ecole de musique piano
     
menu
 
 
 
 
 
 

Comment les antidépresseurs créent de nouveaux neurones

 

 

 

 

 

 

 

Comment les antidépresseurs créent de nouveaux neurones
08 décembre 2011
Les mécanismes d’action des antidépresseurs se dévoilent petit à petit. Une équipe de l’Inserm vient de montrer comment la fluoxétine (plus connue sous le nom de Prozac) induit la formation de nouveaux neurones au niveau de l’hippocampe, un phénomène indispensable à l’efficacité du traitement. Ces travaux révèlent une cascade de signaux insoupçonnée jusqu’alors. Ils sont publiés dans la revue Translational Psychiatry.

La fluoxétine crée de nouveaux neurones

La dépression touche près de 3 millions de personnes en France. Plusieurs facteurs psychologiques ou environnementaux contribuent à son apparition ou à sa chronicisation mais il existe également des facteurs biologiques. Les malades présentent notamment un taux de sérotonine plus faible que les autres. Il s’agit d’un neurotransmetteur essentiel à la communication entre les neurones, impliqué notamment dans les comportements alimentaires et sexuels, le cycle veille-sommeil, la douleur, l’anxiété ou encore les troubles de l’humeur.

La fluoxétine permet de restaurer en partie le taux de sérotonine et de réduire les symptômes de la maladie. Des travaux datant de 2003 ont montré que ce médicament agit via la synthèse de nouveaux neurones au niveau de l’hippocampe, une région impliquée dans la mémoire et le repérage spatial. Une équipe de l’Inserm vient d’aller plus loin en décrivant les étapes qui induisent ce phénomène.

Des signaux en cascade
La formation de nouveaux neurones dépend en fait du taux d’un microARN (miR-16) au niveau de l’hippocampe. Les microARN sont de petits fragments d’ARN qui ne produisent pas de protéine mais jouent un rôle essentiel dans le contrôle de l'expression des gènes. Chez l'homme, plus de 500 d’entre eux ont été mis en évidence et leur dysfonctionnement est associé à plusieurs maladies, comme le cancer. "Quand on fait baisser le taux de ce microARN, on mime l’effet de la fluoxétine et cela déverrouille la neurogenèse, c’est-à-dire la maturation de nouveaux neurones", précise Sophie Mouillet-Richard, médecin, coauteur des travaux.

Les chercheurs ont également montré que ce taux de microARN est sous le contrôle de trois protéines « signal » produites sous l’effet de la fluoxétine dans une autre région du cerveau appelée noyau du raphé. Ces molécules agissent en synergie pour faire chuter la quantité de microARN. Si une seule d’entre elles est absente, le mécanisme est bloqué. Le trio est nécessaire pour mimer l’action du médicament. Ces molécules sont d’ailleurs retrouvées en grande quantité dans le cerveau des patients traités par cet antidépresseur.

De nouvelles cibles thérapeutiques
"La découverte de ces signaux et du rôle du microARN permet de rechercher de nouvelles cibles thérapeutiques mais également de disposer d’indicateurs pour évaluer l’efficacité d’un médicament ou suivre son effet dans le temps", conclut Sophie Mouillet-Richard. Autant de ressources pour améliorer le traitement des états dépressifs.

Source
Launay et coll."Raphe-mediated signals control the hippocampal response to SRI antidepressants via miR-16".Transl Psychiatry (2011) 1, November

 

   DOCUMENT   inserm.fr    LIEN

 
 
 
 

Biologie moléculaire : à la recherche des ARN circulaires ?

 

 

 

 

 

 

 

Paris, 29 juin 2017
Biologie moléculaire : à la recherche des ARN circulaires ?

Des chercheurs du Laboratoire d'optique et biosciences (École polytechnique/CNRS/INSERM) ont réussi à percer l'un des mystères entourant les ARN circulaires, ces molécules découvertes en grand nombre ces dernières années et dont le rôle reste débattu. Néanmoins, il a été décrit que les ARN circulaires pouvaient servir soit de transition entre l'ADN et les protéines comme leurs analogues linéaires, soit de molécule régulatrice pour l'expression des gènes dans la cellule. A partir des données de séquençage des ARN d'un organisme, une archée en l'occurrence, les scientifiques ont identifié l'enzyme responsable de la forme circulaire de ces ARN. Ces résultats, récemment publiés dans la revue RNA Biology, devraient faciliter le développement de nouvelles applications en biotechnologie.


