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AFRIQUE NOIRE

 

 

 

 

 

 

 

AFRIQUE  NOIRE
  

PLAN
        *         AFRIQUE NOIRE

 

        *         1. Le cheminement d'une notion
        *         1.1. Avant notre ère : une vision globalisante
        *         1.2. Mondes christianisés et islamisés, et mondes païens
        *         1.3. Une notion idéologique commode
        *         2. Les origines et leur importance
        *         3. Les racines (entre 10 000 et 5 000 avant J.-C.)
        *         3.1. Quelques zones d'occupation
        *         4. Le morcellement (entre 5 000 avant J.-C. et le début de notre ère)
        *         4.1. La domestication des plantes et des animaux
        *         4.2. Des changements significatifs
        *         Les métaux
        *         4.5. L'émergence des cultures
        *         Un long isolement
        *         L'axe nilotique
        *         5. Sociétés, villes et pouvoirs (Ier millénaire après J.-C.)
        *         5.1. L'apparition du christianisme
        *         5.2. Aksoum
        *         5.3. Les côtes orientales et Madagascar
        *         5.4. L'intérieur de l'Afrique
        *         De possibles migrations de peuples
        *         Boucle du Limpopo, vallées du Congo
        *         5.5. Au nord de la forêt équatoriale
        *         Nok, Ife et Saos
        *         Djenné, empire du Ghana, Gao
        *         Émergence de pouvoirs forts
        *         6. L'apparition de l'islam (à partir du viie siècle)
        *         6.1. Le Nord, l'Est et l'Éthiopie
        *         6.2. La côte orientale
        *         6.3. Les « royaumes » et les « empires »
        *         L'empire du Ghana et Gao
        *         Le Kanem et la Nubie
        *         Bassin du Congo
        *         Ife et l'empire du Mali
        *         Les Almoravides
        *         Tekrour, Mossis
        *         7. Le grand xive siècle africain
        *         7.1. La démographie
        *         7.2. Le Mali, puissance internationale
        *         7.3. Monnaies et intensification du commerce
        *         8. L'impact de la traite des esclaves                                                *         8.1. La traite arabe
        *         8.2. La traite européenne
        *         9. Les commotions musulmanes (xviiie-xixe siècle)
        *         9.1. L'expansion de l'islam
        *         9.2. Les « révolutions islamiques »
        *         9.3. Résistances et tentatives de renforcement d'États
        *         10. Les sociétés africaines face au pouvoir colonial
        *         10.1. Le partage colonial (1880-1945)
        *         10.2. L'économie coloniale
        *         10.3. Les résistances
        *         11. Les indépendances (1960-1980)
        *         11.1. Les frontières
        *         11.2. La démographie
        *         11.3. Les nouveaux défis : démocratie et « bonne gouvernance » (1980-)

Afrique noire

Cet article fait partie du dossier consacré à l'Afrique.
Ensemble des pays africains situés au S. du Sahara.
Avant la désertification de la zone saharienne, il y a un peu plus de deux millénaires, parler d'Afrique noire n'a guère de sens, tellement les cultures du nord du continent sont parentes, imbriquées à celles qui se développent au sud du Sahara. Le grand dessèchement sépare, plus radicalement qu'auparavant, une Afrique septentrionale, profondément islamisée depuis treize siècles, d'une Afrique qui s'étend du golfe du Bénin aux plateaux du Karroo.

1. Le cheminement d'une notion

1.1. Avant notre ère : une vision globalisante
Avant notre ère, les échanges de populations et de cultures sont forts entre les deux zones, même si des particularités remarquables, dans le rapport à l'environnement, apparaissent déjà en Afrique intertropicale. Ces particularités ont été accentuées par le désert, l'islamisation et la colonisation européenne ; elles n'ont pas effacé certains traits d'unité anciens ; il convient de ne jamais l'oublier quand on parle de l'Afrique noire.
Les Grecs anciens savaient qu'en Afrique vivaient des peuples « différents », tant par leurs habitudes alimentaires que par la couleur de leur peau : ils les avaient nommés Éthiopiens, « faces brûlées [par le soleil] ». Reprenant souvent des supposés géographiques grecs ou latins, les écrivains de langue arabe ont considéré que, « vers le sud » des territoires où l'islam était installé, vivaient d'innombrables peuples sudan (« noirs », Bilad al-Sudan : « Pays des Noirs »).

1.2. Mondes christianisés et islamisés, et mondes païens
Quant aux Européens, reprenant cette vision globalisante, ils parlent d'une « Afrique des Noirs ». Dans la seconde moitié du xve siècle, les chroniques de Zurara relatent comment les Portugais découvrent avec stupéfaction sur les côtes d'Afrique la diversité des populations non musulmanes, avec lesquelles ils n'avaient guère eu, jusque-là, de contacts. Ces « Maures noirs », « disgraciés de visage et de corps », ne parlent pas l'arabe, mais, au fur et à mesure que l'on progresse vers le sud, des langues de plus en plus diverses : ainsi naît la légende tenace de la mosaïque linguistique du « Pays des Noirs ».
Une frontière culturelle apparaît aux xive et xve siècles entre peuples de la « civilisation et des manières raisonnables de vivre » – les mondes christianisés et islamisés, même s'ils sont antagonistes – et peuples du Sud, attachés à leur « paganisme » et noyés dans leur fragmentation linguistique.

1.3. Une notion idéologique commode
L'archéologie a apporté la preuve que c'est en Afrique orientale que l'homme est apparu. Comment établir une frontière entre Afrique blanche et Afrique noire ? Comment classer les Garamantes de l'époque romaine ou les Éthiopiens d'Aksoum – qui ne se reconnaissent pas comme étant totalement noirs et se distinguent des Oromos, les peuples de la corne de l'Afrique, ainsi que de ceux de la vallée du Nil – sinon en recourant à des critères culturels, religieux et sociaux arbitraires ? Le terme d'Afrique noire ne recouvre donc pas un concept, fût-il racial – on trouve des Noirs bien au-delà du 20e parallèle nord – il renvoie le plus souvent à une notion idéologique commode : il a souvent justifié la colonisation du continent.

2. Les origines et leur importance

À l'est du Rift – la grande fracture qui traverse l'Afrique de la mer Rouge au lac Malawi –, plusieurs lignées, qui annonçaient l'homme actuel, ont coexisté et se sont succédé depuis 4 millions d'années. Nous sommes encore assez peu capables de restituer avec précision et certitude la vie de ces groupes qui se sont multipliés lentement, trouvant dans la chasse, la pêche et la cueillette les éléments d'une alimentation suffisante. On sait néanmoins, grâce à leurs traces retrouvées par les archéologues, que la bipédie remonte à 3 millions d'années, que la vie en groupes solidaires existe depuis au moins 1,5 million d'années et que le feu a été domestiqué voici 600 000 à 500 000 ans ; par ailleurs, les outils de pierre, d'os ou de bois ont été progressivement transformés en fonction de leurs besoins.
Les paléontologues, aujourd'hui, voient généralement dans l'Afrique intertropicale la souche première du peuplement de tout l'Ancien Monde : des hommes ont, à plusieurs reprises, quitté l'Afrique, en particulier pour se diriger vers le nord, peuplant lentement l'Asie et l'Europe. L'une des dernières grandes crises climatiques qui affecta l'Afrique se produisit entre 30 000 et 20 000 avant J.-C. Elle correspond à la dernière grande glaciation dans l'hémisphère Nord, qui entraîna une baisse importante du niveau des mers. Sur le continent africain, cela se traduisit par une phase humide, suivie entre 20 000 et 10 000 avant J.-C. par une phase d'extrême aridité. Cette longue période difficile a vraisemblablement divisé le continent en zones refuges (étendues d'eau et vallées notamment), où le gibier et les hommes se sont regroupés, et en zones abandonnées : déserts du Nord et du Sud, et forêt inhospitalière.

3. Les racines (entre 10 000 et 5 000 avant J.-C.)
Un nouveau changement climatique se produit vers 8 000 avant J.-C. : les précipitations redeviennent plus importantes sur l'Afrique, même si elles restent soumises à l'alternance saison sèche/saison humide. Le retour de l'eau se traduit par une remontée, parfois spectaculaire (plus de 100 m) du niveau des lacs, des mers et des cours d'eau. La forêt regagne des territoires perdus à l'époque précédente, mais l'homme la connaît mieux et parvient à y survivre dans les zones moins denses.

3.1. Quelques zones d'occupation
Les nombreuses recherches effectuées par les archéologues depuis les années 1960 ont permis de mettre en évidence différentes zones d'occupation humaine.
Les crues énormes dans les grandes rigoles du Nil, du Niger, du Zambèze et de cours d'eau moins importants interdisent à l'homme de s'installer dans les vallées. Il lui faut s'établir à une distance de l'eau qui lui permet d'échapper au danger: pour cela, il observe la périodicité des crues et en repère les niveaux maximaux. Avec l'eau, revient l'abondance du bétail et celle du poisson d'eau douce, forte ressource alimentaire des Africains. Partout où existent des cours et des étendues d'eau, du Sahara occidental au Nil et aux lacs de l'Afrique orientale, la pêche, qui laisse d'importantes traces matérielles (hameçons, harpons, restes alimentaires), reprend avec vigueur. Des groupes se sédentarisent, du moins momentanément, en particulier autour du lac Victoria et de Khartoum. Plus au sud, en Afrique orientale et méridionale, à l'exception des côtes méridionales, la chasse et la cueillette l'emportent sur la pêche: une abondante industrie microlithique va, durant des milliers d'années, prolonger l'existence, aisée semble-t-il, de ces chasseurs-cueilleurs. L'homme a également laissé des traces de son passage entre le Zambèze et la République démocratique du Congo, par exemple en Namibie.
Un autre ensemble humain se dessine autour du lac Tchad, beaucoup plus étendu qu'aujourd'hui et qui reçoit des affluents à la fois du nord-ouest et du sud-est. Une zone importante de concentration de populations est la vallée de la Bénoué, grand affluent du Niger et véritable corridor entre celui-ci et le lac Tchad. C'est dans le sud du Nigeria, à Iwo Eleru, que le plus ancien squelette d'Homo sapiens sapiens noir actuellement connu a été retrouvé. Beaucoup d'indices laissent à penser qu'une large bande de terre, de la Guinée au Tchad et au Cameroun, a peu à peu vu naître, en région de forêt domestiquée ou périforestière, les premiers éléments de ce qu'il est convenu d'appeler globalement, par manque d'éléments, la « civilisation bantoue ».
Hormis les zones « lacustres » du Sahara, l'Afrique occidentale a livré peu de traces d'occupation humaine ; l'état des recherches, dans les régions situées autour de la vallée du Sénégal et surtout du delta intérieur du Niger, ne permet pas de se prononcer sur l'importance de leur occupation. En revanche, un secteur centre-saharien, encadré par l'Adrar des Iforas, le Hoggar et l'Aïr, est en pleine occupation dynamique : un drainage important, par la grande vallée de l'Azaouagh emporte les eaux jusqu'au Niger. Nous avons les preuves que les populations proches de l'Aïr fabriquaient déjà des poteries vers 7 500 avant J.-C. et broyaient des grains avec des meules de pierre. Étaient-ils noirs ? Étaient-ils méditerranéens ? Quoi qu'il en soit, ils ont peu de traits communs avec leurs voisins du Nord, vivant dans la Tunisie actuelle, mangeurs d'escargots. Ce foyer du Hoggar, dont l'influence s'étend vers l'est jusqu'au Tibesti, va se développer pendant la période suivante.
Autour des points d'eau importants de la rive gauche du Nil se rassemblent des groupes humains qui n'osent pas encore occuper la vallée elle-même; vers 6 000 avant J.-C., certains de ces groupes ont commencé à domestiquer des animaux. De l'Égypte et de la civilisation égyptienne, il n'est encore guère question, à l'exception peut-être de quelques stations de cultivateurs au sud du delta, plus ou moins rattachés aux cultures proche-orientales en émergence vers 7 000-6 000 avant J.-C.

