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LE DÉVELOPPEMENT DE L'INTELLIGENCE CHEZ L'ENFANT - OLIVIER HOUDE

 

 

 

 

 

 

 

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Texte de la 25ème conférence de l'Université de tous les savoirs réalisée le 25 janvier 2000


par Olivier Houdé

Le développement de l’intelligence chez l’enfant


Dans sa leçon inaugurale, François Jacob s’est attaché à montrer que la vie est un processus,
une organisation de la matière et qu’elle n’existe pas en tant qu’entité indépendante qu’on
pourrait caractériser (quelque substance spéciale ou force vitale). Suivant la même logique,
les sciences cognitives contemporaines, notamment la psychologie expérimentale et les
neurosciences, considèrent que l’intelligence n’est autre qu’un processus, une organisation de
la matière (corps, cerveau) et de la vie.
Il n’en fut toutefois pas toujours ainsi dans l’histoire des idées. On sait qu’à la question
« D’où détenons-nous ce précieux trésor qu’est notre intelligence ? », René Descartes (1596-
1650) répondait, avec une évidence qui semblait s’imposer à lui, Dieu a déposé dans notre
esprit, dès la naissance, des idées logico-mathématiques claires et distinctes, noyau de
l’intelligence humaine. Quatre siècles plus tard, en cette année 2000, quelle réponse précise
apporte la science à cette question ?

Entre Descartes et nous, deux événements-clés à retenir. Il s’agit d’abord de l’introduction par
Charles Darwin (1809-1882) de l’idée d’une évolution progressive de l’intelligence animale et
humaine (à travers la phylogenèse ou évolution des espèces), où s’imbriquent la Matière, la
Vie et la Pensée - excluant Dieu de l’explication. Il s’agit ensuite de la reprise de cette idée
dans l’étude de l’ontogenèse (l’intelligence se construit petit à petit du bébé à l’adulte) par
Jean Piaget (1896-1980), en psychologie de l’enfant, et par Jean-Pierre Changeux en
neurobiologie, avec le « darwinisme neural-mental ».
Selon Piaget, le développement de l’intelligence chez l’enfant se caractérise, comme l’histoire
des sciences, par une succession de coordinations cognitives nouvelles, chacune définissant
un stade.1 Il s’agit d’étapes, datées en années et en mois, dans la construction de structures
logico-mathématiques de plus en plus complexes, relatives à l’objet, au nombre, à la
catégorisation (ou classification) et au raisonnement. Cette conception est linéaire et
strictement cumulative en ce qu’elle est systématiquement liée à l’idée d’acquisition et de
progrès : de l’intelligence sensori-motrice du bébé (sens et actions) à l’intelligence
conceptuelle et abstraite de l’enfant et de l’adolescent.
En fait, les données expérimentales actuelles indiquent que les choses ne se passent pas ainsi.2
D’une part, il existe déjà chez le bébé des capacités cognitives assez complexes
(connaissances physiques, mathématiques et logiques) ignorées par Piaget et non réductibles à
un fonctionnement strictement sensori-moteur. D’autre part, la suite du développement de
l’intelligence, jusqu’à - et y compris – l’âge adulte, est jalonnée d’erreurs, de biais perceptifs,
de décalages inattendus et d’apparentes régressions cognitives. Ainsi, plutôt que de suivre une
ligne ou un plan du sensori-moteur à l’abstrait (les stades de Piaget), l’intelligence avance de
façon tout à fait biscornue ! Mais cette forme de développement doit bien correspondre à une
logique neurale et cognitive dans le cerveau humain. Laquelle ?

Le constat de compétences précoces chez le bébé, s’il peut amener à reconnaître le caractère
inné de certaines d’entre elles (sans qu’il s’agisse pour autant d’un don de Dieu comme
l’affirmait Descartes), conduit aussi et surtout à retenir l’idée de mécanismes de raisonnement
physique, numérique, etc., associés à une faculté très précoce d’apprentissage par la
2
perception, notamment visuelle, ou par les couplages perception-action (faculté du bébé
humain partagée, sur certains aspects, avec les primates non-humains comme l’avait pressenti
Darwin). Et ce processus de construction cognitive – sans doute déjà conceptuel ou protoconceptuel
- est à l’évidence beaucoup plus rapide que ne le pensait Piaget.
Mais l’essentiel n’est pas là. Le plus intéressant tient à ce que le cerveau de l’Homme, outre
ses mécanismes innés, ses capacités puissantes d’apprentissage, de raisonnement,
d’abstraction, etc., est une sorte de jungle où les multiples compétences du bébé, de l’enfant et
de l’adulte, sont à tout moment susceptibles de se télescoper, d’entrer en compétition (en
même temps qu’elles se construisent) : d’où les erreurs, les biais et les décalages inattendus
(exactement comme dans l’histoire des sciences et des savants !). Il en ressort la nécessité -
pour être intelligent - d’un mécanisme de blocage tout aussi puissant : l’inhibition. « Je pense,
donc j’inhibe » ! (et non pas seulement, comme le suggérait Piaget, « je pense, donc j’active
et je coordonne »).3

Un tel mécanisme inhibiteur est actuellement considéré, dans un cadre évolutionniste, comme
un élément-clé de l’adaptation comportementale et cognitive qui a conduit à Homo sapiens
sapiens; une forme « d’algorithme darwinien ». A l’échelle de l’ontogenèse de l’enfant, ce
mécanisme doit aussi (re)devenir efficace - chez l’adulte, le rester - pour les domaines de la
construction de l’objet, du nombre, de la catégorisation et du raisonnement.
Ainsi, l’une des façons actuelles de chercher à percer le mystère de l’intelligence est
d’étudier, du bébé à l’adulte, le rôle de l’inhibition comme mécanisme de sélection.
L’activation/inhibition étant une logique de fonctionnement tant neurale que cognitive, les
techniques utilisées sont ici à la fois celles de la psychologie expérimentale et de la biologie
humaine (l’imagerie cérébrale fonctionnelle). En voici deux exemples : le nombre chez le
bébé et l’enfant, et le raisonnement logique chez l’adulte.