   DOCUMENT          cnrs        LIEN

 
 
 
 

10 000 gouttelettes pour tester en masse des réactions biochimiques complexes

 


 

 

 

 

 

Paris, 20 juin 2016
10 000 gouttelettes pour tester en masse des réactions biochimiques complexes

Pour mieux comprendre le vivant, les chercheurs utilisent des systèmes biochimiques de plus en plus sophistiqués dont ils doivent trouver le point de fonctionnement optimal. Pour cela, ils testent en général un très grand nombre de combinaisons de concentrations de réactifs, ce qui avec les techniques traditionnelles prend des semaines ou des mois. Une équipe de chercheurs de l'unité mixte internationale LIMMS (CNRS/Université de Tokyo)1, accueillie dans le laboratoire de microfluidique du Pr Fujii à l'institut des sciences industrielles de Tokyo, vient de mettre au point un outil inédit capable de réaliser et de caractériser 10 000 réactions biochimiques différentes simultanément, dans des gouttelettes microscopiques. Cette nouvelle technique, qui procure un gain très substantiel en temps et en matières premières, pourrait ouvrir une nouvelle fenêtre sur le comportement des systèmes moléculaires complexes. Ces résultats sont publiés le 20 juin 2016 dans Nature Chemistry.
Les réactions biochimiques in vivo, ou encore celles in vitro impliquées dans le diagnostic de marqueurs pathogènes ou cancéreux sont dites « non-linéaires » : une très faible variation des paramètres de la réaction, telle qu'une infime augmentation de la concentration d'un des réactifs peut amener le système à bifurquer, c'est-à-dire à se comporter d'une manière totalement différente. C'est donc avec une grande précision que les chercheurs doivent étudier ces réactions biochimiques. Pour ces systèmes multicomposants, explorer tous les jeux de concentrations possibles implique de tester des milliers de réactions en laboratoire. Les chercheurs ont donc conçu un nouvel outil : une plate-forme microfluidique qui permet d'effectuer cette large gamme de tests dans des gouttelettes microscopiques. Ce nouveau protocole permet de réaliser plusieurs dizaines de milliers de réactions en un jour, en faisant varier deux à trois paramètres simultanément. Conduite de manière « traditionnelle », une expérimentation aussi complète prendrait des semaines ou des mois et consommerait des dizaines de milliers de fois plus de réactifs biochimiques coûteux.

S'appuyant sur une technologie microfluidique développée en collaboration avec leurs collègues japonais, les chercheurs ont divisé chaque microlitre de la solution à étudier en dizaines de milliers de petits compartiments : des gouttelettes d'une centaine de picolitres2, dispersées dans une émulsion. La principale innovation se situe dans le fait de varier les concentrations en réactifs dans chaque goutte, lors de leur genèse (fig. 1). Des marqueurs fluorescents, associés aux biomolécules, sont co-encapsulés dans les gouttelettes. Ils permettront d'identifier chaque goutte en renseignant sur les concentrations des réactifs qu'elle contient. Les gouttes sont ensuite analysées par microscopie en fluorescence, en cours ou en fin de réaction, pour caractériser la cinétique de la réaction (fig.2).

Au final, la plate-forme microfluidique permet de générer une cartographie du système biochimique étudié qui, confrontée aux prédictions fournies par des modèles numériques, permet aux chercheurs de mieux comprendre le fonctionnement intime du réseau de réactions. Ce nouvel outil, potentiellement généralisable à de nombreux protocoles biochimiques, a également permis aux chercheurs de pointer le comportement étonnant de systèmes non linéaires typiques près de leurs points de bifurcation, c'est-à-dire quand un infime changement de concentration induit une modification qualitative du comportement du système, ouvrant une fenêtre à de futures découvertes.

Ces travaux ont été coordonnés par des chercheurs aujourd'hui basés au LIMMS (Laboratory for Integrated Micro Mechatronics System). Ils ont également impliqué d'autres laboratoires : le LAAS (CNRS), le Laboratoire de chimie et biochimie pharmacologiques et toxicologiques (CNRS/Université Paris Descartes), le département électronique et électronique automatique de l'ENS Cachan, le Laboratoire Gulliver (CNRS/ESPCI Paris), l'Institut des systèmes intelligents et robotiques (CNRS/UPMC), le Laboratoire de conception et application de molécules bioactives (CNRS/Université de Strasbourg), le laboratoire Médecine personnalisée, pharmacogénomique, optimisation thérapeutique (Inserm/Université Paris Descartes), le Earth-life Science Institute du Tokyo Institute of Technology et l'Université de Ochanomizu à Tokyo.


