromosomes du chimpanzé.
Les scientifiques se demandent à présent pourquoi des différences aussi minimes peuvent se traduire par des divergences morphologiques et comportementales aussi importantes.

 

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LES GÈNES HOMÉOTIQUES ET L'ÉVOLUTION DES ANIMAUX

 

 

 

 

 

 

Texte de la 432e conférence de l'Université de tous les savoirs donnée le 11 juillet 2002

Guillaume Balavoine, « Le complexe Hox et l'évolution des animaux »



L'idée que les modifications que subissent les espèces au cours de l'évolution sont causées par des altérations du développement de l'embryon est apparue dès le XIXe siècle. Néanmoins, l'ignorance dans laquelle nous étions des mécanismes fondamentaux de l'embryogenèse, c'est-à-dire le développement progressif d'un animal juvénile composé de milliers de cellules, de tissus différenciés et d'organes complexes à partir d'une seule cellule, l'oeuf fécondé, a empêché jusqu'à une date récente toute avancée significative dans le domaine des mécanismes embryologiques de l'évolution. Cette situation a radicalement changé depuis une trentaine d'années. Des progrès considérables ont été faits dans la compréhension de la façon dont les gènes contrôlent le développement de l'embryon. Pour la première fois, des exemples convaincants du rôle possible de certains gènes dans l'évolution de la morphologie des animaux ont été proposés.

Au cours de mon exposé, je souhaite donner un aperçu historique de la relation entre embryologie et évolution. J'essaierai d'expliquer à quel point la découverte des gènes homéotiques et de leur conservation chez la plupart des animaux a été révolutionnaire pour la biologie du développement. Dans une troisième partie, j'expliquerai comment certains de ces gènes peuvent avoir été impliqué dans l'évolution du plan d'organisation des animaux.

Evolution, embryologie et génétique

La première synthèse de l'embryologie et de l'évolution est celle de Ernst Haeckel (1834-1919), le grand naturaliste allemand. Depuis longtemps, les naturalistes avaient constaté que des animaux très dissemblables au stade adulte comme les mammifères et les poissons peuvent avoir des embryons très comparables aux stades précoces (le fameux stade « pharyngula »). Des interprétations pré-évolutionnistes ont éte proposées par Serres et par Meckel, mais la synthèse la plus connue était celle de von Baer (1792-1876). Les lois de von Baer mettent en exergue que l'embryogenèse dans un groupe donné fait d'abord apparaître les caractères les plus généraux, puis les caractères spécifiques, suivant une séquence temporelle stricte. Von Baer, qui était "fixiste" (il ne croyait pas à l'évolution des formes vivantes) voyait donc les différents groupes d'animaux comme autant de lignées séparées, ayant en commun les caractères généraux apparaissant tout au début de l'embryogenèse, et se différenciant par des caractères apparaissant plus tardivement dans le développement.

Haeckel voyait au contraire dans l'ontogénie une image exacte de la façon dont les animaux ont évolué, une conception énoncée en français par le fameux aphorisme : « l'ontogenèse récapitule la phylogenèse ». Selon Haeckel, les caractères nouveaux acquis par les organismes adultes au cours de l'évolution sont originellement des additions terminales au processus de leur développement. Par la suite, d'autres caractères peuvent encore être ajoutés en séquence, mais les caractères acquis auparavant sont retenus dans l'embryogenèse en apparaissant plus tôt. L'embryogenèse récapitule donc les formes adultes des espèces ancestrales. Un exemple bien connu est celui des fentes pharyngiennes qui apparaissent transitoirement chez les embryons des mammifères et qui selon l'hypothèse d'Haeckel sont le vestige des fentes portant les branchies chez les ancêtres « poissons » des mammifères. Haeckel reconnaît des exceptions à cette règle pourtant, c'est-à-dire des caractères qui n'apparaissent pas dans l'ontogénie à un stade qui correspond à celui de leur acquisition au cours de la phylogenèse. Mais le grand oeuvre du biologiste évolutionniste doit justement consister à retrouver dans l'embryogenèse les indices véritables de l'histoire des êtres. En appliquant systématiquement ces principes à la reconstitution de cette histoire des êtres vivants, Ernst Haeckel fut le premier à dessiner les arbres généalogiques (ou « phylogénétique ») représentant leurs parentés.