Selon Piaget, avant d’arriver à la notion de nombre, l’enfant doit maîtriser certaines capacités
comme celles de classer, d’inclure et de sérier (aspects cardinal et ordinal du nombre). Il peut
alors réussir l’épreuve dite de « conservation du nombre ». Dans ce test, qui introduit une
interférence entre le nombre et la longueur (avec deux alignements d’objets de même nombre
mais de longueur différente après l’écartement de l’un d’entre eux), l’enfant considère jusqu’à
6-7 ans que « longueur = nombre », donc « qu’il y en a plus là où c’est plus long » ! Cela
signifie, selon Piaget, que l’enfant d’école maternelle est encore intuitif, au sens où il est
« prisonnier » du cadre perceptif. Ce n’est qu’à 6-7 ans qu’il devient « conservant », critère de
l’atteinte du concept de nombre.
Le développement de l’intelligence est donc ici long et laborieux : il faut attendre « l’Age de
raison » cher aux philosophes. Mais les découvertes plus récentes d’une psychologue
américaine, Karen Wynn, publiées dans la revue Nature en 1992, ont reposé avec force la
question de l’émergence (précoce ou non) de la notion de nombre.4 Ces travaux montrent que,
dès 4-5 mois, des bébés observés au niveau de leur regard (enregistrement des temps de
fixation visuelle) sont capables de détecter la transgression ou la « conservation » du nombre
lorsqu’on leur présente des événements numériques impossibles, c’est-à-dire magiques, ou
possibles (sans le piège perceptif de la longueur introduit par Piaget). Selon Wynn, ces
résultats suggèrent que les bébés possèdent déjà de véritables concepts numériques (avec
encodage de la relation d’ordre) – ce qui était inconcevable pour Piaget ! On sait aussi, depuis
peu, que les singes rhésus ont des capacités numériques précises jusqu’à 9.5

3
Nos travaux, publiés en 1997 dans la revue Cognitive Development, ont par ailleurs montré, à
partir d’une adaptation de l’expérience de Wynn au niveau verbal, que les jeunes enfants de 2
à 3 ans, observés en crèche, sont moins performants pour raisonner sur le nombre à travers le
langage cette fois que ne l’étaient les bébés de 4-5 mois ! (ils font des erreurs que ne font pas
les bébés dans leurs réactions visuelles).6 Tout se passe donc comme si le tout début (2-3 ans)
de l’apprentissage du vocabulaire des nombres et de la distinction linguistique
singulier/pluriel (qui oppose 1 à tous les autres nombres considérés globalement) entraînait un
décalage de performance, une régression cognitive, empêchant un jugement numérique exact
et précis (d’où l’impression erronée qu’ont les éducateurs, face à l’enfant de cet âge,
d’observer le tout début de l’acquisition du nombre !). En revanche, il apparaît qu’après une
reconstruction cognitive (ou reconceptualisation), les enfants de 3-4 ans, observés à l’école
maternelle, retrouvent, à travers le langage, le niveau de performance des bébés de 4-5
mois (avec, dans ce cas, la possibilité d’une argumentation numérique).
Mais comment expliquer alors que si l’on introduit, comme Piaget, une interférence entre le
nombre et la longueur (deux alignements d’objets de même nombre mais de longueur
différente), ces mêmes enfants sont à nouveau en situation d’échec, intuitifs, perceptifs,
considérant qu’il y en a plus là où c’est plus long ? Les techniques de la psychologie
expérimentale permettent aujourd’hui de démontrer que l’épreuve de Piaget teste avant tout la
capacité d’inhiber la stratégie visuo-spatiale « longueur = nombre » (une heuristique de
quantification perceptive souvent pertinente et encore utilisée par l’adulte) et non les capacités
numériques per se. Le développement du nombre est donc à la fois beaucoup plus rapide et
ensuite plus complexe (compétition entre stratégies) que ne l’imaginait Piaget. Au-delà des
compétences précoces dans des situations optimales (les recherches de Wynn sur le bébé),
être intelligent c’est non seulement « reformater » (reconstruire à travers le langage), mais
c’est aussi inhiber.
Et cela reste vrai chez les adolescents et les adultes dont on peut montrer que face à des
problèmes de raisonnement logique, ils redeviennent comme le jeune enfant, intuitifs et
perceptifs – contrairement à l’intelligence abstraite et logico-mathématique décrite par Piaget
à ce dernier stade du développement. Ainsi, une erreur classique de logique (plus de 90% des
réponses), mise en évidence par le psychologue anglais Jonathan Evans, est le biais
d’appariement perceptif qui affecte le raisonnement déductif lors de tâches de réfutation ou de
vérification de règles conditionnelles.7 Pour l’exemple de la règle à réfuter « S’il n’y a pas de
carré rouge à gauche, alors il y a un cercle jaune à droite », ce biais consiste à préférer les
éléments cités dans la règle considérée (d’où la réponse erronée « carré rouge à gauche, cercle
jaune à droite », soit antécédent faux et conséquent vrai : FV) et à négliger les éléments
logiquement pertinents (une situation de type VF : par exemple, carré bleu et losange vert) dès
lors qu’ils ne sont appariés ni à l’antécédent ni au conséquent. Nos travaux de psychologie
expérimentale et d’imagerie cérébrale fonctionnelle, qui vont bientôt paraître dans le Journal
of Cognitive Neuroscience (en collaboration avec l’équipe du Pr. Bernard Mazoyer et du Dr.
Nathalie Tzourio-Mazoyer de l’Université de Caen, CEA et CNRS), indiquent qu’après un
apprentissage à l’inhibition du biais d’appariement perceptif, les sujets interrogés donnent (à
plus de 90%) une réponse logique (autre stratégie de résolution disponible en mémoire).8
Outre le fait que l’inhibition leur fait changer radicalement de mode de raisonnement lors
d’une « microgenèse » (c’est-à-dire avant et après apprentissage), le plus intéressant tient à ce
que s’opère simultanément une véritable « bascule cérébrale » de la partie postérieure du
cerveau (un réseau perceptif à la fois ventral et dorsal) à la partie antérieure : un réseau
préfrontal.