4. Le morcellement (entre 5 000 avant J.-C. et le début de notre ère)
Sans doute est-ce durant ces cinq millénaires qu'on peut – avec beaucoup de prudence toutefois – distinguer plusieurs Afriques, dont les évolutions vont se poursuivre jusqu'au xxe siècle.
Durant cette période, l'humidité demeure, mais elle décroît plus ou moins régulièrement : le Sahara redevient moins hospitalier ; les fleuves moins alimentés sont plus contrôlables ; le niveau des lacs baisse ; le nombre des étangs de quelques mètres de profondeur, qui durant les millénaires précédents avaient favorisé une certaine dispersion des groupes humains, diminue.
L'homme doit dès lors, plus ou moins lentement, adapter son mode de vie aux contraintes de l'environnement, le plus souvent par la domestication des plantes et des animaux de son choix : ainsi, au sud du lac Victoria, l'agriculture et l'élevage ne sont adoptés qu'au début de notre ère. Mais, partout où la situation n'est pas encore dramatique – plus particulièrement en Afrique orientale et méridionale, où l'altitude maintient longtemps une prairie porteuse de gros gibier –, il conserve encore ses habitudes de chasse et de cueillette. Par ses industries sur pierre, par ses contacts maritimes avec le reste de la Méditerranée, le nord du continent appartient aux pays du blé, de l'orge, de l'olivier, de la vigne, ainsi que de l'élevage du mouton, de la chèvre, puis du bœuf. Encore faut-il introduire dans ce tableau des nuances.

4.1. La domestication des plantes et des animaux
Sur la rive gauche du Nil, dans les oasis qui longent le fleuve, l'élevage du buf remonte à environ 7 000 ans, et l'adoption de la culture du blé et de l'orge à environ 6 000 ; à cette même époque des agglomérations organisées autour des puits apparaissent. L'agriculture n'est développée pleinement dans la vallée (dont la connaissance des crues n'est pas maîtrisée) que vers 4 000 avant J.-C. Le blé, l'orge gagnent un peu vers le sud, mais se heurtent au niveau de la 2e cataracte à des obstacles physiques et climatiques; ils pénètrent par l'Atbara en direction de l'Érythrée et du nord de l'Éthiopie, mais y rencontrent vers 2 000 avant J.-C. la domestication de plantes spontanées, le tef (une céréale du genre Eragrostis), l'ensette (une plante voisine du bananier, dont les graines et le bulbe fournissent une pâte nourissante), qui vont limiter l'expansion des cultures méditerranéennes.
Vers l'ouest de l'Afrique septentrionale, ces cultures et les élevages s'étendent aussi lentement, sans qu'on connaisse encore exactement les dates et les formes de cette transformation.
Entre le Nil moyen et le Hoggar, un ou plusieurs foyers de domestication des bovidés s'épanouissent, autour de 5 000 avant J.-C. Cet élevage, avec celui du mouton et de la chèvre, se répand vers le sud, dans toutes les directions, très lentement, surtout lorsque les étangs et les mares s'assèchent, obligeant les groupes humains à modifier progressivement leurs habitudes alimentaires. Les pasteurs de ces bufs se représentent eux-mêmes comme des Noirs sur les peintures rupestres. L'arrivée des zébus vers 1 000 avant J.-C. apporte une amélioration à cet élevage : ce bovin résiste mieux à la sécheresse et à la mouche tsé-tsé que les races précédemment domestiquées. En l'espace de deux millénaires, le zébu envahit le continent et passe à Madagascar.
Dans la zone sahélienne, des groupes qui vivent encore de chasse, de cueillette et de pêche coexistent avec ceux qui domestiquent peu à peu certaines plantes, notamment les mils et les sorghos, d'ouest en est, au sud des 15e et 14e parallèles nord ; ces céréales gagnent, entre 1 000 avant J.-C. et 1 000 après J.-C., l'ensemble du continent, en contournant la forêt par l'est. Dans l'Afrique orientale et méridionale, où il est difficile d'attribuer à tel ou tel peuple l'avancée de telle ou telle plante, l'adoption de l'élevage se fait à des dates différentes: vers le début du Ier millénaire après J.-C., plantes et animaux venus du nord ont atteint la côte méridionale du continent.
Dans le delta intérieur du Niger, c'est, selon toute vraisemblance, à partir du IIe millénaire avant J.-C. que s'opère la domestication d'un riz africain dont la culture s'étend vers l'ouest et le sud-ouest jusqu'à la côte atlantique.
De la Côte-d'Ivoire au Congo actuels, la domestication du palmier à huile et des nombreuses variétés d'ignames prend un tel essor que des villages se créent aux IIIe et IIe millénaires avant J.-C., comme les recherches archéologiques l'ont mis en évidence. Les pays de l'igname sacralisent les récoltes aujourd'hui encore. Il en va de même pour le sorgho ou l'éleusine en Afrique orientale.
Enfin, au sud du tropique du Cancer, un profond changement culturel s'opère au fur et à mesure que les hommes abandonnent chasse et cueillette et qu'ils se sédentarisent, adoptant, selon les cas, l'élevage ou l'agriculture.

4.2. Des changements significatifs
Si l'on n'est pas en mesure d'attribuer tel ou tel choix de domestication à tel ou tel groupe africain, on commence cependant à discerner des enracinements et des continuités. Dans la vallée du Nil se développe, depuis 5 000 avant J.-C., la brillante culture de Nagada ; elle est à l'origine de l'organisation pharaonique de la Haute-Égypte. Plus au sud, les pêcheurs de la région de Khartoum maîtrisent la navigation sur le Nil. Entre ces deux groupes, le désert va accroître les divergences en isolant, mais sans jamais les séparer totalement, la culture égyptienne pharaonique, au nord de la 2e cataracte, et les cultures noires au sud de la 3e. Au dernier millénaire avant J.-C. émerge une culture éthiopienne du Nord qui doit beaucoup aux influences nilotiques mais aussi à celles de l'Arabie méridionale et de l'Afrique, et qui débouche sur la culture aksoumite.
Les fouilles archéologiques révèlent, dans le delta intérieur du Niger, un grand nombre de traces d'occupation humaine entre le Ier millénaire avant J.-C. et le Ier millénaire de notre ère ; on a en particulier dégagé partiellement l'ancienne ville de Djenné, remontant au iie s. avant J.-C. et qui, dès cette époque, pratique des échanges à moyenne distance.

Les métaux
Le travail des métaux marque aussi, à la fin du IIe millénaire et durant la première moitié du Ier millénaire, un changement qualitatif important dans la vie des Africains.
Le cuivre est exploité en Mauritanie, au Niger, dans la région de la Nubie, en Zambie et au Congo actuels, pour la fabrication d'outils fragiles et d'objets de parure. Presque simultanément, parfois antérieurement à l'utilisation du cuivre, la métallurgie du fer par réduction directe se développe au Cameroun (région de Yaoundé) et au Niger (dans le Ténéré) à la fin du IIe ou au début du Ier millénaire avant J.-C. Méroé, capitale au vie s. avant J.-C. du royaume de Koush sur le Nil, a été pendant longtemps tenue pour un maillon essentiel dans la diffusion des techniques métallurgiques. On sait aujourd'hui qu'il n'en est rien: la partie septentrionale de la zone intertropicale, entre le tropique du Cancer et l'équateur, apparaît comme l'une des plus anciennes aires de réduction du fer. Nok, sur le plateau de Jos-Bauchi, au Nigeria, où déjà existent des traces d'activité humaine datant de la période antérieure, illustre bien ces transformations. Culture du fer, Nok a laissé aussi d'abondants vestiges, parmi les plus anciens, de la statuaire en terre cuite.

4.5. L'émergence des cultures
À la fin de cette longue période, qui voit à nouveau la sécheresse désoler les régions proches du tropique, se mettent en place les bases matérielles d'où émergent les cultures mieux connues des époques suivantes. Les plantes domestiquées sont nombreuses, même si parfois leur rendement calorique est faible ; ainsi s'établit progressivement une agriculture originale, fondée sur un système d'occupation de l'espace centré sur le village, économe d'eau et de bois. Ce système allait suffire, pendant les millénaires suivants, grâce à sa souplesse et sauf catastrophes régionales, comme support aux regroupements politiques et à la croissance démographique. Chaque groupe, dans une niche particulière, adopte telle plante de base ou telle association de plantes pour construire durablement son régime alimentaire désormais stable sur la longue durée.
Ces régimes, du moins dans les régions où le dessèchement ne ruine pas toute chance de survie, sont beaucoup moins déséquilibrés sur le plan de la diététique qu'on ne le dit souvent. Leur permanence s'explique dès lors clairement : actuellement encore, les ressources végétales assurent aux Africains près de 80 % de leurs besoins en protéines. Cependant, sauf contraintes climatiques, ces paysannats n'ont pas été hostiles à l'introduction de plantes venues d'autres régions du monde. Elles ont été vite adoptées lorsque leur rendement était supérieur à celui des plantes indigènes. Avant l'arrivée des plantes américaines au xvie siècle, l'Asie a fourni, par exemple, bananiers, cocotiers, manguiers, myrbolaniers, aujourd'hui si intégrés au paysage qu'on les croit africains.

Un long isolement
L'influence des colonisations du nord du continent est demeurée faible à l'intérieur de l'Afrique : Phéniciens, Carthaginois, Grecs, Romains, Vandales, Byzantins n'ont pas poussé vers le sud les limites du blé, de la vigne ou de l'olivier. Ils n'ont pas davantage imprimé leur marque par l'implantation de villes organisées. Ces peuples consommateurs de blé, d'huile, de raisin ont considéré comme anormaux ceux qui ne mangeaient pas ces produits et les ont souvent nommés par une caractéristique alimentaire supposée dominante chez ces « barbares ».
Ce n'est qu'à propos de la fin du Ier millénaire avant J.-C. que l'on peut commencer à parler d'une Afrique noire ; encore que celle-ci ne soit fermée à aucun contact, sauf peut-être au nord, où se creuse le fossé saharien. L'apparition massive du dromadaire au Sahara occidental rompt un peu cet isolement, accentué au fil des millénaires, et permet aux Berbères de repeupler très ponctuellement le désert, remplaçant les derniers pasteurs noirs en migration vers le sud – dans lesquels on veut parfois reconnaître les ancêtres des Peuls.