Gradualisme darwinien contre mutationnisme

Haeckel était un partisan enthousiaste des idées de Charles Darwin (1809-1882). Darwin proposa en 1859 dans l'Origine des espèces une théorie révolutionnaire de l'évolution des formes vivantes par la sélection naturelle. Le fondement de cette théorie est qu'il existe à tout moment dans la population naturelle de n'importe quelle espèce des variations infimes de la forme et de la taille des organes. Ces variations apparemment insignifiantes ont néanmoins la caractéristique d'être héréditaires. Certaines de ces variations se révèlent désavantageuses pour la survie dans son milieu de l'individu qui les porte mais d'autres sont bénéfiques. Comme la reproduction produit bien plus d'individus qu'il n'en peut survivre (la fameuse "lutte pour la vie"), les individus porteurs d'une variation bénéfique sont plus susceptibles d'attendre l'age de la reproduction que les autres et vont plus que les autres transmettrent ces avantages à leur descendance, entraînant l'expansion de la variation au sein de la population de l'espèce. Comme pendant ce temps, de nouvelles variations apparaissent, de proche en proche, par l'accumulation sur de très longues périodes de temps (Darwin parlait de millions d'années) d'infimes variations, des modifications très substantielles de l'anatomie de l'espèce peuvent se produire. Darwin ne connaissait pas l'origine des variations héréditaires qu'il constatait dans les populations naturelles et il ne savait pas par quel mécanisme ces variations étaient transmises à la descendance.

On le voit, le développement ne joue pas un grand rôle dans la théorie de Darwin. Haeckel a donc essayé de concilier le darwinisme avec sa propre théorie d'évolution des formes vivantes par modification du développement. Haeckel avait ses propres idées sur la transmission héréditaire des variations, fondée sur ce qu'il est convenu d'appeler l'hérédité des caractères acquis, mais cette théorie s'effondra avec la découverte du gène.

Ironiquement, les gènes étaient découverts par un moine morave, Gregor Mendel (1822-1884), à l'époque même où Darwin faisait publier l'Origine des espèces. Mendel travaillait sur une plante, le petit pois, et sur de petites variations de pigmentation ou de texture des téguments des graines de cette plante. Ces variations étaient semblables à celles dont parlait Darwin dans l'Origine des espèces. Mais pendant plus de trente ans, les travaux de Mendel n'ont reçu aucun écho.

L'une des premières conséquences de la redécouverte du gène vers la fin du dix-neuvième siècle a été un rejet par les premiers généticiens de l'évolution « darwinienne » (c'est-à-dire du rôle prépondérant de la sélection naturelle dans l'apparition des caractères nouveaux) comme cause principale de l'évolution anatomique. L'un des ré-inventeurs de la génétique, le hollandais Hugo de Vries (1848-1935), distinguait deux sortes de variations dans les populations naturelles : les variations continues minimes sur lesquelles Darwin fondait sa théorie, mais qui ne pouvaient, selon de Vries, en aucun cas permettre l'évolution et les variations discontinues et brutales (qu'il appela des « mutations ») qui, seules, pouvaient produire de nouvelles espèces. Le rôle de la sélection était, sinon rejetée, du moins limitée à l'émondage des espèces par trop inadaptées. Pour de Vries, l'évolution procède donc par sauts, une mutation pouvant faire apparaître soudainement une nouvelle espèce.