4
On peut penser qu’une telle dynamique neurale et cognitive doit être au coeur de ce qui se
passe dans le développement de l’intelligence chez l’enfant (à démontrer par les techniques
d’imagerie cérébrale), qu’il s’agisse de la construction de l’objet, du nombre, de la
catégorisation, etc., à chaque fois que se posent des problèmes de sélection de stratégies en
mémoire : par exemple, l’inhibition de la stratégie perceptive inadéquate « longueur =
nombre » dans la tâche de Piaget. Sachant que la taille relative du cortex préfrontal est la plus
importante chez les êtres humains et qu’elle diminue successivement chez les autres primates,
carnivores et rongeurs, on peut aussi penser qu’une telle dynamique postéro-antérieure,
marque de l’inhibition comportementale et cognitive, a dû jouer un rôle-clé dans l’évolution
(de la matière à l’intelligence) qui a conduit à l’Homme moderne.
Notes et références
1. Piaget, J., & Inhelder, B. (1966). La psychologie de l’enfant. Paris : PUF (Que sais-je ?).
2. Houdé, O. (1998). Développement cognitif. In O. Houdé et coll. (Eds), Vocabulaire de
sciences cognitives. Paris : PUF.
3. Houdé, O. (1995). Rationalité, développement et inhibition : Un nouveau cadre d’analyse.
Paris : PUF.
4. Wynn, K. (1992). Addition and subtraction by human infants. Nature, 358, 749-750.
5. Les données de Brannon & Terrace publiées dans la revue Science en 1998 (282, 746-749)
ont, en effet, mis en évidence la capacité non verbale de singes rhésus à ordonner précisément
des ensembles numériques de 1 à 9 objets, indépendamment de leurs caractéristiques
physiques de taille, de forme et de couleur.
6. Houdé, O. (1997). Numerical development : From the infant to the child. Wynn’s (1992)
paradigm in 2- and 3-year-olds. Cognitive Development, 12, 373-392. Voir aussi : Houdé, O.
(1999). De la pensée du bébé à celle de l’enfant : L’exemple du nombre. In J.-F. Dortier (Ed.)
(1999), Le cerveau et la pensée. Auxerre : Sciences Humaines Editions.
7. Evans, J. (1989). Biases in human reasoning. Hove and London : Erlbaum.
8. Houdé, O., Zago, L., Mellet, E., Moutier, S., Pineau A., Mazoyer, B., & Tzourio-Mazoyer,
N. (2000). Shifting from the perceptual brain to the logical brain : The neural impact of
cognitive inhibition training. Journal of Cognitive Neuroscience (à paraître).
Biographie
Né le 28 Juin 1963, Docteur en psychologie, Olivier Houdé est Professeur de psychologie
cognitive à l’Université René Descartes (Paris 5 - Sorbonne) et Membre junior de l’Institut
Universitaire de France. Ses recherches portent sur le développement et le fonctionnement
cognitifs, du jeune enfant à l’adulte, dans les domaines du nombre, de la catégorisation et du
raisonnement. Il articule les méthodes de la psychologie expérimentale et de la biologie
humaine (imagerie cérébrale fonctionnelle) en collaboration avec le Groupe d’imagerie
neurofonctionnelle du Professeur Bernard Mazoyer à Caen. Il est l’auteur ou co-auteur de 6
livres aux Presses Universitaires de France : Catégorisation et développement cognitif (1992),
Pensée logico-mathématique (1993), L’homme en développement (1993), Rationalité,
développement et inhibition (1995), Vocabulaire de sciences cognitives (1998) et L’esprit
piagétien. Hommage international à Jean Piaget (2000). Les travaux d’Olivier Houdé ont
également conduit à la publication de 25 articles dans des revues scientifiques spécialisées de
psychologie du développement et de neurosciences cognitives.

 

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Comment les polluants perturbent la maturation des poissons coralliens

 

 

 

 

 

 

 

Comment les polluants perturbent la maturation des poissons coralliens
 
L’équipe de Vincent Laudet à l’Institut de Génomique Fonctionnelle de Lyon, associée à l’équipe de David Lecchini du Centre de Recherche Insulaire et Observatoire de l’Environnement de Moorea, montre que le recrutement des larves d'un poisson corallien, le chirurgien bagnard Acanthurus triostegus, est une véritable métamorphose contrôlée par l’hormone thyroïdienne. De ce fait, cette étape cruciale du cycle de vie de ces poissons est sensible à des polluants qui perturbent ces hormones tels que le pesticide Chlorpyrifos. Ce polluant affecte la fonction écologique majeure des jeunes poissons qui s'installent sur le récif: leur capacité à brouter les algues qui sont connues pour entrer en compétition avec les coraux. Cette étude a été publiée le 30 octobre 2017 dans la revue eLife.
 