L'axe nilotique
Les massifs de Libye, l'axe qui joint la Tripolitaine au Tchad et, surtout, l'axe du Nil n'ont pas connu la même évolution : l'eau n'y manque pas au même degré que dans le Sahara occidental. L'axe nilotique est, comme celui de la mer Rouge, essentiel pour la culture pharaonique. Même si les Égyptiens ne s'aventurent guère au sud de la 3e cataracte, en Nubie, ils ont tiré de celle-ci de grandes quantités d'or, et ce jusqu'au xiie siècle après J.-C. ; ils en ont aussi tiré le granit pour leurs obélisques, et surtout une main-d'œuvre militaire importante : des archers pour l'armée pharaonique puis des esclaves pour les maîtres grecs d'Alexandrie, et beaucoup plus tard des guerriers noirs dont l'influence et le nombre ont été considérables dans l'Égypte des xe et xiie siècles.
Au viie siècle avant J.-C., le lien entre les segments du Nil, de plus en plus séparés par le désert entre les 2e et 3e cataractes, a même été concrétisé par la présence d'une dynastie pharaonique nubienne dont le pouvoir s'étendit du delta à la grande boucle du Nil.
Dans le nord-est du continent, la circulation des personnes et des biens est demeurée constante, malgré le dessèchement, jusqu'à notre ère ; il est dès lors très difficile de discerner une frontière entre une Afrique noire et une Afrique non noire.
Cette période de 5 000 ans constitue, autant que dans d'autres régions du monde, l'assise de tout ce qui va suivre.

5. Sociétés, villes et pouvoirs (Ier millénaire après J.-C.)

5.1. L'apparition du christianisme
L'axe nilotique et la mer Rouge jouent un grand rôle à partir du ive siècle. La christianisation passe par eux. Orthodoxe ou non, elle gagne la Nubie, où, au viie siècle, existent des évêchés et de nombreuses églises ; Dongola, près de la boucle du Nil, est la capitale politique et religieuse de cette Nubie christianisée. Plus au sud, le christianisme a pénétré, à peu près au même moment, jusqu'à Soba, autre capitale proche de Khartoum.
Ces pays christianisés connaissent une hiérarchisation des pouvoirs, et l'on parle de « rois » à leur tête. Enrichis par la recherche d'esclaves (vers le Tchad et vers le sud) dont la vente constitue un élément important, ils renforcent, jusqu'au xiiie siècle, l'aspect monumental de leurs villes, notamment par la construction de grands édifices religieux, parfois ornés de peintures somptueuses (à l'exemple de la cathédrale de Faras).

5.2. Aksoum
Au nord-ouest de l'Éthiopie, non loin de la mer, a grandi, depuis le ier siècle de notre ère, une culture qui a laissé des traces nombreuses (comme sur le site de Yeha) et qui va s'organiser autour d'un pouvoir centralisateur à Aksoum. Christianisé vers le ive siècle, le royaume d'Aksoum participe, grâce à Adulis, son port sur la mer Rouge, au trafic international ; les Byzantins s'intéressent vivement à ce point d'appui, lentement détourné de ses relations avec l'intérieur de l'Afrique (dont la Nubie) au profit des contacts avec la péninsule Arabique et du trafic maritime vers l'Asie.
Aux ve et vie siècles, Aksoum joue un rôle commercial important : on y frappe l'or. Cette zone nord de l'actuelle Éthiopie entretient avec la péninsule Arabique des relations commerciales, linguistiques et militaires qui vont se poursuivre après l'apparition de l'islam : des Éthiopiens se trouvent à La Mecque, où ils connaissent des conditions sociales diverses, et le premier muezzin choisi par le Prophète était un Éthiopien.

5.3. Les côtes orientales et Madagascar
On connaît mal, pour ce millénaire, la situation de la côte de l'Afrique orientale et de Madagascar. Des indices de présence de groupes humains ont partout été relevés par les archéologues. Sur la côte est, vivent des communautés de pêcheurs fabriquant des poteries, peut-être déjà en contact avec l'Insulinde, d'où viendraient des navires et des pirogues à balancier ; en tout cas, cette côte fournit déjà des esclaves, que l'on retrouve en Chine, en Perse sassanide, en Mésopotamie.
À Madagascar, des communautés côtières paraissent exploiter, sinon cultiver, certaines épices ; peut-être n'ont-elles pas encore pénétré loin dans l'intérieur de l'île, qui présente déjà l'aspect d'une savane arborée, sauf dans la partie orientale où s'étend une grande forêt. La navigation dans l'ouest de l'océan Indien et le long des côtes d'Afrique est certaine, depuis l'époque romaine au moins, mais on en sait peu de chose. Cette côte est en contact étroit avec l'intérieur du continent qui lui fournit, à partir des réserves exceptionnelles d'animaux sauvages qu'elle recèle, cornes de rhinocéros, défenses d'éléphants et peaux de panthères ou de léopards, très demandées par les visiteurs venus par mer et par ceux du Nord nilotique.

5.4. L'intérieur de l'Afrique
De possibles migrations de peuples
À l'intérieur de l'Afrique équatoriale, entre l'Atlantique et l'océan Indien, il s'est produit, vraisemblablement depuis le Ier millénaire avant J.-C., un changement important dont les origines, la chronologie, les modalités et l'ampleur sont loin de faire l'unanimité chez les chercheurs. Ce changement concerne de possibles migrations de peuples ayant en commun une souche linguistique, appelée par convention le proto-bantou, et qui a donné naissance à des langues très différenciées parlées aujourd'hui par les bantouphones. Ces peuples, au cours de leurs « migrations », auraient apporté avec eux l'agriculture et la métallurgie du fer jusque dans l'est et le sud du continent, qui ne les connaissaient pas encore.
Un fait est sûrement établi : à la fin du Ier millénaire après J.-C., ces peuples occupent tout le centre et le sud du continent, à l'exception d'un fragment du Sud-Ouest où dominent les Khoisans, dont les langues à clics sont différentes des langues bantoues (→  khoizan). Par-delà toute controverse sur leur rôle culturel, ces peuples constituent la souche des principaux groupes connus depuis, jusqu'au sud du continent, sous des noms divers. Par ailleurs, on voit se multiplier les villages sédentaires dans toute la région bantouphone.

Boucle du Limpopo, vallées du Congo
Dans la boucle du Limpopo et dans la région du Katanga (ex-Shaba) dans le Congo (ex-Zaïre méridional), les chercheurs ont identifié des groupes importants dont l'évolution commence à la fin du Ier millénaire après J.-C. Ce sont des chasseurs d'éléphants, producteurs de fer et éleveurs de bœufs, qui vont former, en trois ou quatre siècles, une société hiérarchisée où le pouvoir s'isole, physiquement, de plus en plus du reste de la population. Il est probable que ces populations sont en rapport avec l'Inde, qui importe du fer africain.
Quant aux hautes vallées du Congo (ex-Zaïre), elles abritent, au même moment, des peuples pêcheurs, par ailleurs gros producteurs de poterie et utilisateurs de cuivre. Il s'agit peut-être des ancêtres des Loubas. La zone forestière, où se trouvent aujourd'hui le Cameroun, le Gabon, le Congo et la République démocratique du Congo, abrite, pendant ce millénaire, une population encore assez mal identifiable. On suppose que les bases de la culture téké et de l'ensemble kongo se construisent alors. L'archéologie, en tout cas, montre de mieux en mieux la continuité de l'occupation de cette région.

5.5. Au nord de la forêt équatoriale
Nok, Ife et Saos
Plus au nord, les émergences sont déjà beaucoup mieux connues. Nok (au centre de l'actuel Nigeria) poursuit jusque vers le milieu du millénaire sa production culturelle ; au sud-ouest de la zone du Bauchi, la région d'Ife connaît, à partir du vie s., une multiplication des villages, parfois au détriment de la forêt, et sert d'intermédiaire commercial entre le Nord et la côte. Un pouvoir fort s'y met en place, et les premiers signes d'une production culturelle – habitat, statuaire en terre cuite et utilisation d'alliages cuivreux – apparaissent vers le xe siècle.
Le dessèchement et, peut-être, les raids esclavagistes déterminent le repli de populations qui vont s'implanter dans la cuvette du Tchad et se développer au plus tard à partir du ve siècle. Par manque de données historiques incontestables, on les nomme encore très provisoirement Saos ; elles vivent largement de chasse, de pêche et de cueillette.

Djenné, empire du Ghana, Gao

Dans le delta intérieur du Niger, des vestiges d'une dense occupation humaine dès le début du Ier millénaire sont aujourd'hui bien situés et reconnus. La ville de Djenné-Djenno, à l'abri d'une enceinte de brique crue, atteint avant le viie siècle son apogée. Avec le Nord, elle échange probablement du cuivre, avec le Sud du fer ; elle vend du riz et peut-être du poisson séché. Même si l'on connaît très mal la production des champs aurifères du haut Sénégal ou de l'actuelle Guinée, il faut rappeler que cette Afrique au sud du Sahara a la réputation, dès le ve siècle avant J.-C., d'être la « terre de l'or ». Sans doute, sans être encore considérable, la production de ce métal alimente, en partie, des traversées sahariennes.
Deux pouvoirs s'imposent, l'un à l'ouest, l'empire du Ghana, l'autre plus à l'est, Gao, comme intermédiaires entre les demandes d'or du Nord et les producteurs qui, beaucoup plus au sud, n'ont jamais été contrôlés ni par l'empire du Ghana ni par Gao.

Émergence de pouvoirs forts
Dans tous les cas qui viennent d'être évoqués, les villages agricoles ou les enclos d'élevage constituent, selon les régions, la base de l'organisation sociale et économique. Des pouvoirs à fort caractère religieux, chargés d'organiser les chasses, de prévoir les cérémonies nécessaires à la bonne production de la terre, de gérer les échanges de bétail et de produits alimentaires, y dominent : ils réclament, de la part de ceux qui les exercent, une connaissance approfondie du fonctionnement de l'environnement. Peu à peu, aussi, en raison de la forte division du travail entre agriculteurs et producteurs de fer, des pouvoirs plus forts s'imposent aux groupes plus importants : c'est le cas à Ife, à Ghana, à Gao. On désigne ces pouvoirs par le terme de « royauté ».