Bateson et les transformations homéotiques

Parmi les tenants de cette école saltationniste, on trouve William Bateson (1861-1926), zoologiste anglais. Bateson était persuadé que les mécanismes évolutifs qui produisent de nouvelles espèces sont discontinus et interviennent par des variations anatomiques brutales. Dans Materials for the study of variation (1894), il fournit un recueil considérable d'exemples de ces variations discontinues. Certaines de ces variations se caractérisent par le fait qu'une certaine partie du corps d'un organisme prenait l'apparence d'une autre partie. Par exemple, chez les insectes, les antennes peuvent être remplacée par des pattes ; chez les crustacés, les yeux peuvent devenir des antennes ; chez diverses plantes, les pétales de la fleur peuvent prendre la forme d'étamines. Bateson fournit une longue liste de ce type de transformations parmi des groupes aussi variés que les vers annelés, les insectes et les mammifères. Il inventa le terme « homéose » pour désigner ces transformations. Bateson s'intéressa à l'origine de la variation et s'enthousiasma pour la théorie génétique de l'hérédité. Cette théorie lui semblait tout à fait confirmer ses idées quant à l'apparition soudaine de nouvelles espèces. Néanmoins, pendant les décennies qui suivent, ces idées ne font guère école. Les généticiens s'intéressent essentiellement à des modifications assez minimes de la morphologie pour expliquer l'évolution des caractères. Les « monstres » issus de mutations telles que les transformations homéotiques intervenant au cours du développement précoce les intéressent fort peu.

Les mutants homéotiques de la drosophile

Il faudra attendre Edward Lewis (né en 1918, prix Nobel 1995 de médecine), un généticien américain, pour que l'origine génétique des transformations homéotiques soient analysées en profondeur. Edward Lewis a travaillé toute sa vie sur les gènes homéotiques de la mouche fétiche des généticiens, la drosophile.

Le corps d'une mouche (tête, thorax et abdomen) est formé de segments d'anatomies différentes mais qui apparaissent identiques au début de leur développement. Sous l'effet d'une mutation d'un gène homéotique, un ou plusieurs segments vont au cours du développement prendre l'apparence d'autres segments. L'exemple le mieux connu est celui de la mutation bithorax. Les mouches porteuses de cette mutation ont deux paires d'ailes et semblent avoir deux thorax. Chez les mouches (diptères), le deuxième segment thoracique (T2) est très développé et porte une paire de pattes et une paire d'ailes alors que le troisième segment thoracique (T3) est de taille réduite et porte juste une paire de pattes mais pas d'ailes. Chez le mutant bithorax, T3 ressemble trait pour trait à T2, c'est-à-dire que la taille du segment est considérablement augmentée et qu'il porte des ailes (fig 1).

Edward Lewis a consacré une bonne partie de sa carrière à l'étude de ces gènes et dans une publication en 1978, il a contribué à démontrer deux aspects fondamentaux de leur structure et de leur fonction (fig 2) :

- les gènes homéotiques sont regroupés en deux complexes sur un chromosome de la mouche, le complexe Antennapedia qui compte cinq gènes contrôlant la forme des segments de la tête et du thorax, et le complexe Bithorax avec trois gènes s'occupant du thorax et de l'abdomen. Lewis en a déduit que les gènes homéotiques étaient des gènes apparentés apparus par des duplications successives dites « en tandem » d'un seul gène ancestral.

- Ces gènes régulent l'identité des segments de la mouche le long de l'axe antéro-postérieur suivant un ordre identique à celui dans lequel on les trouve sur le chromosome. C'est ce que l'on appelle la propriété de colinéarité.

Edward Lewis pensait à cette époque que les gènes homéotiques étaient une particularité des arthropodes (les animaux articulés) et qu'ils avaient joué un grand rôle dans leur évolution. On considérait à l'époque que les insectes avaient évolué à partir d'ancêtres chez lesquels tous les segments du tronc sont identiques, comme chez les milles-pattes actuels. Cette anatomie aurait été contrôlée par un gène homéotique ancestral unique. Puis d'autres gènes, ceux du complexe Bithorax seraient apparus par des duplications du gène ancestral. Mais ces nouveaux gènes auraient acquis une nouvelle fonction, celle de gènes « suppresseurs » de « pattes » L'apparition de ces gènes aurait donc provoqué l'apparition de l'abdomen sans patte et donc des insectes (fig 3).