DOCUMENT         cnrs        LIEN

 
 
 
 

La curieuse partition des nouveaux neurones

 

 

 

 

 

 

 

La curieuse partition des nouveaux neurones
Pierre-Marie Lledo dans mensuel 367
daté septembre 2003 -  Réservé aux abonnés du site


Centre vocal des oiseaux, bulbe olfactif des rongeurs, hippocampe des primates : autant de structures cérébrales où, chez l'adulte, naissent de nouveaux neurones. Cette plasticité, jointe à celle qui fait naître et disparaître des synapses entre neurones, est opérationnelle la vie durant. Mais à quoi sert-elle ?
Des neurones naissent dans le cerveau adulte et viennent s'ajouter aux neurones préexistants, ou les remplacent : à présent largement reconnu par les neurobiologistes, ce phénomène était inimaginable il y a seulement quinze ans. La population neuronale était décrétée maximale à la naissance, et tout changement ultérieur ne pouvait consister qu'en une diminution de ce stock. Le cerveau adulte n'était pas pour autant considéré comme figé. Certes, une fois sa maturation achevée à l'adolescence chez l'homme, le cerveau devient de plus en plus réfractaire aux leçons de l'expérience. Mais chez nombre d'espèces, des réseaux de neurones restent suffisamment malléables pour que l'expérience imprime sa marque quel que soit l'âge de l'animal. Cette « plasticité » découlait uniquement – du moins le croyait-on – du changement de certaines connexions synaptiques entre neurones. Or, l'existence d'une prolifération de neurones dans le cerveau adulte est venue bouleverser ce point de vue. Qualifié de neurogenèse secondaire, par opposition à la neurogenèse primaire qui se déroule au cours du développement embryonnaire, ce processus permet le renouvellement de certains réseaux neuronaux. Mais à quoi sert-il d'un point de vue fonctionnel ?

C'est l'étude neurophysiologique des systèmes impliqués dans l'apprentissage et la production du chant des oiseaux qui a largement ouvert la voie dans ce domaine. Pour la plupart d'entre nous, le chant des oiseaux est l'un des signes avant-coureurs de l'arrivée du printemps. Mais pour l'éthologiste, il représente essentiellement une adaptation comportementale aux fonctions de reproduction. Généralement développé par le mâle, le chant de cour a pour but d'attirer la partenaire sexuelle, de la retenir sur son territoire et d'éloigner les éventuels rivaux. Produit d'un apprentissage vocal similaire à l'apprentissage du langage parlé chez l'homme, il débute par une phase au cours de laquelle le jeune oiseau mâle écoute et mémorise le chant d'un mâle adulte de son espèce. Une fois ce chant assimilé, l'oiseau apprend à l'exécuter de façon identique à celui qu'il conserve en mémoire. Il est in fine capable de l'exécuter avec une extrême précision. Ce type d'apprentissage, relativement classique pour de nombreuses acquisitions sensorielles ou motrices comme la vision binoculaire ou le langage parlé chez l'homme, s'accompagne de changements morphologiques importants des réseaux neuronaux. Or chez certaines espèces comme le canari, l'oiseau réapprend un nouveau chant chaque année. Ces réapprentissages annuels chez l'adulte correspondent-ils également à des changements d'organisation cérébrale ?

Quand il lança, dans les années soixante-dix, un ambitieux programme visant à identifier les mécanismes neurophysiologiques de l'appren- tissage du chant chez l'oiseau, Fernando Nottebohm, chercheur à l'université Rockefeller New York, était alors loin d'imaginer l'ampleur des remaniements morphologiques qu'il allait finalement découvrir [2]. La première étape de ses travaux consista à identifier les groupes de neurones impliqués dans l'apprentissage moteur et l'exécution du chant, puis à caractériser en détail leur organisation morphologique et fonctionnelle. Il démontra alors que le système du chant comporte deux circuits placés sous le contrôle d'un noyau* de neurones appelé « centre vocal supérieur ». D'un côté, une voie motrice qui contrôle l'exécution du chant, de l'autre, une boucle régulatrice qui intègre les informations auditives et permet à l'oiseau de comparer le chant qu'il exé-cute au chant mémorisé [fig. 1].