6. L'apparition de l'islam (à partir du viie siècle)

6.1. Le Nord, l'Est et l'Éthiopie
L'islam gagne le nord du continent aux viie et viiie siècles ; son adoption a coupé pendant longtemps les contacts entre les pays africains sud-sahariens et la Méditerranée, et cela de manière d'autant plus radicale qu'ils n'avaient jamais été très développés.
Les Berbères islamisés atteignent le Sénégal et créent, surtout après le xe siècle, d'importants axes de relation économique entre Maghreb et Sahel, sans implantation religieuse notable au sud du désert. Plus à l'est, l'itinéraire jalonné de puits reliant la Tripolitaine au Tchad alimente le Nord en esclaves. Tout à l'est enfin, l'axe nilotique, avec ses annexes asiatiques, continue de fonctionner malgré les différences religieuses entre Égypte musulmane, Nubie et Éthiopie chrétiennes ; l'accord passé entre maîtres de l'Égypte et roi de Nubie assure aux premiers des livraisons régulières d'esclaves capturés dans le « Grand Sud », et au roi nubien des produits méditerranéens.
En Éthiopie, après l'effondrement d'Aksoum, le port d'Adulis est abandonné et le pouvoir s'installe beaucoup plus au sud, dans les hauts massifs. Les relations entre pouvoir éthiopien et pouvoir musulman se distendent de plus en plus, et sur les rives de la mer Rouge apparaissent des émirats musulmans ouvertement hostiles à l'Éthiopie chrétienne qui, privée de ses atouts maritimes, se replie, pour de longs siècles, sur sa production agricole ; elle connaît de graves troubles intérieurs et la lente progression, depuis le sud, de populations non chrétiennes : les Oromos.

6.2. La côte orientale
La côte orientale fournit des produits – peau, ivoire – qui intéressent toute l'Asie, et des esclaves, dont beaucoup se sont retrouvés au ixe siècle en basse Mésopotamie. Là, ils ont participé à la grande révolte sociale d'esclaves de toutes origines ; cette révolte reste, dans l'histoire, associée au nom des Zandj – des bantouphones arrachés à l'Afrique. La langue bantoue sert, sur la côte, de base au kiswahili, qui emprunte aussi du vocabulaire au persan et à l'arabe.
Peu à peu apparaissent sur le vieux substrat africain des comptoirs musulmans volontairement séparés du contexte continental, à Muqdisho (Mogadiscio), à Mombasa, à Kilwa par exemple. L'islam qui s'y installe est différent par ses rites juridiques et son appartenance au chiisme, de celui, malékite et sunnite (sunnisme) qui s'impose à l'ouest du continent.
La navigation musulmane complète le long de cette côte celle des Africains et remplace celle, plus ancienne et restée mal connue, des Indiens et des Indonésiens. Mais ces comptoirs ont toujours des rapports difficiles avec les Zandj de l'intérieur.

6.3. Les « royaumes » et les « empires »
Séparées de l'Europe et de l'Asie par des terres qui s'islamisent et s'arabisent plus ou moins rapidement, des communautés africaines se sont organisées, que nous appelons – au gré de notre ethnocentrisme historique – empires ou royaumes.

L'empire du Ghana et Gao
Au sud de l'actuelle Mauritanie, l'empire du Ghana, dont les origines remontent probablement au Ier millénaire avant J.-C., développe, de la boucle du Sénégal à celle du Niger, son contrôle sur les routes qui apportent l'or du Sud et reçoit du Nord le sel qui a transité par le terminus méridional de la circulation transsaharienne : Aoudaghost.
Plus à l'est, Gao joue ce même rôle d'intermédiaire. Au nord de la ville, sur un emplacement d'habitations datant d'au moins deux millénaires, Tadamakka a la même fonction qu'Aoudaghost à l'ouest. Ghana et Gao ont, jusqu'au xie siècle, monopolisé le contrôle des échanges ; ils ne laissent guère les musulmans pénétrer vers le Sud qu'ils exploitent à leur profit.
La boucle du Sénégal connaît, au contraire, une islamisation plus rapide et, dès le xe siècle, peuples et souverains acceptent la venue des marchands du Nord.

Le Kanem et la Nubie
Au terme de la route du Tchad, un royaume, le Kanem, s'organise. Son souverain devient musulman à la fin du xie siècle ; faisant désormais partie du monde islamique, le Kanem entame des relations avec la Tripolitaine, la Tunisie et l'Égypte.
La Nubie, par les vallées déjà fréquentées quatre ou cinq millénaires plus tôt et qui descendent vers la cuvette tchadienne, établit des contacts avec l'Afrique centrale, réserve d'esclaves et de produits de bonne vente.

Bassin du Congo
Cependant, assez loin du contrôle musulman direct, au sud de l'équateur, dans la partie méridionale des pays bantouphones, la zone du Limpopo voit apparaître, à Mapungubwe, une société complexe, qui échange de plus en plus avec l'océan Indien et exploite l'or du plateau du Zimbabwe. L'émergence d'un pouvoir fort et riche conduit, après le xie siècle, au développement de grandes constructions de pierre, de l'océan Indien à l'Atlantique. Les plus remarquables, celles des maîtres du trafic de l'or et de l'ivoire, sont situées à Zimbabwe ; à dater du xe siècle au plus tard, l'or est exporté par Sufala, au Mozambique actuel, et probablement par beaucoup d'autres petits ports situés entre Kilwa et le Limpopo. Tout à fait au sud du continent, les Khoisans demeurent fidèles à la chasse et à la cueillette.
Vers le nord, dans le bassin du Congo, les cultures installées au millénaire précédent se développent. L'exploitation du cuivre du Shaba, en République démocratique du Congo (ex-Zaïre), et de la Zambie actuelle permet la circulation d'objets de parure et de lingots ; l'ornementation des tombes fait apparaître un certain enrichissement – tout relatif – de ces groupes. Les Tékés, au nord du fleuve Congo, exploitent probablement le cuivre de la vallée du Niari, et les Kongos s'organisent au nord et au sud de ce fleuve.

Ife et l'empire du Mali
Plus au nord-ouest, Ife, en relations économiques lointaines avec le Nord, l'Est et probablement l'Ouest, est à son apogée. De ce moment, datent les très grandes œuvres de la production artistique d'Ife réalisées en alliage cuivreux, en pierre ou en terre cuite. L'influence d'Ife a essaimé dans le monde yorouba, entraînant la création d'une vaste zone de nouveaux pouvoirs. Les hautes vallées du Niger, son delta intérieur et la zone des lacs ont été lentement regroupés sous l'hégémonie des Mandingues, qui ont aussi étendu leur domination vers l'Atlantique et, au sud, jusqu'à la forêt. Maîtres de la production d'or, de mines de cuivre, du commerce de la kola, produite au sud de leurs possessions, les mansas (« rois ») du Mali sont devenus, après leur héros fondateur Soundiata Keita, la puissance dominante de l'Afrique occidentale, repoussant loin vers le nord l'influence du Ghana comme celle des villes de la boucle du Sénégal. Cette puissance du Mali mandingue a duré jusqu'au xviie siècle.
Pour en savoir plus, voir l'article empire du Mali.

Les Almoravides
Au sud du fleuve Sénégal, l'islamisation progresse. Durant la seconde moitié du xie siècle, des groupes berbérophones de l'Afrique occidentale, auxquels se joignent des musulmans noirs, conquièrent un immense territoire, s'étendant du Sénégal à l'Èbre, dans la péninsule Ibérique : les Almoravides unissent ainsi les terres encore musulmanes d'Espagne au Sahel. Par la vallée du Sénégal, ils accèdent aux ressources en or plus directement que les marchands de l'époque antérieure ; vers l'est, leur influence se fait sentir aux xie et xiie siècles sur le Ghana et le Gao, et peut-être jusqu'au Tchad. Dans leur vaste domaine, où la circulation de l'or, des marchandises et des hommes s'est accélérée, ils ont imposé le sunnisme malékite.

Tekrour, Mossis
Au nord et au sud du Sénégal se développe le Tekrour. Dans la boucle du Niger, on assiste alors à l'implantation d'un islam plus militant qu'aux siècles antérieurs, moins prêt à tolérer une coexistence avec les populations non islamisées. Cette transformation profonde a certainement contribué à raidir l'attitude de refus de certaines populations noires, sauf lorsque leur souverain, comme au Mali, s'est converti ; elle a en tout état de cause provoqué des déplacements importants de populations noires vers le sud. Tout à fait à l'intérieur de la boucle du Niger s'opèrent aussi des mouvements de population; au Burkina Faso actuel émerge un pouvoir fort, structuré et appuyé sur des guerriers : les Mossis, dont l'histoire est continue depuis le xive siècle jusqu'à nos jours.

7. Le grand xive siècle africain
Moment d'équilibre rare dans le domaine des cultures noires, ce siècle a vu un incontestable développement économique accompagné vraisemblablement d'une forte croissance démographique. Pourtant, la multiplication des fléaux qui s'abattent sur les populations les oblige parfois à déserter les meilleures terres agricoles : trop proches de cours d'eau, celles-ci sont infestées, après les pluies, d'insectes vecteurs de maladies parasitaires mortelles (trypanosomiase ou maladie du sommeil, paludisme et onchocercose). Même si le Sahara protège encore l'Afrique noire de la peste ou du choléra, il ne faut pas oublier aussi les terribles ravages annuels imputables à la méningite ou à la rougeole ainsi qu'aux famines.

7.1. La démographie
Le dessèchement, qui s'est aggravé depuis plus d'un millénaire, se fait sentir sur les Africains. Ses effets peuvent se lire sur une carte démographique actuelle : au nord du 15e parallèle nord, les densités dépassent rarement 1 habitants par km2. Dans l'ouest du continent, la densité de la population n'augmente que dans les États côtiers du golfe du Bénin : c'est le cas au Nigeria actuel, où le long héritage historique, qui a suivi l'émergence de la culture de Nok, explique un peuplement aujourd'hui encore exceptionnel et les profondes atteintes à la forêt.
De même qu'autour du lac Victoria, au Rwanda et au Burundi actuels, demeurent des foyers de fort peuplement, loin des côtes. On en trouve encore dans l'ancien royaume du Kongo (Congo ex-Zaïre actuel, Congo, Angola), en Éthiopie centrale et dans quelques régions de la Zambie et du Zimbabwe actuels. Le taux de natalité très élevé s'explique en partie par la volonté de conserver un minimum de descendance, de compenser la forte mortalité infantile (le quart ou la moitié des enfants meurent avant l'adolescence), et par les effets de l'esclavage, qui soustrait aux sociétés africaines les hommes jeunes et productifs. Comme en témoignent plusieurs types de sources, le xive siècle est un siècle de répit et de développement pour nombre de cultures africaines.

7.2. Le Mali, puissance internationale
Ses mansas (« rois ») musulmans font au xive siècle des pèlerinages aux lieux saints de l'islam. L'un de ces pèlerinages, effectué en 1324 par le mansa Kankan Moussa, devient rapidement si célèbre en Méditerranée (il serait arrivé au Caire avec environ dix tonnes d'or) que la trace figurée du Rex Melli (« roi du Mali ») apparaît dans les cartes et atlas européens du dernier quart du siècle.
Le Mali diversifie son commerce avec le Nord – vers le Maroc et la Tunisie actuels et l'Égypte –, de façon à rendre plus avantageux qu'auparavant l'échange des produits du Sud contre ceux du Nord. Ce trafic va engendrer la prolifération des maisons de commerce au nord et au sud du désert. Diplomatiquement mieux placé que ses prédécesseurs, le mansa du Mali tient une place croissante dans les relations internationales. Il est à la fois riche d'une production agricole – dispersée mais régulière – de l'or, ainsi que de plusieurs zones d'extraction du cuivre.