Les récifs coralliens sont des écosystèmes très riches mais qui sont actuellement en péril. On observe ainsi depuis plusieurs années un déclin des populations adultes de poissons sur de nombreux récifs coralliens. Ce déclin serait dû non seulement à une mortalité accrue des adultes, mais aussi à une baisse dans la capacité des récifs, en particulier les récifs dégradés, à attirer les larves océaniques. En effet, la plupart des poissons coralliens ont un cycle de vie en deux parties bien distinctes avec une phase larvaire pélagique, dans l’océan, et une phase juvénile/adulte inféodée au récif corallien.

L’entrée des larves dans le récif corallien est appelée le recrutement larvaire et constitue une étape critique du maintien des populations adultes dans le récif. Il a été montré que le succès du recrutement larvaire diminue fortement selon l’état de dégradation des habitats récifaux. En conséquence, les populations adultes de poissons coralliens continueront à décroître sur les récifs dégradés tant que l'intensité du recrutement larvaire ne sera pas suffisamment élevée pour contrebalancer la mortalité des adultes. Face aux prévisions alarmantes sur l'avenir des récifs coralliens, la compréhension du processus de recrutement larvaire est donc primordiale pour préserver les populations de poissons coralliens.

Les équipes de Vincent Laudet de l’Institut de Génomique Fonctionnelle de Lyon (IGFL, ENS de Lyon, CNRS UMR 5242) et de David Lecchini du Centre de Recherche Insulaire et Observatoire de l’Environnement (CRIOBE, EPHE, USR 3278) en Polynésie française, ont utilisé un poisson corallien, le chirurgien bagnard Acanthurus triostegus (un proche cousin de Dory l'héroïne du film de Pixar...), pour comprendre comment est contrôlée la transformation de la larve océanique en juvénile. Chez cette espèce une larve océanique carnivore qui se nourrit de zooplancton, est transformée en juvénile herbivore qui broute des algues dans les récifs. Les chercheurs ont démontré que cette transformation est en fait très similaire à la transformation d'un têtard en grenouille, et, comme elle, est contrôlée par l'hormone thyroïdienne. Ils ont observé que les taux d’hormone thyroïdienne présents dans l'organisme du poisson atteignent un maximum lors du recrutement larvaire du poisson chirurgienet diminuent ensuite chez les juvéniles, c'est à dire juste après la métamorphose. En outre, en manipulant l'hormone thyroïdienne, les chercheurs ont effectivement perturbé la transformation normale du poisson. Ces résultats ont pu être généralisés à d’autres espèces de poissons coralliens et permettent de conclure que le recrutement larvaire des poissons coralliens est contrôlée par l’hormone thyroïdienne.

Certains polluants environnementaux étant connus pour affecter les hormones thyroïdiennes, les chercheurs ont voulu savoir quel impact ils pouvaient avoir sur le recrutement larvaire. Ils ont ainsi traité des larves de poisson chirurgien avec du Chlorpyrifos, un pesticide très utilisé en agriculture et souvent rencontré au sein des récifs et qui est connu chez d'autres espèces pour perturber l'hormone thyroïdienne. Leurs résultats montrent que le Chlorpyrifos induit effectivement toute une série d'anomalies chez les jeunes larves de poisson chirurgien qui sont en train de se transformer. En particulier le Chlorpyrifos altère la capacité des juvéniles à devenir des herbivores efficaces et donc à se nourrir sur le gazon d'algue qui poussent sur les récifs. Le Chlorpyrifos réduit donc la qualité des juvéniles résultant de la métamorphose et diminue leur rôle écologique d'herbivores.

Or, de nombreuses études récentes suggèrent que des herbivores efficaces sont cruciaux pour l'équilibre des récifs car ils contribuent à diminuer la croissance des algues qui sont en concurrence avec les coraux. Diminuer la quantité des herbivores par une surpêche ou en affectant leur recrutement dans le récif, peut donc avoir un impact très fort sur l'équilibre global et l'état de santé des récifs coralliens.
En conclusion, ce travail fournit un cadre général pour comprendre comment le recrutement des larves de poissons peut-être altéré par des polluants environnementaux. La mise en évidence chez les larves de poissons d'une grande sensibilité à l’hormone thyroïdienne va permettre de mieux comprendre comment les facteurs de stress anthropiques peuvent affecter les populations de poissons marins au cours des phases critiques de leur cycle de vie.
 

Figure 1. Larve de poisson chirurgien bagnard Acanthurus triostegus en cours de transformation. La transparence de la larve océanique est remplacée par les bandes noires du juvénile qui commencent à apparaître.
© Marc Besson
 

Figure 2. Modèle de métamorphose des poissons coralliens et perturbation par le Chlorpyrifos. Panneau du haut : La métamorphose de la larve en juvénile est contrôlée par l’hormone thyroïdienne elle-même sous influence de l’environnement. Les populations de juvéniles et d’adultes participent à la bonne santé du récif corallien en broutant sur le gazon algal. Panneau du bas : le Chlorpyrifos perturbe le développement du juvénile et diminue son activité de broutage. L’augmentation de la quantité d’algues peut mettre en péril la survie des coraux.
© Guillaume Holzer & Marc Besson.
 