Prolifération et renouvellement

L'une des contributions majeures de l'équipe new-yorkaise fut la découverte, en 1983, de l'intégration de nouveaux neurones dans le centre vocal supérieur de l'oiseau adulte. Contre toute attente, elle démontra l'existence d'un processus de prolifération et de renouvellement : de nouveaux neurones remplaçaient continuellement d'anciens de même nature qui dégénéraient. Ce renouvellement était spécifique. Il concernait exclusivement une sous-population bien particulière du centre vocal supérieur, les neurones de la voie motrice, ou neurones Np [fig. 1]. L'autre sous-population de ce même centre, celle des neurones de la voie régulatrice ou neurones Na, n'était pas concernée [2]. Dès lors, se posa la question de savoir quelle pouvait bien être la signification fonctionnelle de cette incorporation de nouveaux neurones.

Les chercheurs américains montrèrent alors que ces processus de neurogenèse suivaient les saisons et étaient corrélés avec le cycle annuel d'exécution et d'apprentissage du chant de cour. Chez l'oiseau étudié, le canari mâle, ce chant n'est en effet effectué de façon stéréotypée et stable qu'au printemps, l'oiseau cessant de l'exécuter à la fin de l'été. Arrive ensuite, à l'automne, une période caractérisée par l'exécution de chants modifiés et instables, puis, au sortir de l'hiver, une phase de réapprentissage. Au printemps suivant, enfin, un nouveau chant se stabilise, qui diffère de celui de l'année précédente par l'incorporation, la suppression ou la modification de certaines syllabes. F. Nottebohm et ses collaborateurs détectèrent deux pics de mort des neurones Np dans le centre vocal supérieur : l'un en août et l'autre en janvier, soit deux périodes durant lesquelles le chant du canari perd sa stabilité et se dégrade. Cette élévation de la mort cellulaire précédait l'augmentation de l'incorporation de nouveaux neurones Np, maximale en octobre et en mars. Ces observations conduisirent F. Nottebohm à proposer que l'acquisition de nouvelles syllabes découle du remplacement d'anciens neurones Np par de nouveaux.

Taux de survie neuronale

Mais quels étaient les mécanismes physiologiques sous-jacents ? Alors qu'il travaillait encore dans le laboratoire de Nottebohm, son élève Arturo Alvarez-Buylla montra que les nouveaux neurones du centre vocal supérieur naissaient dans une autre région du cerveau, puis migraient dans le centre vocal supérieur, où seule une partie d'entre eux survivait [3]. Autrement dit, l'ampli-tude du renouvellement neuronal dépendait non pas de la quantité de neurones produits, mais de leur taux de survie. En 1999, soit près de dix ans plus tard, les neurobiologistes trouvèrent une explication à cette survie périodique. Ils mirent en évidence l'implication, dans ce processus, du BDNF Brain-Derived Neurotrophic Factor, un facteur* de survie des neurones. Chez le canari, la production du BDNF dans le centre vocal supérieur est contrôlée par la testostérone, qui est elle-même régulée par la durée d'éclairement quotidien : elle augmente donc de façon très importante au printemps. Quand, à l'automne, la concentration de testostérone chute, l'expression du BDNF diminue et la mort neuronale augmente. Inversement, lorsque cette concentration s'élève, au printemps, l'expression du BDNF augmente et favorise la survie des neurones nouvellement produits [4]. Le changement annuel du répertoire de chant répond donc étroitement aux changements de l'environnement saisonnier du canari.

Notons au passage la très grande spécificité de ce système régulateur : des expériences réalisées par le même groupe chez un autre oiseau, le diamant mandarin, montrent en effet que la destruction sélective des neurones Np, qui entraîne dans la plupart des cas une détérioration du chant, augmente de façon très importante le recrutement de nouveaux neurones Np. En revanche, la destruction sélective des neurones Na n'induit aucunement leur remplacement. Ainsi, au sein d'un noyau cérébral relativement simple, seuls certains types de nouveaux neurones peuvent être insérés [2]. Cette observation est d'importance à l'heure où de nombreuses équipes tentent de développer des stratégies pour, à terme, mettre à profit la neurogenèse adulte afin de compenser les pertes neuronales chez l'homme.