7.3. Monnaies et intensification du commerce
C'est en effet à cette époque que des signes monétaires de cuivre, de types et de grandeurs divers, servent dans l'espace malien et sahélien aux échanges commerciaux ; les sources écrites en parlent, l'archéologie en a retrouvé les preuves.
C'est aussi à ce moment que se développe le commerce, qui connaîtra une véritable explosion dans les zones côtières à l'époque portugaise, des cauris, ces coquillages venus de l'océan Indien, qui servent de parure et qui deviennent au xixe siècle un instrument de capitalisation monétaire. On peut estimer que, dans l'Afrique du xive siècle, de nombreuses régions sont ainsi en cours de monétarisation.
De la même manière, le Kanem joue un rôle international croissant. Outre son rôle d'intermédiaire entre les pays situés au sud du Tchad et les musulmans d'Égypte, il diversifie ses relations diplomatiques et commerciales, en gardant le contact avec la Tripolitaine et en s'ouvrant vers la Tunisie hafside. Peut-être le développement des relations économiques d'Ife, puis du Bénin, les relie-t-il, en partie à travers les terres de l'ancienne culture de Nok, à ce réseau tchadien ; mais aussi au Sahel occidental. Sans doute faudra-t-il bientôt y ajouter des liens avec la cuvette du Congo (Zaïre) et le royaume du Kongo. Ce dernier, avant tout contact avec les Européens, est politiquement et socialement structuré ; probablement y use-t-on déjà aussi comme monnaies, et sous contrôle du souverain, de coquillages pêchés dans la baie de Luanda. Au Shaba, dans le sud du Congo (ex-Zaïre), la circulation d'une monnaie sous forme de croisettes de cuivre date de cette époque ; elle durera plusieurs siècles.
Si la côte orientale voit le développement de comptoirs musulmans de plus en plus riches – Kilwa frappe des monnaies –, des trafics et des échanges existent aussi avec l'intérieur : au sud du lac Victoria, le commerce du sel à longue distance, par exemple.
Au sud, le xive siècle marque l'apogée de Zimbabwe, qui contrôle un vaste territoire producteur d'or : l'ouverture de l'éventail social se lit aujourd'hui encore dans le contraste entre les monuments de pierre et les pauvres demeures des cultivateurs et des éleveurs. Le maître des mines s'enrichit : les produits importés à sa demande le prouvent.
À Madagascar, les fouilles archéologiques révèlent que les grandes collines du centre de l'île commencent à être occupées par des personnages importants, qui dominent les éleveurs et les riziculteurs des vallées et des versants. La seule modification forte de l'équilibre interrégional et interreligieux en Afrique est le fait des mamelouks d'Égypte, qui conquièrent toute la partie chrétienne de la Nubie jusqu'à la grande boucle du Nil.
L'entrée de l'Afrique noire dans le jeu actif des relations internationales va se prolonger jusqu'aux conquêtes coloniales. Dans un premier temps, les partenaires sont les pays de l'islam, dont le Maroc, mais aussi, après le milieu du xve siècle, l'Empire ottoman ; ce dernier apparaît comme un contrepoids au long monopole des Maghrébins dans les rapports avec l'Afrique. Dans un deuxième temps, l'encerclement par la mer du continent – par les Portugais d'abord, puis par leurs rivaux européens – crée, à partir du xvie siècle, de nouveaux réseaux de relations internationales, beaucoup plus inégalitaires qu'auparavant. Ces nouveaux réseaux engendrent souvent des pouvoirs côtiers, rivaux heureux de ceux plus anciens de l'intérieur du pays, et qui deviennent, dans les échanges de toute nature, les partenaires – parfois même les complices – des Européens.

8. L'impact de la traite des esclaves
8.1. La traite arabe

Il ne s'agit pas, lorsqu'on insiste sur les formes prises par la traite européenne à partir du xvie siècle, de minimiser la ponction multiséculaire qu'a opérée le monde musulman en Afrique : grâce aux sources en langue arabe, on peut l'estimer de 2 000 à 3 000 individus chaque année, au moins entre le viiie et le xvie siècle. On aboutit, globalement, au départ d'Afrique vers le nord, l'est, l'océan Indien et l'Asie de plusieurs millions de personnes. La quête d'esclaves noirs s'est même intensifiée aux xive et xve siècles – certains d'entre eux sont revendus, à Tripoli, au monde chrétien de la Méditerranée occidental –, et s'est encore amplifiée à partir du xvie siècle, du moins de la part de pays comme l'Égypte ou le sultanat de Zanzibar.
La traite a provoqué le repli des peuples les plus menacés vers les montagnes ou les lacs, ou bien une organisation plus défensive de sociétés plus nombreuses et mieux structurées. D'autres réactions ont certainement caractérisé la défense des peuples

 

 
 
 
 

AFRIQUE NOIRE

 

AFRIQUE  NOIRE

 

PLAN
        *         AFRIQUE NOIRE
        *         1. Le cheminement d'une notion
        *         1.1. Avant notre ère : une vision globalisante
        *         1.2. Mondes christianisés et islamisés, et mondes païens
        *         1.3. Une notion idéologique commode
        *         2. Les origines et leur importance
        *         3. Les racines (entre 10 000 et 5 000 avant J.-C.)
        *         3.1. Quelques zones d'occupation
        *         4. Le morcellement (entre 5 000 avant J.-C. et le début de notre ère)
        *         4.1. La domestication des plantes et des animaux
        *         4.2. Des changements significatifs
        *         Les métaux
        *         4.5. L'émergence des cultures
        *         Un long isolement
        *         L'axe nilotique
        *         5. Sociétés, villes et pouvoirs (Ier millénaire après J.-C.)
        *         5.1. L'apparition du christianisme
        *         5.2. Aksoum
        *         5.3. Les côtes orientales et Madagascar
        *         5.4. L'intérieur de l'Afrique
        *         De possibles migrations de peuples
        *         Boucle du Limpopo, vallées du Congo
        *         5.5. Au nord de la forêt équatoriale
        *         Nok, Ife et Saos
        *         Djenné, empire du Ghana, Gao
        *         Émergence de pouvoirs forts
        *         6. L'apparition de l'islam (à partir du viie siècle)
        *         6.1. Le Nord, l'Est et l'Éthiopie
        *         6.2. La côte orientale
        *         6.3. Les « royaumes » et les « empires »
        *         L'empire du Ghana et Gao
        *         Le Kanem et la Nubie
        *         Bassin du Congo
        *         Ife et l'empire du Mali
        *         Les Almoravides
        *         Tekrour, Mossis
        *         7. Le grand xive siècle africain
        *         7.1. La démographie
        *         7.2. Le Mali, puissance internationale
        *         7.3. Monnaies et intensification du commerce
        *         8. L'impact de la traite des esclaves
        *         8.1. La traite arabe
        *         8.2. La traite européenne
        *         9. Les commotions musulmanes (xviiie-xixe siècle)
        *         9.1. L'expansion de l'islam
        *         9.2. Les « révolutions islamiques »
        *         9.3. Résistances et tentatives de renforcement d'États
        *         10. Les sociétés africaines face au pouvoir colonial
        *         10.1. Le partage colonial (1880-1945)
        *         10.2. L'économie coloniale
        *         10.3. Les résistances
        *         11. Les indépendances (1960-1980)
        *         11.1. Les frontières
        *         11.2. La démographie
        *         11.3. Les nouveaux défis : démocratie et « bonne gouvernance » (1980-)

Afrique noire

Cet article fait partie du dossier consacré à l'Afrique.
Ensemble des pays africains situés au S. du Sahara.
Avant la désertification de la zone saharienne, il y a un peu plus de deux millénaires, parler d'Afrique noire n'a guère de sens, tellement les cultures du nord du continent sont parentes, imbriquées à celles qui se développent au sud du Sahara. Le grand dessèchement sépare, plus radicalement qu'auparavant, une Afrique septentrionale, profondément islamisée depuis treize siècles, d'une Afrique qui s'étend du golfe du Bénin aux plateaux du Karroo.

1. Le cheminement d'une notion

1.1. Avant notre ère : une vision globalisante
Avant notre ère, les échanges de populations et de cultures sont forts entre les deux zones, même si des particularités remarquables, dans le rapport à l'environnement, apparaissent déjà en Afrique intertropicale. Ces particularités ont été accentuées par le désert, l'islamisation et la colonisation européenne ; elles n'ont pas effacé certains traits d'unité anciens ; il convient de ne jamais l'oublier quand on parle de l'Afrique noire.
Les Grecs anciens savaient qu'en Afrique vivaient des peuples « différents », tant par leurs habitudes alimentaires que par la couleur de leur peau : ils les avaient nommés Éthiopiens, « faces brûlées [par le soleil] ». Reprenant souvent des supposés géographiques grecs ou latins, les écrivains de langue arabe ont considéré que, « vers le sud » des territoires où l'islam était installé, vivaient d'innombrables peuples sudan (« noirs », Bilad al-Sudan : « Pays des Noirs »).

1.2. Mondes christianisés et islamisés, et mondes païens
Quant aux Européens, reprenant cette vision globalisante, ils parlent d'une « Afrique des Noirs ». Dans la seconde moitié du xve siècle, les chroniques de Zurara relatent comment les Portugais découvrent avec stupéfaction sur les côtes d'Afrique la diversité des populations non musulmanes, avec lesquelles ils n'avaient guère eu, jusque-là, de contacts. Ces « Maures noirs », « disgraciés de visage et de corps », ne parlent pas l'arabe, mais, au fur et à mesure que l'on progresse vers le sud, des langues de plus en plus diverses : ainsi naît la légende tenace de la mosaïque linguistique du « Pays des Noirs ».
Une frontière culturelle apparaît aux xive et xve siècles entre peuples de la « civilisation et des manières raisonnables de vivre » – les mondes christianisés et islamisés, même s'ils sont antagonistes – et peuples du Sud, attachés à leur « paganisme » et noyés dans leur fragmentation linguistique.

1.3. Une notion idéologique commode
L'archéologie a apporté la preuve que c'est en Afrique orientale que l'homme est apparu. Comment établir une frontière entre Afrique blanche et Afrique noire ? Comment classer les Garamantes de l'époque romaine ou les Éthiopiens d'Aksoum – qui ne se reconnaissent pas comme étant totalement noirs et se distinguent des Oromos, les peuples de la corne de l'Afrique, ainsi que de ceux de la vallée du Nil – sinon en recourant à des critères culturels, religieux et sociaux arbitraires ? Le terme d'Afrique noire ne recouvre donc pas un concept, fût-il racial – on trouve des Noirs bien au-delà du 20e parallèle nord – il renvoie le plus souvent à une notion idéologique commode : il a souvent justifié la colonisation du continent.