Les années qui suivirent, qui virent l'application systématique des nouvelles techniques de biologie moléculaire à l'analyse des gènes des deux complexes donnèrent souvent raison aux idées visionnaires de Lewis sauf sur un point important : les gènes étaient beaucoup plus anciens qu'il ne le pensait.

L'homéodomaine ou la pierre de Rosette de la biologie du développement.

Dans les années 1980, plusieurs laboratoires ont élucidé la nature et la fonction moléculaire des gènes homéotiques. Les gènes sont des fragments d'ADN sur le chromosome composé d'un enchaînement spécifique de nucléotides (les quatre fameuses bases A,T,G,C). Ces enchaînements codent la structure d'une protéine, laquelle peut avoir diverses fonctions (protéines contractiles comme dans les cellules musculaires, enzymes du métabolisme, etc ...). Quand un gène, à un moment donné du développement et dans des cellules données, est effectivement « traduit » dans la protéine qu'il code, on dit que le gène s'« exprime ». Les gènes homéotiques codent pour des protéines régulatrices de l'expression d'autres gènes, c'est-à-dire que dans les cellules où le gène homéotique s'exprime, une protéine homéotique est produite qui va à son tour réguler positivement ou négativement l'expression de plusieurs autres gènes.

Les gènes homéotiques sont responsables de l'identité des segments de la drosophile au cours du développement, c'est-à-dire qu'ils vont aiguiller le développement des cellules de ces segments vers une direction spécifique. C'est pourquoi ces gènes ont été désignés sous l'appellation de gènes « sélecteurs» : ils fixent la destinée des cellules embryonnaires dans lesquelles ils sont exprimés, c'est-à-dire dans lesquelles la protéine qu'ils codent est produite. On peut grâce à des méthodes moléculaires sophistiquées mettre en évidence l'expression du gène dans des segments spécifiques (fig 4).

Le séquençage des gènes homéotiques fut effectué dans plusieurs laboratoires, notamment celui de Walter Gehring en Suisse et celui de Thomas Kaufman aux Etats-Unis. Comme Lewis l'avait prévu, les gènes homéotiques sont bien des gènes apparentés. Ils ont tous en commun un motif conservé, lequel code pour une partie de la protéine que l'on a appelé l'« homéodomaine ». C'est grâce à cet homéodomaine que les protéines homéotiques peuvent se fixer sur le chromosome à des endroits spécifiques et réguler d'autres gènes se trouvant à proximité, les gènes « effecteurs » qui vont réaliser la « forme » finale du segment en agissant sur la différenciation des cellules de ce segment.

Les études menées sur la drosophile ont donc révélé des concepts entièrement nouveaux pour la biologie du développement. Les gènes homéotiques ont été les premiers gènes « sélecteurs » étudiés en détail mais on sait aujourd'hui que beaucoup d'autres gènes de ce type (des centaines) existent sur les chromosomes et qu'ils régulent de multiples aspects du développement.

Très rapidement, on s'aperçut que des gènes codant pour des protéines à homéodomaine très proches des gènes homéotiques de la drosophile étaient présents chez la plupart des animaux, en particulier chez les vertébrés. On appelle ces gènes les gènes « Hox » de façon générale. La voie était ouverte pour une vaste entreprise d'identification de gènes par homologie qui conduisit à la découverte des complexes de gènes Hox chez l'homme et la souris. La « Pierre de Rosette » de la biologie du développement était découverte.

Des complexes homologues chez les insectes et les vertébrés.