 

En savoir plus
* Fish larval recruitment to reefs is a thyroid hormone-mediated metamorphosis sensitive to the pesticide chlorpyrifos. 
Holzer G, Besson M, Lambert A, François L, Barth P, Gillet B, Hughes S, Piganeau G, Leulier F, Viriot L, Lecchini D, Laudet V.
Elife. 2017 Oct 30;6. pii: e27595. doi: 10.7554/eLife.27595
 
 



 Contacts chercheurs
* Vincent Laudet
Biologie intégrative des organismes marins (BIOM)
CNRS UMR7232 – Université P. et M. Curie 
Observatoire Oceanologique de Banyuls-sur-mer
Laboratoire Arago
UPMC - CNRS
Avenue Pierre Fabre
66650 BANYULS-SUR-MER

06 16 41 73 34

 
 
Mise en ligne le 02 novembre 2017

 

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Briser le mur pour assurer la ségrégation des chromosomes en mitose

 

 

 

 

 

 

 

Briser le mur pour assurer la ségrégation des chromosomes en mitose
 
La rupture de l’enveloppe nucléaire est essentielle au cours de la division cellulaire pour permettre la libération des chromosomes, leur capture par les microtubules, puis leur ségrégation entre les deux cellules filles. Cependant, les mécanismes moléculaires conduisant à la rupture de cette enveloppe restent à découvrir. Des chercheurs de l’Institut Jacques Monod, en collaboration avec des chercheurs de l’université de Californie, ont mis en évidence un rôle essentiel de la sérine-thréonine kinase Plk1 dans la rupture de l’enveloppe nucléaire. Cette étude a été publiée le 23 octobre dans la revue Developmental Cell.
 
Dans les cellules eucaryotes, le matériel génétique est séquestré dans le noyau pendant l’interphase. Ce compartiment est délimité par l’enveloppe nucléaire (EN), qui est constituée d’une double membrane. Insérés dans cette double membrane, les pores nucléaires forment des canaux aqueux constitués d’une trentaine de nucléoporines qui permettent un transport sélectif entre les compartiments nucléaires et cytoplasmiques. L’enveloppe nucléaire est cruciale pour l’organisation et la fonction du noyau en interphase, en revanche, sa rupture en mitose est essentielle pour la ségrégation des chromosomes.
La sérine-thréonine kinase Plk1 joue un rôle majeur en mitose et contrôle notamment la formation du fuseau mitotique, la ségrégation des chromatides sœurs et la cytokinèse. Plk1 est surexprimée dans de nombreux cancers et cette surexpression est généralement associée à un diagnostic très défavorable pour les patients. Malgré des progrès significatifs, la régulation et les nombreux rôles que joue cette kinase en mitose restent à découvrir.

L’analyse phénotypique d’un mutant thermosensible de plk-1 dans l’embryon précoce du ver C. elegans a permis de mettre en évidence un nouveau rôle de cette kinase dans la rupture de l’enveloppe nucléaire. De manière spectaculaire, lorsque plk-1 est inactivée, l’enveloppe nucléaire persiste en mitose et sépare physiquement les chromosomes parentaux pendant leur ségrégation, de sorte que ce ne sont pas deux mais quatre masses d’ADN qui sont ségrégées en anaphase, entrainant la formation de noyaux appariés après décondensation de l’ADN au stade deux cellules (Figure). Ce phénotype peut être supprimé par l’inactivation partielle de certaines nucléoporines ce qui suggère que le rôle de Plk1 est de phosphoryler des nucléoporines pour désassembler les pores nucléaires.

En accord avec cette hypothèse, les chercheurs montrent que Plk1 est spécifiquement recrutée à l’enveloppe nucléaire, juste avant sa rupture, dans l’embryon de C. elegans mais également dans les cellules humaines où elle s’accumule au niveau des pores nucléaires. Ils démontrent que le recrutement de Plk1 aux pores nucléaires est déclenché par la phosphorylation sur de multiples sites d’un complexe de trois nucléoporines situé au centre des pores (Figure). La phosphorylation de ces nucléoporines, qui implique la kinase mitotique Cdk1-Cycline B et Plk1 elle-même, déclenche leur interaction avec le domaine C-terminal de Plk1, permettant ainsi son recrutement à proximité de ses substrats.
Ces travaux mettent en évidence un rôle inattendu des nucléoporines dans la rupture de l’enveloppe nucléaire en permettant le recrutement de Plk1 aux pores nucléaires et en facilitant ainsi la phosphorylation de composants de l’EN.
 

Figure. PLK-1 est recrutée aux pores nucléaires en prophase pour déclencher la rupture de l’enveloppe nucléaire dans l’embryon de C. elegans. (a) Après fécondation de l’embryon, les chromosomes maternels (rose) et paternels (bleu) s’alignent sur la plaque métaphasique et sont ségrégés en anaphase après rupture de l’enveloppe nucléaire. A l’issue de la mitose, des noyaux uniques entourés d’une enveloppe nucléaire se reforment au sein des deux blastomères. (b) En revanche dans les embryons plk-1ts, l’enveloppe nucléaire persiste et sépare physiquement les chromosomes parentaux en deux masses d’ADN distinctes. Les flèches blanches indiquent les noyaux appariés qui se reforment en fin de mitose dans les embryons plk-1ts. (c) Modèle de travail. PLK-1 est composée d’un domaine kinase (KD) (bleu) et d’un domaine C-terminal (PBD) (orange) qui est impliqué dans la reconnaissance de protéines phosphorylées. En prophase, PLK-1 est importée au noyau et s’accumule aux pores nucléaires via l’interaction de son domaine C-terminal avec les nucléoporines (NPP-1, NPP-4 et NPP-11) du pore central phosphorylées par Cycline B- Cdk1 et PLK-1 elle-même.
© Lionel Pintard
 
 

En savoir plus
* Channel Nucleoporins Recruit PLK-1 to Nuclear Pore Complexes to Direct Nuclear Envelope Breakdown in C. elegans. 
Martino L, Morchoisne-Bolhy S, Cheerambathur DK, Van Hove L, Dumont J, Joly N, Desai A, Doye V, Pintard L.
Dev Cell. 2017 Oct 23;43(2):157-171.e7. doi: 10.1016/j.devcel.2017.09.019.