2. Les origines et leur importance

À l'est du Rift – la grande fracture qui traverse l'Afrique de la mer Rouge au lac Malawi –, plusieurs lignées, qui annonçaient l'homme actuel, ont coexisté et se sont succédé depuis 4 millions d'années. Nous sommes encore assez peu capables de restituer avec précision et certitude la vie de ces groupes qui se sont multipliés lentement, trouvant dans la chasse, la pêche et la cueillette les éléments d'une alimentation suffisante. On sait néanmoins, grâce à leurs traces retrouvées par les archéologues, que la bipédie remonte à 3 millions d'années, que la vie en groupes solidaires existe depuis au moins 1,5 million d'années et que le feu a été domestiqué voici 600 000 à 500 000 ans ; par ailleurs, les outils de pierre, d'os ou de bois ont été progressivement transformés en fonction de leurs besoins.
Les paléontologues, aujourd'hui, voient généralement dans l'Afrique intertropicale la souche première du peuplement de tout l'Ancien Monde : des hommes ont, à plusieurs reprises, quitté l'Afrique, en particulier pour se diriger vers le nord, peuplant lentement l'Asie et l'Europe. L'une des dernières grandes crises climatiques qui affecta l'Afrique se produisit entre 30 000 et 20 000 avant J.-C. Elle correspond à la dernière grande glaciation dans l'hémisphère Nord, qui entraîna une baisse importante du niveau des mers. Sur le continent africain, cela se traduisit par une phase humide, suivie entre 20 000 et 10 000 avant J.-C. par une phase d'extrême aridité. Cette longue période difficile a vraisemblablement divisé le continent en zones refuges (étendues d'eau et vallées notamment), où le gibier et les hommes se sont regroupés, et en zones abandonnées : déserts du Nord et du Sud, et forêt inhospitalière.

3. Les racines (entre 10 000 et 5 000 avant J.-C.)
Un nouveau changement climatique se produit vers 8 000 avant J.-C. : les précipitations redeviennent plus importantes sur l'Afrique, même si elles restent soumises à l'alternance saison sèche/saison humide. Le retour de l'eau se traduit par une remontée, parfois spectaculaire (plus de 100 m) du niveau des lacs, des mers et des cours d'eau. La forêt regagne des territoires perdus à l'époque précédente, mais l'homme la connaît mieux et parvient à y survivre dans les zones moins denses.

3.1. Quelques zones d'occupation
Les nombreuses recherches effectuées par les archéologues depuis les années 1960 ont permis de mettre en évidence différentes zones d'occupation humaine.
Les crues énormes dans les grandes rigoles du Nil, du Niger, du Zambèze et de cours d'eau moins importants interdisent à l'homme de s'installer dans les vallées. Il lui faut s'établir à une distance de l'eau qui lui permet d'échapper au danger: pour cela, il observe la périodicité des crues et en repère les niveaux maximaux. Avec l'eau, revient l'abondance du bétail et celle du poisson d'eau douce, forte ressource alimentaire des Africains. Partout où existent des cours et des étendues d'eau, du Sahara occidental au Nil et aux lacs de l'Afrique orientale, la pêche, qui laisse d'importantes traces matérielles (hameçons, harpons, restes alimentaires), reprend avec vigueur. Des groupes se sédentarisent, du moins momentanément, en particulier autour du lac Victoria et de Khartoum. Plus au sud, en Afrique orientale et méridionale, à l'exception des côtes méridionales, la chasse et la cueillette l'emportent sur la pêche: une abondante industrie microlithique va, durant des milliers d'années, prolonger l'existence, aisée semble-t-il, de ces chasseurs-cueilleurs. L'homme a également laissé des traces de son passage entre le Zambèze et la République démocratique du Congo, par exemple en Namibie.
Un autre ensemble humain se dessine autour du lac Tchad, beaucoup plus étendu qu'aujourd'hui et qui reçoit des affluents à la fois du nord-ouest et du sud-est. Une zone importante de concentration de populations est la vallée de la Bénoué, grand affluent du Niger et véritable corridor entre celui-ci et le lac Tchad. C'est dans le sud du Nigeria, à Iwo Eleru, que le plus ancien squelette d'Homo sapiens sapiens noir actuellement connu a été retrouvé. Beaucoup d'indices laissent à penser qu'une large bande de terre, de la Guinée au Tchad et au Cameroun, a peu à peu vu naître, en région de forêt domestiquée ou périforestière, les premiers éléments de ce qu'il est convenu d'appeler globalement, par manque d'éléments, la « civilisation bantoue ».
Hormis les zones « lacustres » du Sahara, l'Afrique occidentale a livré peu de traces d'occupation humaine ; l'état des recherches, dans les régions situées autour de la vallée du Sénégal et surtout du delta intérieur du Niger, ne permet pas de se prononcer sur l'importance de leur occupation. En revanche, un secteur centre-saharien, encadré par l'Adrar des Iforas, le Hoggar et l'Aïr, est en pleine occupation dynamique : un drainage important, par la grande vallée de l'Azaouagh emporte les eaux jusqu'au Niger. Nous avons les preuves que les populations proches de l'Aïr fabriquaient déjà des poteries vers 7 500 avant J.-C. et broyaient des grains avec des meules de pierre. Étaient-ils noirs ? Étaient-ils méditerranéens ? Quoi qu'il en soit, ils ont peu de traits communs avec leurs voisins du Nord, vivant dans la Tunisie actuelle, mangeurs d'escargots. Ce foyer du Hoggar, dont l'influence s'étend vers l'est jusqu'au Tibesti, va se développer pendant la période suivante.
Autour des points d'eau importants de la rive gauche du Nil se rassemblent des groupes humains qui n'osent pas encore occuper la vallée elle-même; vers 6 000 avant J.-C., certains de ces groupes ont commencé à domestiquer des animaux. De l'Égypte et de la civilisation égyptienne, il n'est encore guère question, à l'exception peut-être de quelques stations de cultivateurs au sud du delta, plus ou moins rattachés aux cultures proche-orientales en émergence vers 7 000-6 000 avant J.-C.

4. Le morcellement (entre 5 000 avant J.-C. et le début de notre ère)
Sans doute est-ce durant ces cinq millénaires qu'on peut – avec beaucoup de prudence toutefois – distinguer plusieurs Afriques, dont les évolutions vont se poursuivre jusqu'au xxe siècle.
Durant cette période, l'humidité demeure, mais elle décroît plus ou moins régulièrement : le Sahara redevient moins hospitalier ; les fleuves moins alimentés sont plus contrôlables ; le niveau des lacs baisse ; le nombre des étangs de quelques mètres de profondeur, qui durant les millénaires précédents avaient favorisé une certaine dispersion des groupes humains, diminue.
L'homme doit dès lors, plus ou moins lentement, adapter son mode de vie aux contraintes de l'environnement, le plus souvent par la domestication des plantes et des animaux de son choix : ainsi, au sud du lac Victoria, l'agriculture et l'élevage ne sont adoptés qu'au début de notre ère. Mais, partout où la situation n'est pas encore dramatique – plus particulièrement en Afrique orientale et méridionale, où l'altitude maintient longtemps une prairie porteuse de gros gibier –, il conserve encore ses habitudes de chasse et de cueillette. Par ses industries sur pierre, par ses contacts maritimes avec le reste de la Méditerranée, le nord du continent appartient aux pays du blé, de l'orge, de l'olivier, de la vigne, ainsi que de l'élevage du mouton, de la chèvre, puis du bœuf. Encore faut-il introduire dans ce tableau des nuances.

4.1. La domestication des plantes et des animaux
Sur la rive gauche du Nil, dans les oasis qui longent le fleuve, l'élevage du buf remonte à environ 7 000 ans, et l'adoption de la culture du blé et de l'orge à environ 6 000 ; à cette même époque des agglomérations organisées autour des puits apparaissent. L'agriculture n'est développée pleinement dans la vallée (dont la connaissance des crues n'est pas maîtrisée) que vers 4 000 avant J.-C. Le blé, l'orge gagnent un peu vers le sud, mais se heurtent au niveau de la 2e cataracte à des obstacles physiques et climatiques; ils pénètrent par l'Atbara en direction de l'Érythrée et du nord de l'Éthiopie, mais y rencontrent vers 2 000 avant J.-C. la domestication de plantes spontanées, le tef (une céréale du genre Eragrostis), l'ensette (une plante voisine du bananier, dont les graines et le bulbe fournissent une pâte nourissante), qui vont limiter l'expansion des cultures méditerranéennes.
Vers l'ouest de l'Afrique septentrionale, ces cultures et les élevages s'étendent aussi lentement, sans qu'on connaisse encore exactement les dates et les formes de cette transformation.
Entre le Nil moyen et le Hoggar, un ou plusieurs foyers de domestication des bovidés s'épanouissent, autour de 5 000 avant J.-C. Cet élevage, avec celui du mouton et de la chèvre, se répand vers le sud, dans toutes les directions, très lentement, surtout lorsque les étangs et les mares s'assèchent, obligeant les groupes humains à modifier progressivement leurs habitudes alimentaires. Les pasteurs de ces bufs se représentent eux-mêmes comme des Noirs sur les peintures rupestres. L'arrivée des zébus vers 1 000 avant J.-C. apporte une amélioration à cet élevage : ce bovin résiste mieux à la sécheresse et à la mouche tsé-tsé que les races précédemment domestiquées. En l'espace de deux millénaires, le zébu envahit le continent et passe à Madagascar.
Dans la zone sahélienne, des groupes qui vivent encore de chasse, de cueillette et de pêche coexistent avec ceux qui domestiquent peu à peu certaines plantes, notamment les mils et les sorghos, d'ouest en est, au sud des 15e et 14e parallèles nord ; ces céréales gagnent, entre 1 000 avant J.-C. et 1 000 après J.-C., l'ensemble du continent, en contournant la forêt par l'est. Dans l'Afrique orientale et méridionale, où il est difficile d'attribuer à tel ou tel peuple l'avancée de telle ou telle plante, l'adoption de l'élevage se fait à des dates différentes: vers le début du Ier millénaire après J.-C., plantes et animaux venus du nord ont atteint la côte méridionale du continent.
Dans le delta intérieur du Niger, c'est, selon toute vraisemblance, à partir du IIe millénaire avant J.-C. que s'opère la domestication d'un riz africain dont la culture s'étend vers l'ouest et le sud-ouest jusqu'à la côte atlantique.
De la Côte-d'Ivoire au Congo actuels, la domestication du palmier à huile et des nombreuses variétés d'ignames prend un tel essor que des villages se créent aux IIIe et IIe millénaires avant J.-C., comme les recherches archéologiques l'ont mis en évidence. Les pays de l'igname sacralisent les récoltes aujourd'hui encore. Il en va de même pour le sorgho ou l'éleusine en Afrique orientale.
Enfin, au sud du tropique du Cancer, un profond changement culturel s'opère au fur et à mesure que les hommes abandonnent chasse et cueillette et qu'ils se sédentarisent, adoptant, selon les cas, l'élevage ou l'agriculture.