Les deux complexes homéotiques de la drosophile ANT-C et BX-C sont le résultat d'une scission d'un complexe ancestral unique. Cette organisation ancestrale en un seul complexe a été trouvée chez d'autres insectes. Les vertébrés ont quatre complexes de gènes Hox qui résultent manifestement de duplications d'un complexe ancestral entier. Les quatre complexes sont situés sur des chromosomes différents. Ils sont alignables entre eux, chaque gène ayant en général un proche parent chez chacun des trois autres complexes, dont l'homéodomaine est quasiment identique.

La plupart des gènes Hox des vertébrés sont alignables avec les gènes des complexes de la drosophile, sur la base de la comparaison des homéodomaines et de la position du gène au sein du complexe (figure 3). Ceci démontre que ces gènes ont été hérités d'un ancêtre commun aux deux organismes, un animal qui vivait il y a au moins 550 millions d'années. Le complexe Hox lui-même devait donc exister chez cet animal. Il a été possible d'étudier la fonction des gènes Hox chez les mammifères en prenant comme modèle la souris où il est possible d'obtenir artificiellement des mutants de ces gènes. Quand on détruit l'un des gènes de la souris, on obtient des souriceaux présentant des malformations qui sont des transformations homéotiques de la colonne vertébrale ou des côtes, c'est-à-dire que certaines vertèbres ou certaines côtes prennent l'aspect de vertèbres ou de côtes plus antérieures ou plus postérieures. On a donc des effets très comparables à ceux observés sur les segments de la drosophile.

On avait donc à l'époque entre les mains un premier exemple de conservation à très grande échelle d'une structure chromosomique complexe. Que cette structure soit constituée de gènes fondamentaux pour le développement, responsables d'une partie importante du plan d'organisation de l'animal, comme cela a été établi rapidement chez les vertébrés aussi, était complètement inattendu. Rien ne laissait penser en effet que les plans d'organisation d'un mammifère et d'un insecte avaient quoi que ce soit de comparable, hormis quelques grands traits de base (axe antéro-postérieur, présence d'une tête, etc...).

La comparaison structurelle et fonctionnelle des gènes Hox des insectes et des mammifères établissait donc de façon certaine que leur dernier ancêtre commun avait déjà un complexe Hox élaboré, que ce complexe jouait déjà un rôle dans la régionalisation antéro-postérieure de l'embryon.

L'évolution du complexe Hox au sein des animaux.

La ressemblance des complexes de la souris et de la drosophile est remarquable. Il y a néanmoins des différences importantes. D'abord, les quatre complexes semblables des mammifères suggèrent que chez un de leur ancêtre, le complexe ancestral a été dupliqué plusieurs fois pour donner les quatre copies. Ensuite, les mammifères ont beaucoup plus de gènes « postérieurs » (exprimés dans la partie postérieure de l'embryon) que les insectes (jusqu'à cinq contre un seul). Ces différences suggèrent que des changements assez importants se sont produits pendant l'histoire du complexe Hox.

Ces constatations ont amené certains chercheurs à se demander quelles ont été les grandes étapes de l'évolution du complexe, à quelle moment de l'histoire de la vie ce complexe est apparu et si cette apparition est corrélée avec une étape importante de l'évolution des formes vivantes. Une « chasse » au gène Hox a donc été menée chez toute une série d'organismes. Très vite, il est apparu que l'histoire des gènes Hox serait propre aux animaux. En effet, aucun gène proche du type Hox n'a été découvert chez les plantes, chez les champignons ou chez les bactéries.