L'ensemble des travaux résumés ci-dessus suggère que le renouvellement neuronal dans le centre vocal supérieur est impliqué dans une forme adulte d'apprentissage, conférant à l'animal la possibilité d'apprendre de nouveaux chants. Toutefois, cette conclusion se heurte à un paradoxe : un renouvellement faible et régulier des neurones Np existe aussi chez des espèces dont le chant reste inchangé tout au long de la vie c'est le cas, par exemple, du diamant mandarin. Plus surprenant encore, l'existence d'une neurogenèse secondaire est observée chez les femelles canaris, qui n'exécutent pourtant aucun chant de cour ! Le renouvellement neuronal serait-il, dans ces deux cas, inutile ?

Rétrocontrôle actif

C'est en 1999 que l'énigme du diamant mandarin a été en partie résolue [5]. L'équipe menée par Masakazu Konishi, au California Institute of Technology, a mis en évidence la capacité de ces oiseaux à modifier leur chant dans certaines circonstances bien particulières : lorsque l'on « fait croire » à un diamant mandarin que son chant est incorrect par exemple en diffusant de courtes syllabes pendant qu'il chante, il modifie son exécution de façon à corriger les anomalies perçues. Cela montre que l'oiseau entend les sons qu'il produit et les compare constamment au chant de référence inscrit dans sa mémoire. La « tromperie » auditive infligée par les expérimentateurs aboutit in fine à une dérive progressive du chant produit.

Toutefois, cette dérive est réversible : si on lui permet à nouveau de s'écouter chanter normalement, l'oiseau récupère son chant initial après quelques mois. À condition toutefois que les noyaux cérébraux du système régulateur soient intacts. En plus de son rôle crucial pendant les phases juvéniles d'apprentissage vocal, le rétrocontrôle auditif du système régulateur sert donc, chez l'adulte, à empêcher le chant acquis de dériver. D'une façon ou d'une autre, il faut donc que ce système interagisse avec les neurones Np. Mais comment ? L'équipe californienne a montré que sa destruction entraîne une diminution du renouvellement des neurones Np dans le centre vocal supérieur. Il est donc probable que le système régulateur oriente la différenciation des neurones nouvellement produits en neurones Np – par un mécanisme, pour l'heure, inconnu.

Dans le cas des canaris femelles, qui ne chantent jamais, le paradoxe demeure presque entier. Les recherches réalisées par Eliot Brenowitz, de l'université de Washington Seattle, indiquent toutefois un rôle critique du centre vocal supérieur des canaris femelles dans la perception du chant du mâle, qui déclenche le comportement de « sollicitation d'accouplement » [6]. Le centre vocal supérieur ayant un double rôle, à la fois moteur via les neurones Np et perceptif via les neurones intégrant les informations auditives, les nouveaux neurones produits chez les femelles pourraient donc exercer une fonction percep- tive, à défaut d'avoir un rôle moteur.

La démonstration des potentialités de renouvellement neuronal des oiseaux adultes et de ses conséquences fonctionnelles resta, au cours des années quatre-vingt, une curiosité, voire une exception zoologique parmi les vertébrés. Certes, les travaux pionniers de Joseph Altman plaidaient, dès les années soixante, en faveur d'une neurogenèse adulte dans certaines structures cérébrales des mammifères – en particulier le bulbe olfactif, l'hippocampe* et le cortex. Cependant, ces résultats restèrent très longtemps sujets à caution en raison des méthodes utilisées. Au cours des années quatre-vingt-dix, toutefois, plusieurs avancées technologiques majeures bousculèrent les idées reçues en matière de production neuronale chez les mammifères.