4.2. Des changements significatifs
Si l'on n'est pas en mesure d'attribuer tel ou tel choix de domestication à tel ou tel groupe africain, on commence cependant à discerner des enracinements et des continuités. Dans la vallée du Nil se développe, depuis 5 000 avant J.-C., la brillante culture de Nagada ; elle est à l'origine de l'organisation pharaonique de la Haute-Égypte. Plus au sud, les pêcheurs de la région de Khartoum maîtrisent la navigation sur le Nil. Entre ces deux groupes, le désert va accroître les divergences en isolant, mais sans jamais les séparer totalement, la culture égyptienne pharaonique, au nord de la 2e cataracte, et les cultures noires au sud de la 3e. Au dernier millénaire avant J.-C. émerge une culture éthiopienne du Nord qui doit beaucoup aux influences nilotiques mais aussi à celles de l'Arabie méridionale et de l'Afrique, et qui débouche sur la culture aksoumite.
Les fouilles archéologiques révèlent, dans le delta intérieur du Niger, un grand nombre de traces d'occupation humaine entre le Ier millénaire avant J.-C. et le Ier millénaire de notre ère ; on a en particulier dégagé partiellement l'ancienne ville de Djenné, remontant au iie s. avant J.-C. et qui, dès cette époque, pratique des échanges à moyenne distance.

Les métaux
Le travail des métaux marque aussi, à la fin du IIe millénaire et durant la première moitié du Ier millénaire, un changement qualitatif important dans la vie des Africains.
Le cuivre est exploité en Mauritanie, au Niger, dans la région de la Nubie, en Zambie et au Congo actuels, pour la fabrication d'outils fragiles et d'objets de parure. Presque simultanément, parfois antérieurement à l'utilisation du cuivre, la métallurgie du fer par réduction directe se développe au Cameroun (région de Yaoundé) et au Niger (dans le Ténéré) à la fin du IIe ou au début du Ier millénaire avant J.-C. Méroé, capitale au vie s. avant J.-C. du royaume de Koush sur le Nil, a été pendant longtemps tenue pour un maillon essentiel dans la diffusion des techniques métallurgiques. On sait aujourd'hui qu'il n'en est rien: la partie septentrionale de la zone intertropicale, entre le tropique du Cancer et l'équateur, apparaît comme l'une des plus anciennes aires de réduction du fer. Nok, sur le plateau de Jos-Bauchi, au Nigeria, où déjà existent des traces d'activité humaine datant de la période antérieure, illustre bien ces transformations. Culture du fer, Nok a laissé aussi d'abondants vestiges, parmi les plus anciens, de la statuaire en terre cuite.

4.5. L'émergence des cultures
À la fin de cette longue période, qui voit à nouveau la sécheresse désoler les régions proches du tropique, se mettent en place les bases matérielles d'où émergent les cultures mieux connues des époques suivantes. Les plantes domestiquées sont nombreuses, même si parfois leur rendement calorique est faible ; ainsi s'établit progressivement une agriculture originale, fondée sur un système d'occupation de l'espace centré sur le village, économe d'eau et de bois. Ce système allait suffire, pendant les millénaires suivants, grâce à sa souplesse et sauf catastrophes régionales, comme support aux regroupements politiques et à la croissance démographique. Chaque groupe, dans une niche particulière, adopte telle plante de base ou telle association de plantes pour construire durablement son régime alimentaire désormais stable sur la longue durée.
Ces régimes, du moins dans les régions où le dessèchement ne ruine pas toute chance de survie, sont beaucoup moins déséquilibrés sur le plan de la diététique qu'on ne le dit souvent. Leur permanence s'explique dès lors clairement : actuellement encore, les ressources végétales assurent aux Africains près de 80 % de leurs besoins en protéines. Cependant, sauf contraintes climatiques, ces paysannats n'ont pas été hostiles à l'introduction de plantes venues d'autres régions du monde. Elles ont été vite adoptées lorsque leur rendement était supérieur à celui des plantes indigènes. Avant l'arrivée des plantes américaines au xvie siècle, l'Asie a fourni, par exemple, bananiers, cocotiers, manguiers, myrbolaniers, aujourd'hui si intégrés au paysage qu'on les croit africains.

Un long isolement
L'influence des colonisations du nord du continent est demeurée faible à l'intérieur de l'Afrique : Phéniciens, Carthaginois, Grecs, Romains, Vandales, Byzantins n'ont pas poussé vers le sud les limites du blé, de la vigne ou de l'olivier. Ils n'ont pas davantage imprimé leur marque par l'implantation de villes organisées. Ces peuples consommateurs de blé, d'huile, de raisin ont considéré comme anormaux ceux qui ne mangeaient pas ces produits et les ont souvent nommés par une caractéristique alimentaire supposée dominante chez ces « barbares ».
Ce n'est qu'à propos de la fin du Ier millénaire avant J.-C. que l'on peut commencer à parler d'une Afrique noire ; encore que celle-ci ne soit fermée à aucun contact, sauf peut-être au nord, où se creuse le fossé saharien. L'apparition massive du dromadaire au Sahara occidental rompt un peu cet isolement, accentué au fil des millénaires, et permet aux Berbères de repeupler très ponctuellement le désert, remplaçant les derniers pasteurs noirs en migration vers le sud – dans lesquels on veut parfois reconnaître les ancêtres des Peuls.

L'axe nilotique
Les massifs de Libye, l'axe qui joint la Tripolitaine au Tchad et, surtout, l'axe du Nil n'ont pas connu la même évolution : l'eau n'y manque pas au même degré que dans le Sahara occidental. L'axe nilotique est, comme celui de la mer Rouge, essentiel pour la culture pharaonique. Même si les Égyptiens ne s'aventurent guère au sud de la 3e cataracte, en Nubie, ils ont tiré de celle-ci de grandes quantités d'or, et ce jusqu'au xiie siècle après J.-C. ; ils en ont aussi tiré le granit pour leurs obélisques, et surtout une main-d'œuvre militaire importante : des archers pour l'armée pharaonique puis des esclaves pour les maîtres grecs d'Alexandrie, et beaucoup plus tard des guerriers noirs dont l'influence et le nombre ont été considérables dans l'Égypte des xe et xiie siècles.
Au viie siècle avant J.-C., le lien entre les segments du Nil, de plus en plus séparés par le désert entre les 2e et 3e cataractes, a même été concrétisé par la présence d'une dynastie pharaonique nubienne dont le pouvoir s'étendit du delta à la grande boucle du Nil.
Dans le nord-est du continent, la circulation des personnes et des biens est demeurée constante, malgré le dessèchement, jusqu'à notre ère ; il est dès lors très difficile de discerner une frontière entre une Afrique noire et une Afrique non noire.
Cette période de 5 000 ans constitue, autant que dans d'autres régions du monde, l'assise de tout ce qui va suivre.

5. Sociétés, villes et pouvoirs (Ier millénaire après J.-C.)

5.1. L'apparition du christianisme
L'axe nilotique et la mer Rouge jouent un grand rôle à partir du ive siècle. La christianisation passe par eux. Orthodoxe ou non, elle gagne la Nubie, où, au viie siècle, existent des évêchés et de nombreuses églises ; Dongola, près de la boucle du Nil, est la capitale politique et religieuse de cette Nubie christianisée. Plus au sud, le christianisme a pénétré, à peu près au même moment, jusqu'à Soba, autre capitale proche de Khartoum.
Ces pays christianisés connaissent une hiérarchisation des pouvoirs, et l'on parle de « rois » à leur tête. Enrichis par la recherche d'esclaves (vers le Tchad et vers le sud) dont la vente constitue un élément important, ils renforcent, jusqu'au xiiie siècle, l'aspect monumental de leurs villes, notamment par la construction de grands édifices religieux, parfois ornés de peintures somptueuses (à l'exemple de la cathédrale de Faras).

5.2. Aksoum
Au nord-ouest de l'Éthiopie, non loin de la mer, a grandi, depuis le ier siècle de notre ère, une culture qui a laissé des traces nombreuses (comme sur le site de Yeha) et qui va s'organiser autour d'un pouvoir centralisateur à Aksoum. Christianisé vers le ive siècle, le royaume d'Aksoum participe, grâce à Adulis, son port sur la mer Rouge, au trafic international ; les Byzantins s'intéressent vivement à ce point d'appui, lentement détourné de ses relations avec l'intérieur de l'Afrique (dont la Nubie) au profit des contacts avec la péninsule Arabique et du trafic maritime vers l'Asie.
Aux ve et vie siècles, Aksoum joue un rôle commercial important : on y frappe l'or. Cette zone nord de l'actuelle Éthiopie entretient avec la péninsule Arabique des relations commerciales, linguistiques et militaires qui vont se poursuivre après l'apparition de l'islam : des Éthiopiens se trouvent à La Mecque, où ils connaissent des conditions sociales diverses, et le premier muezzin choisi par le Prophète était un Éthiopien.

5.3. Les côtes orientales et Madagascar
On connaît mal, pour ce millénaire, la situation de la côte de l'Afrique orientale et de Madagascar. Des indices de présence de groupes humains ont partout été relevés par les archéologues. Sur la côte est, vivent des communautés de pêcheurs fabriquant des poteries, peut-être déjà en contact avec l'Insulinde, d'où viendraient des navires et des pirogues à balancier ; en tout cas, cette côte fournit déjà des esclaves, que l'on retrouve en Chine, en Perse sassanide, en Mésopotamie.
À Madagascar, des communautés côtières paraissent exploiter, sinon cultiver, certaines épices ; peut-être n'ont-elles pas encore pénétré loin dans l'intérieur de l'île, qui présente déjà l'aspect d'une savane arborée, sauf dans la partie orientale où s'étend une grande forêt. La navigation dans l'ouest de l'océan Indien et le long des côtes d'Afrique est certaine, depuis l'époque romaine au moins, mais on en sait peu de chose. Cette côte est en contact étroit avec l'intérieur du continent qui lui fournit, à partir des réserves exceptionnelles d'animaux sauvages qu'elle recèle, cornes de rhinocéros, défenses d'éléphants et peaux de panthères ou de léopards, très demandées par les visiteurs venus par mer et par ceux du Nord nilotique.

5.4. L'intérieur de l'Afrique
De possibles migrations de peuples
À l'intérieur de l'Afrique équatoriale, entre l'Atlantique et l'océan Indien, il s'est produit, vraisemblablement depuis le Ier millénaire avant J.-C., un changement important dont les origines, la chronologie, les modalités et l'ampleur sont loin de faire l'unanimité chez les chercheurs. Ce changement concerne de possibles migrations de peuples ayant en commun une souche linguistique, appelée par convention le proto-bantou, et qui a donné naissance à des langues très différenciées parlées aujourd'hui par les bantouphones. Ces peuples, au cours de leurs « migrations », auraient apporté avec eux l'agriculture et la métallurgie du fer jusque dans l'est et le sud du continent, qui ne les connaissaient pas encore.
Un fait est sûrement établi : à la fin du Ier millénaire après J.-C., ces peuples occupent tout le centre et le sud du continent, à l'exception d'un fragment du Sud-Ouest où dominent les Khoisans, dont les langues à clics sont différentes des langues bantoues (→  khoizan). Par-delà toute controverse sur leur rôle culturel, ces peuples constituent la souche des principaux groupes connus depuis, jusqu'au sud du continent, sous des noms divers. Par ailleurs, on voit se multiplier les villages sédentaires dans toute la région bantouphone.