Pour comprendre l'histoire du complexe Hox au sein des animaux, il faut avoir une idée assez précise de la généalogie des animaux. A l'époque où les gènes Hox furent identifiés, dans les années 1980, d'importants progrès restaient à faire dans ce domaine. Depuis Haeckel, les hypothèses sur la forme de l'arbre généalogique des animaux, basées sur la comparaison de leurs caractères anatomiques et embryologiques avaient abondées. Mais des conflits importants subsistaient entre les évolutionnistes. L'ère de la biologie moléculaire apporta un renouveau considérable à ce domaine car il devint possible d'utiliser les gènes pour établir les relations de parenté entre les êtres vivants. La comparaison de la structure de gènes homologues (c'est-à-dire hérité d'un ancêtre commun) entre plusieurs organismes permet d'obtenir ces informations. Tous les gènes sont constitués d'un enchaînement précis des quatre acides nucléiques constitutifs de l'ADN (A, T, G et C). Lorsqu'une espèce donne naissance à deux lignées distinctes au cours de l'évolution, de petites différences vont commencer à s'accumuler entre les gènes initialement identiques de ces deux lignées. En général, ces différences consistent en de simples remplacements, appelés substitutions, d'un acide nucléique par un autre. En première approximation, ces substitutions s'accumulent régulièrement en fonction du temps écoulé. Le principe de base de ce que l'on appelle la « phylogénie moléculaire » est donc simple : plus les structures des gènes comparés sont proches (moins on trouve de substitutions), plus les organismes concernés doivent être apparentés.

L'utilisation systématique de ces techniques sur plusieurs types de gènes a permis de voir émerger au cours des années 1990 la forme générale de l'arbre des animaux (fig 5). A la base de l'arbre émergent les éponges, les animaux les plus simples. Les éponges n'ont pas à proprement parler de tissus différenciés. Tous les autres animaux se regroupent par le fait qu'ils ont des tissus et des organes différenciés. A la base de ce nouveau groupe des « animaux à tissus », on distingue une autre branche qui est celle des polypes (anémones de mer, coraux) et méduses. Ces animaux ont été reconnus très tôt comme relativement plus simples que les autres animaux à tissus, car ils n'ont fondamentalement que deux feuillets cellulaires (un externe et un interne), n'ont pas de système nerveux condensé et pas non plus d'axe antéro-postérieur avec une tête et un tronc clairement différenciés. Tous les autres animaux semblent être regroupés dans un troisième ensemble que l'on appelle les « bilatériens ». Ce terme se réfère au fait que ces animaux ont une symétrie bilatérale (c'est-à-dire un côté gauche et un côté droit identique) mais ils ont en commun de nombreuses autres particularités. Ils ont un axe antéro-postérieur très différencié avec une tête et un tronc, un tube digestif et un système nerveux condensé avec un « cerveau » et une chaine nerveuse. Les recherches les plus récentes ont montré que ces animaux complexes, les bilatériens se divisent eux-mêmes en trois grands groupes illustrés sur la figure 5 mais ceci dépasse notre propos.

La recherche de gènes Hox chez les éponges a toujours été négative. Chez les polypes et méduses, un petit nombre de gènes apparentés aux gènes Hox a été identifié et quelques indices qu'ils sont groupés en complexe ont pu être obtenus. Chez pratiquement tous les groupes de bilatériens considérés (vertébrés, oursins, insectes, vers annelés, mollusques, etc ...), un complexe Hox élaboré comptant entre huit et quatorze gènes a été découvert. On voit donc se dessiner un scénario assez clair de l'histoire du complexe Hox. Les premiers gènes Hox seraient apparus chez un ancêtre des animaux à tissus après la divergence des éponges. A l'époque où la branche des polypes et méduses s'est séparée, le complexe Hox n'auraient compté que quelques gènes (peut-être trois). Par contre de nombreuses duplications de gènes se seraient produites chez les ancêtres des bilatériens. On peut imaginer que les grandes étapes de ce scénario correspondent à des étapes de la complexification au plan d'organisation des animaux. En gros, l'acquisition d'un axe de symétrie très simple comme celui des polypes et méduses serait corrélé à la présence d'un petit complexe de trois gènes. Par contre, l'apparition d'une régionalisation antéro-postérieure poussée comme chez les bilatériens aurait nécessité la présence d'un complexe beaucoup plus élaboré d'au moins huit ou dix gènes.