Performances accrues

C'est en 1993 que fut démontrée, de façon formelle, l'existence d'une neurogenèse secondaire dans le système olfactif de rongeurs adultes – sans que ses conséquences fonctionnelles soient alors pressenties [7, 8]. Mais les recherches menées dans le laboratoire de l'un d'entre nous ont récemment montré qu'un changement du nombre des nouveaux neurones modifiait de façon importante les performances olfactives des souris [9]. En cas de baisse, les souris, en l'occurrence des mutantes chez lesquelles les précurseurs neuronaux ne migrent pas correctement dans le bulbe olfactif, ont des difficultés à distinguer deux odeurs différentes. Inversement, les performances olfactives augmentent lorsque l'incorporation des nouveaux neurones dans le bulbe est élevée. En témoignent des souris adultes normales, élevées dans un environnement riche en stimuli olfactifs des odeurs naturelles changées quotidiennement durant quarante jours : à l'issue de cette période, le nombre de neurones nouvellement générés et incorporés dans le bulbe olfactif est multiplié par deux par rapport à ceux des animaux élevés dans un environnement normal, et leur mémoire olfactive est bien meilleure [10]. L'ensemble de ces résultats indique l'existence d'une relation possible entre la production de nouveaux neurones et l'accroissement de certaines performances cognitives.

Cette hypothèse est compatible avec d'autres résultats concernant une région cérébrale fortement impliquée dans la constitution de nouveaux souvenirs, l'hippo- campe. Joseph Altman avait, dès 1965, décrit chez les rongeurs adultes la présence de nouvelles cellules dans cette structure. Mais la démonstration irrévocable d'une neurogenèse secondaire dans l'hippocampe des primates homme compris ne date que de 1998 [11]. Ce phénomène est à présent au centre de recherches très actives. Un aspect fascinant de cette neurogenèse est sa modulation par l'expérience et l'activité du sujet. Par exemple, elle diminue chez un rat lorsque l'animal est exposé à un stress tel que l'odeur d'un prédateur [12]. Inversement, elle augmente en cas d'accroissement de l'activité physique. Mais quel rôle joue-t-elle ? Alors que, chez les oiseaux, un lien de cause à effet a été clairement établi entre la neurogenèse du centre vocal et le contrôle du chant, la fonction de la neurogenèse hippocampique des mammifères demeure hypothétique. Certes, les capacités d'apprentissage d'une souris se dégradent lorsqu'on empêche la prolifération neuronale [13]. Mais si les corrélations entre neurogenèse et amélioration des performances mnésiques sont nombreuses, aucun lien de cause à effet n'a, pour l'instant, été formellement établi.

9 000 nouveaux neurones par jour

En fait, l'hypothèse d'une telle relation laissait d'autant plus perplexe la communauté scientifique que le nombre de neurones nouvellement générés semblait relativement faible par rapport à la population déjà existante. Cependant, des travaux publiés en 2001 par Heather Cameron et Ron McKay, du NIH de Bethesda, indiquent que ce nombre serait beaucoup plus élevé qu'on ne le pensait initialement : plus de 250 000 neurones s'inséreraient chaque mois dans l'hippocampe d'un rat adulte, soit 6 % de la population neuronale concernée [14]. Ces 9 000 nouveaux neurones journaliers peuvent-ils rendre compte des multiples acquisitions mnésiques réalisées quotidiennement ? Cette hypothèse, bien qu'attrayante, n'est pas la seule en lice. Sachant que les traces mnésiques résident dans l'activité des réseaux de neurones bien plus que dans chaque neurone pris individuellement, on ne peut en effet pas exclure que ces nouveaux neurones servent à tout autre chose que prendre en charge des souvenirs supplémentaires.

Depuis les travaux fondateurs effectués dans les années soixante par les neurobiologistes David Hubel et Torsten Wiesel, prix Nobel de physiologie-médecine en 1981, nous ne cessons de voir combien l'expérience et l'environnement jouent un rôle essentiel dans la maturation du cerveau au cours du développement post-natal, et dans l'émergence de certaines fonctions cognitives et comportementales. Les remaniements des connexions neuronales qui se déroulent alors inscrivent dans nos réseaux de neurones des marques propres à chacun. Mais, à la lumière des observations de neurogenèse secondaire, il apparaît nettement que les capacités d'adaptation du système nerveux des oiseaux et des mammifères adultes ne résultent pas uniquement de variations des connexions synaptiques. Elles reposent aussi sur la production ou le renouvellement de certaines populations de neurones dans quelques régions bien précises – régions qui ont pour caractéristique commune d'avoir des fonctions liées à l'apprentissage et/ou à la mémoire. Dans ce contexte, la neurogenèse secondaire semble elle aussi permettre que l'expérience personnelle d'un sujet imprime régulièrement sa marque au sein des réseaux neuronaux, sous la forme de remaniements morphologiques et fonctionnels réguliers. La neurogenèse adulte, en tant que mécanisme extrême de plasticité fortement contrôlée par l'expérience personnelle d'un sujet et ses interactions avec l'environnement, constitue donc très probablement un mécanisme additionnel d'individuation. Avec cette différence majeure qu'il serait, lui, opérationnel durant toute la vie.