 Contacts chercheurs
* Lionel Pintard
Equipe Cycle Cellulaire & Développement 
Institut Jacques Monod 
CNRS UMR7592 –– Université Paris-Diderot
15 rue Hélène Brion
75205 Paris Cedex 13
 
01 57 27 80 89


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CHRONOBIOLOGIE

 

 

 

 

 

 

 

Chronobiologie, les 24 heures chrono de l’organisme


Dossier réalisé en collaboration avec le Dr Claude Gronfier, neurobiologiste à l’Institut Cellule Souche et Cerveau, Inserm U846, Lyon - Décembre 2013.
Le fonctionnement de l’organisme est soumis à un rythme biologique, calé sur un cycle d’une journée de 24 heures. Ce rythme régule la plupart de nos fonctions biologiques et comportementales. Sa dérégulation entraîne des troubles du sommeil et d’importantes perturbations physiologiques. La chronobiologie est l’étude de ces rythmes et des conséquences de leur perturbation. C’est aussi l’étude des mécanismes biologiques impliqués, et celle des approches cliniques découlant de cette connaissance.

Des fonctions de l’organisme aussi diverses que le système veille/sommeil, la température corporelle, la pression artérielle, la production d’hormones, la fréquence cardiaque, mais aussi les capacités cognitives, l’humeur ou encore la mémoire sont régulées par le rythme circadien (circa : "proche de", dien : "un jour"), un cycle d’une durée de 24 heures.
Plus généralement, les données de la recherche scientifique montrent que presque toutes les fonctions biologiques sont soumises à ce rythme. Les exemples de cette activité cyclique sont innombrables : Grâce à l’horloge circadienne, la mélatonine est secrétée au début de la nuit, le sommeil est plus profond vers deux heures du matin, la température corporelle est plus basse le matin très tôt et plus élevée en fin de journée, les contractions intestinales diminuent la nuit, l’éveil est maximal du milieu de matinée jusqu’en fin d’après-midi, la mémoire se consolide pendant le sommeil nocturne…
Des études ont montré que des individus isolés durant plusieurs semaines dans des conditions proches de l’obscurité et sans repère de temps continuent de maintenir un cycle où le repos et l'activité alternent sur une période d’environ 24 heures. Cette persistance prouve que le rythme circadien est endogène, c'est-à-dire qu'il est généré par l’organisme lui-même.

L’horloge interne, métronome de l’organisme
C’est une horloge interne, nichée au cœur du cerveau, qui impose le rythme circadien à l’organisme, tel un chef d’orchestre. Toutes les espèces animales et végétales ont leur propre horloge interne calée sur leur rythme. Chez l’Homme, cette horloge se trouve dans l’hypothalamus. Elle est composée de deux noyaux suprachiasmatiques contenant chacun environ 10 000 neurones qui présentent une activité électrique oscillant sur 23h30 à 24h30 en moyenne. Cette activité électrique est contrôlée par l’expression cyclique d’une quinzaine de gènes "horloge".
Une resynchronisation permanente

Cellule ganglionnaire à mélanopsine
Des expériences menées avec des personnes plongées dans le noir (ou soumises à très peu de lumière) pendant plusieurs jours, sans repère de temps, ont permis de montrer que le cycle imposé par l’horloge interne dure spontanément entre 23h30 et 24h30, selon les individus. Autant dire que si l’horloge interne contrôlait seule le rythme biologique, sans être remise à l’heure, l’Homme se décalerait tous les jours. Un individu avec une horloge oscillant à 23h30 avancerait son heure de coucher de 30 minutes quotidiennement, alors que quelqu’un ayant une horloge oscillant à 24h30 retarderait son heure de coucher de 30 minutes tous les jours. Chacun finirait ainsi par dormir à un horaire différent de la journée ou de la nuit. Il en résulterait une vaste cacophonie à l’échelle de la population, et un rythme incompatible avec les activités quotidiennes et sociales. L’horloge interne est donc resynchronisée en permanence sur un cycle de 24 heures.
Pour ce faire, plusieurs synchroniseurs agissent simultanément. Le plus puissant d’entre eux est la lumière. L’activité physique et la température extérieure jouent aussi un rôle, mais leur effet est plus modeste.
La lumière est captée au niveau de la rétine par un groupe de cellules photoréceptrices particulières (les cellules ganglionnaires à mélanopsine), reliées aux noyaux suprachiasmatiques par un système nerveux différent de celui impliqué dans la perception visuelle. Le signal transmis à l’horloge interne provoque la remise à l’heure du cycle pour le synchroniser sur 24h. Ce même signal est aussi transmis à d’autres structures cérébrales dites "non-visuelles", qui sont notamment impliquées dans la régulation de l’humeur, de la mémoire, de la cognition et du sommeil.