On le voit, l'existence du complexe Hox est bien plus ancienne que ce que Lewis avait imaginé. La multiplication du nombre des gènes que Lewis envisageait chez les arthropodes s'est en fait produite bien avant, chez les ancêtres des bilatériens. Pourtant, les bilateriens ont évolué pour donner une diversité époustouflante d'animaux. Est-ce à dire que le complexe Hox n'a pas été impliqué dans cette diversification, jouant simplement un rôle conservateur d'agent de régionalisation de l'axe antéro-postérieur ?

Les gènes Hox sont-ils responsables de l'évolution anatomique ?

Deux exemples concrets chez les arthropodes

Nous avons vu que l'évolution de la structure du complexe s'est faite bien avant ce que pensait initialement Edward Lewis au cours de l'histoire des animaux. Pourtant, dans la suite de cet exposé, nous allons retourner vers le groupe de prédilection de Lewis et de nombreux évolutionnistes depuis, c'est-à-dire les arthropodes. Les arthropodes, comme nous l'avons vu sont tous constitués de segments, initialement identiques au cours du développement mais qui se différencient par la suite sous l'action des gènes Hox. En comparant l'organisation anatomique des principaux groupes d'arthropodes, on s'aperçoit que leurs plans anatomiques diffèrent considérablement non seulement par la forme des segments mais aussi par la façon dont ils se regroupent le long du corps de l'animal (fig 6). Chez les myriapodes, le groupe le plus simplement organisé, tous les segments portent des pattes et ont à peu près la même forme d'un bout à l'autre. Dans les autres groupes, ils se regroupent en un thorax et un abdomen mais de façon très différentes. Chez les arachnides (araignées et autres scorpions), le thorax portant les pattes est fusionné avec la tête, alors que les segments de l'abdomen ne portent pas de pattes. Chez les crustacés, tous les segments portent généralement des pattes mais celles du thorax sont souvent très différentes de celles de l'abdomen. Chez les insectes, le thorax ne comporte que trois segments et là encore les segments abdominaux ne portent pas de pattes. Les gènes Hox sont ils responsables de ces différences ? Des chercheurs de plusieurs laboratoires ont entrepris des études à la fois sur la structure et le fonctionnement du complexe Hox chez ces grands groupes d'arthropodes. Les résultats ont été surprenants. Globalement, la structure du complexe Hox est très remarquablement conservatrice chez tous les arthropodes. On retrouve les mêmes gènes que ceux que nous avons décrits chez la drosophile chez chacune des espèces d'arthropodes considérés. Contrairement à ce que proposait Lewis, ce n'est donc pas une variation dans le nombre des gènes Hox qui explique l'évolution de l'anatomie des arthropodes. Qu'en est-il de la façon dont ces gènes s'expriment ? Nous avons que les gènes Hox, gènes sélecteurs, influent sur la destinée des cellules dans lesquels ils sont exprimés sous la forme d'une protéine. De la même façon que chez la drosophile, les divers gènes Hox des arthropodes considérés s'expriment dans des groupes de segments contigus, généralement de façon chevauchante et en respectant la règle de colinéarité. La correspondance globale des domaines d'expression suggère des correspondances entre l'anatomie segmentée des différents groupes. Ainsi, si on en croit les gènes Hox (mais aussi l'anatomie comparée plus traditionnelle), les segments du thorax d'une araignée correspondent à ceux de la tête chez les autres arthropodes. Tout ce passe comme si au cours de l'évolution soit les arachnides ont commencé à marcher sur leur tête, soit au contraire (et peut-être plus vraisemblablement) les autres groupes ont intégré à leur tête la partie la plus antérieure de leur tronc dont les pattes sont devenus des pièces buccales destinées à la mastication. Néanmoins, en comparant les gènes correspondant dans différents groupes d'arthropodes, on observe des différences parfois considérables. Le gène pb, par exemple s'exprime dans la plus grande partie du céphalothorax des arachnides (c'est-à-dire cinq segments consécutifs) alors qu'il n'est exprimé que dans un seul segment de la tête chez une espèce de crustacé. L'extension postérieure de l'expression des gènes les plus antérieurs est également variable. Est-il possible que de telles différences expliquent les différents plans d'organisation des arthropodes ? Ceci semble peu probable car il est difficile de relier ces différences individuelles avec des particularités anatomiques constatées. Une difficulté supplémentaire est que nous ne disposons pas chez ces arthropodes des collections de mutants de la drosophile et donc pas de moyen de savoir quelles sont réellement les fonctions de ces gènes.