P.-M. L., P. G. et A. T.

Le contextE En 1969, le biologiste américain Joseph Altman décrivait pour la première fois l'existence d'une prolifération de neurones dans le cerveau de rats adultes [1]. Mais, à l'époque, ces résultats contredisaient trop le dogme central de la neurobiologie pour être acceptés : le cerveau adulte ne pouvait que perdre des neurones, pas en gagner. Il fallut attendre les années quatre-vingt pour que la notion de production neuronale dans le cerveau adulte soit réhabilitée. Le canari, chez qui ces premiers résultats furent obtenus, et un autre oiseau chanteur, le diamant mandarin, sont depuis deux modèles de référence, à la pointe des recherches dans ce domaine. Car si l'existence d'une neurogenèse adulte a ensuite été décrite chez les rongeurs et les primates, c'est dans l'apprentissage du chant d'oiseau que ses conséquences fonctionnelles ont été le plus clairement démontrées.
[1] J. Altman et J. Comp, Neurol., 137, 433, 1969.

[2] F. Nottebohm, Brain Res. Bull., 57, 737, 2002.

[3] A. Alvarez-Buylla et al., Science, 249, 1444, 1990.

[4] S. Rasika et al., Neuron, 22, 53, 1999.

[5] A. Leonardo et M. Konishi, Nature, 399, 466, 1999.

[6] E.A. Brenowitz, Science, 251, 303, 1991.

[7] M.B. Luskin, Neuron, 11, 173, 1993.

[8] C. Lois et A. Alvarez-Buylla,

PNAS, 90, 2074, 1993.

[9] G. Gheusi et al., PNAS, 97, 1823, 2000.

[10] C. Rochefort et al., J. Neurosci., 22, 2679, 2002.

[11] P.S. Eriksson et al., Nat. Med., 4, 1313, 1998.

[12] E. Gould et P. Tanapat, Biol. Psychiatry, 46, 1472, 1999.

[13] T.J. Shors et al., Nature, 410, 372-376, 2001.

[14] H.A. Cameron et R.D. McKay, J. Comp. Neurol., 435, 406, 2001.
NOTES
* Le mot noyau désigne, dans le système nerveux central, tout amas bien délimité de corps cellulaires de neurones.

* Facteur est le terme générique pour désigner une molécule qui favorise une fonction physiologique ou un processus pathologique.

* L'hippocampe est une circonvolution corticale du cortex cérébral, impliquée dans la mémoire.
NOUVEAUX NEURONES ET CONTRÔLE DU CHANT
LE SYSTèME DU CHANT CHEZ L'OISEAU comporte deux circuits, placés sous le contrôle d'un noyau* de neurones appelé centre vocal supérieur. Le circuit moteur en bleu commande l'organe du chant, la syrinx, via deux relais : le noyau RA et le noyau moteur du nerf XII. Le circuit régulateur en jaune forme une boucle entre le centre vocal supérieur et le noyau RA. Le centre vocal supérieur comprend deux types de neurones : les neurones Np, constamment renouvelés, et les neurones Na, produits une fois pour toutes au cours de l'embryogenèse. Les précurseurs des nouveaux neurones Np naissent à distance du centre vocal supérieur, dans une région qui borde le ventricule latéral et contient des cellules souches nerveuses. Ces précurseurs entament ensuite une migration tangentielle de plus d'une semaine, avant d'atteindre le centre vocal supérieur, dans lequel ils s'intègrent et se différencient en neurones Np. Une fraction importante jusqu'à 50 % de ces neurones meurt très rapidement, deux à trois semaines seulement après leur naissance. Les autres ont une durée de vie qui ne dépasse généralement pas un an. © Infographie : sylvie dessert
PROCESSUS LA NEUROGENÈSE ADULTE RÉCAPITULE-T-ELLE L'EMBRYOGENÈSE ?
Les mécanismes régissant la production de nouveaux neurones sont-ils les mêmes chez l'adulte que lors du développement embryonnaire ? Non, semble-t-il. L'équipe de l'un d'entre nous, associée à celle d'Arturo Alvarez-Buylla université de Californie, à San Francisco, vient pour la première fois de décrire la façon dont, chez la souris adulte, un précurseur neural acquiert les propriétés fonctionnelles d'un véritable neurone [1]. Les nouveaux neurones reçoivent leurs premiers contacts synaptiques pendant la migration qui les mène à leur destination finale – en l'occurrence le bulbe olfactif. Mais ils ne deviennent excitables qu'à l'issue de cette migration, une fois insérés dans le réseau neuronal. À l'inverse, chez l'embryon, la première propriété acquise par les cellules en cours de migration est l'excitabilité, et ce n'est qu'une fois la migration achevée que les contacts synaptiques se multiplient.