La mélatonine, synchronisateur sous influence lumineuse
La mélatonine est une hormone dont la sécrétion est typiquement circadienne. Sa production augmente en fin de journée peu avant le coucher, contribuant à l’endormissement. Elle atteint son pic de sécrétion entre deux et quatre heures du matin. Ensuite, sa concentration ne cesse de chuter pour devenir quasiment nulle au petit matin, un peu après le réveil.
Le rythme de sécrétion de cette hormone est contrôlé par l’horloge interne, car il est identique chez des individus maintenus en pleine obscurité sans variation de la luminosité. De fait, la mélatonine est utilisée comme marqueur biologique de l’heure interne.
Néanmoins, la luminosité extérieure peut stimuler ou diminuer sa production. La lumière perçue par la rétine est transmise directement aux noyaux suprachiasmatiques qui relaient l'information jusqu’à une petite glande, l’épiphyse ou glande pinéale, qui secrète la mélatonine. L’exposition à la lumière le soir retarde la production de mélatonine, et donc l’endormissement. Une exposition lumineuse le matin va au contraire avancer l’horloge. Ce phénomène permet, en particulier, de s’adapter aux changements d’heure et aux décalages horaires.

De l’horloge interne aux fonctions biologiques
La régulation circadienne de toutes les fonctions biologiques se fait grâce à des messages entre les noyaux suprachiasmatiques et les différentes structures de l’organisme (régions cérébrales, organes…). Ces messages peuvent être directs ou indirects. Ainsi, les neurones suprachiasmatiques innervent directement des régions cérébrales spécialisées dans différentes fonctions comme l’appétit, le sommeil ou la température corporelle. La transmission du rythme circadien aux structures plus éloignées des noyaux suprachiasmatiques passe, entre autres, par la production cyclique d’hormones.

Des horloges périphériques optimisent les fonctions locales
L’organisme dispose en outre d’horloges périphériques localisées dans chaque organe (cœur, poumon, foie, muscles, reins, rétine...). Elles permettent d’optimiser le fonctionnement de chaque organe en fonction du contexte environnemental. Elles servent de relai entre l’horloge interne, qui impose son rythme circadien, et l’environnement qui peut induire des situations nécessitant des adaptations. C’est par exemple le cas lorsqu’on a besoin de rester actif pendant une nuit (adaptation de l’activité cardiaque, respiratoire, visuelle).
Les horloges périphériques sont détectables grâce à l’expression locale cyclique des gènes "horloges". Au niveau de la rétine par exemple, ces gènes s’expriment dans des neurones où se situe l’horloge périphérique. Le fait d’altérer localement l’expression de ces gènes perturbe le fonctionnement de la rétine même si les noyaux suprachiasmatiques de l’horloge interne sont totalement fonctionnels.

Ces horloges périphériques travaillent de façon autonome mais elles doivent être resynchronisées en permanence, grâce à l’horloge interne du cerveau. Si les noyaux suprachiasmatiques sont lésés, les horloges périphériques se désynchronisent : elles se mettent à travailler en cacophonie, comme s’il manquait un chef d’orchestre. Ce phénomène de désynchronisation interne s’observe au cours du vieillissement et dans certaines pathologies.

La chronopharmacologie : le bon médicament au bon moment
Les oscillations circadiennes du fonctionnement de l’organisme et de chaque organe rendent l’organisme plus ou moins sensible à certains médicaments au cours du cycle de 24 heures. Pour plusieurs molécules, des études ont permis d’identifier des schémas horaires d’administration optimaux pour une tolérance maximale et une toxicité minimale. Ce concept est utilisé en cancérologie à l’hôpital Paul Brousse (AP-HP, Villejuif), par le Dr Francis Lévi responsable de l’unité "Rythmes biologiques et cancers" (unité 776 Inserm/université Paris Sud). Il l’applique chez ses patients atteints de cancers digestifs. L'anti-cancéreux fluorouracile, par exemple, s’avère 5 fois moins toxique lorsqu'il est perfusé la nuit autour de 4 heures du matin, plutôt qu'à 4 heures de l'après-midi.

Les troubles du rythme circadien

Les troubles circadiens sont décelés grâce à la position du sommeil dans les 24h. Mais ils sont associés à bien d’autres perturbations : métaboliques, cardiovasculaires, immunitaires, cognitifs et cellulaires.
La classification internationale des troubles du sommeil (ICSD 2, 2005) distingue différents types de troubles des rythmes circadiens du sommeil, dont les plus fréquents sont :
*         "L’avance de phase" : les sujets s’endorment très tôt, par exemple vers 20h, et se réveillent très tôt, par exemple vers 4h du matin. Ce phénomène s’observe davantage chez les personnes âgées, mais il peut aussi s’observer chez les sujets jeunes.
*         "Le retard de phase" : les individus s’endorment très tard, au milieu de la nuit et s’éveillent spontanément en fin de matinée. Ce syndrome émerge souvent après la puberté et il est relativement fréquent chez les adolescents et les jeunes adultes.
*         "Le libre court" est un phénomène connu chez l’aveugle. Son horloge centrale n’étant pas synchronisée par la lumière, les cycles sont ceux de l’horloge interne non synchronisée, durant entre 23h30 et 24h30. La personne décale tous les jours son rythme, par exemple en se couchant une demi-heure plus tard pour un individu ayant une horloge de 24h30.
Dans les cas d’avance ou de retard de phase, les personnes sont incapables de s’endormir et de se réveiller aux heures voulues. S’ils s’obligent à respecter des horaires normaux, des troubles quantitatifs et qualitatifs du sommeil, une fatigue chronique ou encore des troubles du comportement (irritabilité ou apathie) risquent d’apparaître.
Il est vraisemblable que les troubles circadiens du sommeil ont différentes origines selon les individus. Les avances ou retards de phase pourraient avoir une base génétique. Il existe en effet des familles dont plusieurs membres présentent l’un de ces syndromes. D’autres facteurs, notamment des maladies (dépression, anxiété, cancer) pourraient également favoriser une désynchronisation de l’horloge interne. Enfin, des sensibilités différentes à la lumière ou aux autres synchroniseurs pourraient expliquer ce phénomène.