Pourtant, dans un certain nombre de cas, les chercheurs ont trouvé des indices plus probants.

Le premier exemple concerne les crustacés (crabes, crevettes, etc ...). Les chercheurs Michalis Averof et Nipam Patel (fig 7) ont comparé l'expression du gène Ubx chez diverses espèces de crustacés. Ces espèces diffèrent par la forme et la fonction des pattes les plus antérieures portées par le thorax. Chez certaines espèces, ces pattes sont effectivement des organes locomoteurs mais chez d'autres espèces, elles sont devenues des pièces buccales avec une fonction masticatrice. Chez les embryons des premières, le gène Ubx est exprimé dans toutes les pattes. Par contre, chez les embryons des secondes, les ébauches des pattes les plus antérieures, celles qui vont devenir des pièces buccales, n'ont pas d'expression du gène Ubx. Tout ce passe donc comme si le gène Ubx jouait un rôle dans le maintien de l'identité de patte locomotrice. Son « retrait » des pattes les plus antérieures était donc nécessaire pour leur permettre de devenir des pièces masticatrices. Pour autant, nous ne pouvons pas affirmer que c'est ce retrait de Ubx des pattes antérieures qui a causé la transformation au cours de l'évolution. Peut-être d'autres gènes sont-ils intervenus.

Un autre exemple concerne un aspect en apparence beaucoup plus discret de l'évolution morphologique mais là aussi le gène Ubx (encore lui ...) semble jouer un rôle certain. Cet exemple a été découvert par le chercheur David Stern, chez plusieurs espèces très apparentées de mouches drosophile. Les mouches ont de fins poils sur les pattes mais pas partout. Certaines zones de la patte en sont exemptes et David Stern a mis en évidence que les cellules de ces zones expriment le gène Ubx pendant leur développement. Certaines espèces de mouches ont une zone sans poils très étendue sur leurs pattes alors que chez d'autres, elle est beaucoup plus réduite. David Stern a montré que le gène Ubx est directement responsable de ces différences. Lorsqu'il introduit le gène d'une mouche"glabre « dans une mouche poilue » par un simple croisement (de la même façon que l'on croise un âne avec une jument pour obtenir un mulet), il obtient une extension de la zone sans poils.

Conclusion

Ces deux exemples nous ramènent à notre propos du début : l'évolution est-elle saltationniste ou gradualiste ? Le premier exemple, avec la transformation de plusieurs pattes de façon très importante semble suggérer la possibilité d'une évolution saltationniste. Pourtant rien dans cet exemple ne démontre que cette transformation s'est faite brutalement sous l'effet d'une ou d'un très petit nombre de mutations. Le deuxième exemple concernant un infime détail de l'anatomie d'une patte se rattache beaucoup plus au gradualisme darwinien. Le débat entre saltationnisme et gradualisme est aujourd'hui largement estompé. La plupart des biologistes acceptent l'idée que l'évolution se fait bien de façon graduelle par l'accumulation de petites différences comme le suggérait Darwin. Une partie de l'intérêt suscité par les gènes homéotiques provenait de l'idée que ces gènes étaient susceptibles d'engendrer une évolution par saut. Aujourd'hui, les chercheurs sont beaucoup plus prudents sur cette idée. Mais, ironie de l'histoire, c'est cet engouement pour les gènes homéotiques qui a permis de réaliser une percée décisive dans la compréhension des mécanismes génétiques du développement.

 

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