Les mécanismes mis en oeuvre dans le cerveau adulte sont particulièrement adaptés à ce cas particulier. L'acquisition précoce de synapses fonctionnelles durant la migration cellulaire offre probablement la possibilité aux cellules migrantes de trouver des repères de navigation, tandis que le retard de l'apparition de l'excitabilité leur permet de s'intégrer silencieusement dans un réseau qui, rappelons-le, est mature. Les nouveaux neurones ne perturbent pas le fonctionnement de ce réseau lors de leur insertion, ni les tâches cognitives qui en dépendent, puisque ce n'est qu'une fois insérés qu'ils acquièrent la capacité de communiquer avec leurs voisins en émettant des potentiels d'action.

[1] A. Carleton et al., Nat. Neurosci., 6, 507, 2003.
DOUBLE NEUROGENÈSE
chez les mammifÈres ci-contre un rat, l'existence d'une neurogenèse adulte a été clairement établie dans deux structures : le bulbe olfactif d'une part, le gyrus denté de l'hippocampe d'autre part. Les cellules souches donnant naissance aux neurones renouvelés du bulbe olfactif sont localisées à distance de ce dernier, dans une zone située sous le ventricule latéral. Elles migrent tangentiellement avant d'atteindre leur destination finale – chez la souris, la distance parcourue par les précurseurs neuronaux ou neuroblastes pour atteindre le bulbe olfactif est d'environ 8 millimètres. En revanche, les neurones néoformés de l'hippocampe, situés dans la zone granulaire du gyrus denté, ont pour origine des cellules souches présentes localement, dans la zone sous-granulaire de l'hippocampe. La migration de ces cellules est donc très courte. Chez le rat, 80 000 nouveaux neurones s'insèrent chaque jour dans le bulbe olfactif, et 9 000 dans le gyrus denté de l'hippocampe.

© Infographie : sylvie dessert
SAVOIR
H. Cameron, « Naissance des neurones et mort d'un dogme », La Recherche, dossier « Neurones à volonté », mars 2000.

S. Laroche, « Neuro-modelage des souvenirs », La Recherche, numéro spécial « La mémoire et l'oubli », juillet-août 2001.

A. Prochiantz, Machine-Esprit, Odile Jacob, 2001.

T. Carew, Behavioral Neurobiology, Sinauer, 2000.

M.S. Brainard et A.J. Doupe, « What songbirds teach us about learning », Nature, 417, 351, 2002.

G. Miller, « Singing in the brain », Science, 299, 646, 2003.

F.H. Gage, « Neurogenesis in the adult brain », J. Neurosci., 22, 612, 2002.

P. Rakic, « Adult neurogenesis in mammals : an identity crisis », J. Neurosci., 22, 614, 2002.

www.npa.uiuc.edu/neuroethol

/models/birdsong_learning/bird

_song.html

 

    DOCUMENT       la recherche.fr      LIEN

 
 
 
Page : [ 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70 71 72 73 ] Précédente - Suivante
SARL ORION, Création sites internet Martigues, Bouches du Rhone, Provence, Hébergement, référencement, maintenance. 0ri0n
Site réalisé par ORION, création et gestion sites internet.


Google
Accueil - Initiation musicale - Instruments - Solf�ège - Harmonie - Instruments - Musiques Traditionnelles - Pratique d'un instrument - Nous contacter - Liens - Mentions légales / Confidentialite

Initiation musicale Toulon

-

Cours de guitare Toulon

-

Initiation à la musique Toulon

-

Cours de musique Toulon

-

initiation piano Toulon

-

initiation saxophone Toulon

-
initiation flute Toulon
-

initiation guitare Toulon