Des horaires de travail décalés, notamment la nuit ou très tôt le matin, entraînent souvent des troubles du rythme circadien. Chez ces travailleurs, en particulier chez les travailleurs postés, un grand nombre de troubles de santé peut s’observer, à différents niveaux.

Des conséquences cliniques potentiellement graves
L’étude des conséquences des troubles circadiens a principalement été menée chez les travailleurs postés. Différentes analyses ont montré que les travailleurs postés développent plus de maladies que les autres en réponse aux troubles du rythme circadien : maladies cardiovasculaires avec davantage d’infarctus du myocarde et d’accidents vasculaires cérébraux, dérèglements métaboliques avec plus de diabète et d’insulino-résistance, troubles gastro-intestinaux avec plus d’ulcères et de problèmes de transit, troubles psychiques avec un accroissement des cas de dépressions, troubles cognitifs avec des problèmes mnésiques, ou encore troubles de la fertilité avec plus de fausses couches chez les femmes.

Enfin, d’autres travaux ont montré un risque accru de cancer qui augmente avec la durée d’exposition, notamment au-delà de cinq ans. La cohorte CECILE, suivie par une équipe Inserm, a montré une augmentation de 30 % du risque de cancer chez les femmes travaillant régulièrement de nuit. Le travail de nuit est actuellement classé comme "probablement cancérigène" par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC).
Un rapport de la Société française de médecine du travail, publié en mai 2012 sous l’égide de la Haute Autorité de Santé, fait un état des lieux de ces sujets et formule un certain nombre de recommandations à l’attention des travailleurs postés et des médecins.
Néanmoins, les mécanismes expliquant comment les horaires décalés entraînent ces différents troubles et maladies ne sont pas élucidés. Aucun "effet-dose" ne permet de définir un seuil à partir duquel il existe un risque. Les chercheurs s’attèlent donc à comprendre comment la désynchronisation du rythme circadien agit, pour découvrir comment limiter les risques associés.

La lumière bleue, puissant synchronisateur et désynchronisateur
Pour une même intensité lumineuse perçue, la lumière bleue LED active cent fois plus les récepteurs photosensibles non-visuels de la rétine (cellules ganglionnaires à mélanopsine) que la lumière blanche d’une lampe fluorescente. Elle génère donc le message d’une exposition massive à la lumière directement transmis aux noyaux suprachiasmatiques. Cette lumière bleue est émise par les écrans LED des ordinateurs, des téléviseurs ou encore des tablettes.
Si l’on s’expose le soir à la lumière, et en particulier à une lumière enrichie en bleu, cela provoque un retard de l’horloge, un retard à l’endormissement et généralement une dette de sommeil (car l’heure de lever ne se retarde pas parallèlement pendant la semaine de travail).
Les études montrent que la suppression de l’utilisation de ces écrans avant le coucher chez l’enfant et l’adolescent permet une augmentation de la durée de sommeil d’une heure trente en moyenne par rapport à celle des utilisateurs.

La photothérapie (ou luminothérapie), traitement de référence

Une mauvaise exposition à la lumière est la principale cause de dérèglement du rythme circadien. La photothérapie (aussi appelée luminothérapie), couplée à une bonne hygiène de sommeil et de lumière, est actuellement le traitement de référence en cas de désynchronisation de l’horloge.
Des protocoles cliniques existent pour traiter les troubles des rythmes circadiens du sommeil (et également la dépression saisonnière). Ils reposent sur une exposition à une lumière de forte intensité et de durée précise, à un horaire particulier qui dépend des individus et du trouble. Par exemple, un adolescent en retard de phase devra s’exposer pendant 30 à 60 min à une lumière blanche de 5000-10000 lux à l’heure de réveil souhaitée, quotidiennement. Il devra aussi diminuer son exposition à la lumière le soir, et supprimer tout appareil électronique de sa chambre à coucher à partir de l’heure de coucher souhaitée.
Une hygiène de lumière particulière, avec des horaires précis d’exposition à la lumière, est également conseillée aux travailleurs postés. Les études montrent que le fait d’augmenter l’intensité lumineuse pendant le travail de nuit, puis de diminuer l’exposition au retour à domicile et de dormir dans des conditions d’obscurité totale sont des conditions favorables à la synchronisation de l’horloge biologique. Cela permet une meilleure vigilance pendant les heures de travail et un sommeil de meilleure qualité au retour.
Des règles élémentaires d’hygiène de sommeil sont également nécessaires pour favoriser la resynchronisation : éviter le sport et les écrans avant de dormir, se coucher à une heure correcte, dans le noir et au calme, ou encore se relever en cas d’impossibilité de s’endormir.

L’hygiène de lumière
Cette notion émergente est maintenant prise en considération avec beaucoup d’intérêt car la lumière permet la remise à l’heure de l’horloge biologique et elle est synonyme d’éveil pour l’organisme. En activant un ensemble de mécanismes biologiques, la lumière permet une vigilance et un fonctionnement cognitif de bonne qualité pendant la journée. C’est la bonne synchronisation de l’horloge et l’obscurité qui permettent un bon sommeil de nuit. Une mauvaise hygiène de lumière est responsable de troubles et possiblement de pathologies.

 

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