Boucle du Limpopo, vallées du Congo
Dans la boucle du Limpopo et dans la région du Katanga (ex-Shaba) dans le Congo (ex-Zaïre méridional), les chercheurs ont identifié des groupes importants dont l'évolution commence à la fin du Ier millénaire après J.-C. Ce sont des chasseurs d'éléphants, producteurs de fer et éleveurs de bœufs, qui vont former, en trois ou quatre siècles, une société hiérarchisée où le pouvoir s'isole, physiquement, de plus en plus du reste de la population. Il est probable que ces populations sont en rapport avec l'Inde, qui importe du fer africain.
Quant aux hautes vallées du Congo (ex-Zaïre), elles abritent, au même moment, des peuples pêcheurs, par ailleurs gros producteurs de poterie et utilisateurs de cuivre. Il s'agit peut-être des ancêtres des Loubas. La zone forestière, où se trouvent aujourd'hui le Cameroun, le Gabon, le Congo et la République démocratique du Congo, abrite, pendant ce millénaire, une population encore assez mal identifiable. On suppose que les bases de la culture téké et de l'ensemble kongo se construisent alors. L'archéologie, en tout cas, montre de mieux en mieux la continuité de l'occupation de cette région.

5.5. Au nord de la forêt équatoriale
Nok, Ife et Saos
Plus au nord, les émergences sont déjà beaucoup mieux connues. Nok (au centre de l'actuel Nigeria) poursuit jusque vers le milieu du millénaire sa production culturelle ; au sud-ouest de la zone du Bauchi, la région d'Ife connaît, à partir du vie s., une multiplication des villages, parfois au détriment de la forêt, et sert d'intermédiaire commercial entre le Nord et la côte. Un pouvoir fort s'y met en place, et les premiers signes d'une production culturelle – habitat, statuaire en terre cuite et utilisation d'alliages cuivreux – apparaissent vers le xe siècle.
Le dessèchement et, peut-être, les raids esclavagistes déterminent le repli de populations qui vont s'implanter dans la cuvette du Tchad et se développer au plus tard à partir du ve siècle. Par manque de données historiques incontestables, on les nomme encore très provisoirement Saos ; elles vivent largement de chasse, de pêche et de cueillette.

Djenné, empire du Ghana, Gao

Dans le delta intérieur du Niger, des vestiges d'une dense occupation humaine dès le début du Ier millénaire sont aujourd'hui bien situés et reconnus. La ville de Djenné-Djenno, à l'abri d'une enceinte de brique crue, atteint avant le viie siècle son apogée. Avec le Nord, elle échange probablement du cuivre, avec le Sud du fer ; elle vend du riz et peut-être du poisson séché. Même si l'on connaît très mal la production des champs aurifères du haut Sénégal ou de l'actuelle Guinée, il faut rappeler que cette Afrique au sud du Sahara a la réputation, dès le ve siècle avant J.-C., d'être la « terre de l'or ». Sans doute, sans être encore considérable, la production de ce métal alimente, en partie, des traversées sahariennes.
Deux pouvoirs s'imposent, l'un à l'ouest, l'empire du Ghana, l'autre plus à l'est, Gao, comme intermédiaires entre les demandes d'or du Nord et les producteurs qui, beaucoup plus au sud, n'ont jamais été contrôlés ni par l'empire du Ghana ni par Gao.

Émergence de pouvoirs forts
Dans tous les cas qui viennent d'être évoqués, les villages agricoles ou les enclos d'élevage constituent, selon les régions, la base de l'organisation sociale et économique. Des pouvoirs à fort caractère religieux, chargés d'organiser les chasses, de prévoir les cérémonies nécessaires à la bonne production de la terre, de gérer les échanges de bétail et de produits alimentaires, y dominent : ils réclament, de la part de ceux qui les exercent, une connaissance approfondie du fonctionnement de l'environnement. Peu à peu, aussi, en raison de la forte division du travail entre agriculteurs et producteurs de fer, des pouvoirs plus forts s'imposent aux groupes plus importants : c'est le cas à Ife, à Ghana, à Gao. On désigne ces pouvoirs par le terme de « royauté ».

6. L'apparition de l'islam (à partir du viie siècle)

6.1. Le Nord, l'Est et l'Éthiopie
L'islam gagne le nord du continent aux viie et viiie siècles ; son adoption a coupé pendant longtemps les contacts entre les pays africains sud-sahariens et la Méditerranée, et cela de manière d'autant plus radicale qu'ils n'avaient jamais été très développés.
Les Berbères islamisés atteignent le Sénégal et créent, surtout après le xe siècle, d'importants axes de relation économique entre Maghreb et Sahel, sans implantation religieuse notable au sud du désert. Plus à l'est, l'itinéraire jalonné de puits reliant la Tripolitaine au Tchad alimente le Nord en esclaves. Tout à l'est enfin, l'axe nilotique, avec ses annexes asiatiques, continue de fonctionner malgré les différences religieuses entre Égypte musulmane, Nubie et Éthiopie chrétiennes ; l'accord passé entre maîtres de l'Égypte et roi de Nubie assure aux premiers des livraisons régulières d'esclaves capturés dans le « Grand Sud », et au roi nubien des produits méditerranéens.
En Éthiopie, après l'effondrement d'Aksoum, le port d'Adulis est abandonné et le pouvoir s'installe beaucoup plus au sud, dans les hauts massifs. Les relations entre pouvoir éthiopien et pouvoir musulman se distendent de plus en plus, et sur les rives de la mer Rouge apparaissent des émirats musulmans ouvertement hostiles à l'Éthiopie chrétienne qui, privée de ses atouts maritimes, se replie, pour de longs siècles, sur sa production agricole ; elle connaît de graves troubles intérieurs et la lente progression, depuis le sud, de populations non chrétiennes : les Oromos.

6.2. La côte orientale
La côte orientale fournit des produits – peau, ivoire – qui intéressent toute l'Asie, et des esclaves, dont beaucoup se sont retrouvés au ixe siècle en basse Mésopotamie. Là, ils ont participé à la grande révolte sociale d'esclaves de toutes origines ; cette révolte reste, dans l'histoire, associée au nom des Zandj – des bantouphones arrachés à l'Afrique. La langue bantoue sert, sur la côte, de base au kiswahili, qui emprunte aussi du vocabulaire au persan et à l'arabe.
Peu à peu apparaissent sur le vieux substrat africain des comptoirs musulmans volontairement séparés du contexte continental, à Muqdisho (Mogadiscio), à Mombasa, à Kilwa par exemple. L'islam qui s'y installe est différent par ses rites juridiques et son appartenance au chiisme, de celui, malékite et sunnite (sunnisme) qui s'impose à l'ouest du continent.
La navigation musulmane complète le long de cette côte celle des Africains et remplace celle, plus ancienne et restée mal connue, des Indiens et des Indonésiens. Mais ces comptoirs ont toujours des rapports difficiles avec les Zandj de l'intérieur.

6.3. Les « royaumes » et les « empires »
Séparées de l'Europe et de l'Asie par des terres qui s'islamisent et s'arabisent plus ou moins rapidement, des communautés africaines se sont organisées, que nous appelons – au gré de notre ethnocentrisme historique – empires ou royaumes.

L'empire du Ghana et Gao
Au sud de l'actuelle Mauritanie, l'empire du Ghana, dont les origines remontent probablement au Ier millénaire avant J.-C., développe, de la boucle du Sénégal à celle du Niger, son contrôle sur les routes qui apportent l'or du Sud et reçoit du Nord le sel qui a transité par le terminus méridional de la circulation transsaharienne : Aoudaghost.
Plus à l'est, Gao joue ce même rôle d'intermédiaire. Au nord de la ville, sur un emplacement d'habitations datant d'au moins deux millénaires, Tadamakka a la même fonction qu'Aoudaghost à l'ouest. Ghana et Gao ont, jusqu'au xie siècle, monopolisé le contrôle des échanges ; ils ne laissent guère les musulmans pénétrer vers le Sud qu'ils exploitent à leur profit.
La boucle du Sénégal connaît, au contraire, une islamisation plus rapide et, dès le xe siècle, peuples et souverains acceptent la venue des marchands du Nord.

Le Kanem et la Nubie
Au terme de la route du Tchad, un royaume, le Kanem, s'organise. Son souverain devient musulman à la fin du xie siècle ; faisant désormais partie du monde islamique, le Kanem entame des relations avec la Tripolitaine, la Tunisie et l'Égypte.
La Nubie, par les vallées déjà fréquentées quatre ou cinq millénaires plus tôt et qui descendent vers la cuvette tchadienne, établit des contacts avec l'Afrique centrale, réserve d'esclaves et de produits de bonne vente.

Bassin du Congo
Cependant, assez loin du contrôle musulman direct, au sud de l'équateur, dans la partie méridionale des pays bantouphones, la zone du Limpopo voit apparaître, à Mapungubwe, une société complexe, qui échange de plus en plus avec l'océan Indien et exploite l'or du plateau du Zimbabwe. L'émergence d'un pouvoir fort et riche conduit, après le xie siècle, au développement de grandes constructions de pierre, de l'océan Indien à l'Atlantique. Les plus remarquables, celles des maîtres du trafic de l'or et de l'ivoire, sont situées à Zimbabwe ; à dater du xe siècle au plus tard, l'or est exporté par Sufala, au Mozambique actuel, et probablement par beaucoup d'autres petits ports situés entre Kilwa et le Limpopo. Tout à fait au sud du continent, les Khoisans demeurent fidèles à la chasse et à la cueillette.
Vers le nord, dans le bassin du Congo, les cultures installées au millénaire précédent se développent. L'exploitation du cuivre du Shaba, en République démocratique du Congo (ex-Zaïre), et de la Zambie actuelle permet la circulation d'objets de parure et de lingots ; l'ornementation des tombes fait apparaître un certain enrichissement – tout relatif – de ces groupes. Les Tékés, au nord du fleuve Congo, exploitent probablement le cuivre de la vallée du Niari, et les Kongos s'organisent au nord et au sud de ce fleuve.

Ife et l'empire du Mali
Plus au nord-ouest, Ife, en relations économiques lointaines avec le Nord, l'Est et probablement l'Ouest, est à son apogée. De ce moment, datent les très grandes œuvres de la production artistique d'Ife réalisées en alliage cuivreux, en pierre ou en terre cuite. L'influence d'Ife a essaimé dans le monde yorouba, entraînant la création d'une vaste zone de nouveaux pouvoirs. Les hautes vallées du Niger, son delta intérieur et la zone des lacs ont été lentement regroupés sous l'hégémonie des Mandingues, qui ont aussi étendu leur domination vers l'Atlantique et, au sud, jusqu'à la forêt. Maîtres de la production d'or, de mines de cuivre, du commerce de la kola, produite au sud de leurs possessions, les mansas (« rois ») du Mali sont devenus, après leur héros fondateur Soundiata Keita, la puissance dominante de l'Afrique occidentale, repoussant loin vers le nord l'influence du Ghana comme celle des villes de la boucle du Sénégal. Cette puissance du Mali mandingue a duré jusqu'au xviie siècle.
Pour en savoir plus, voir l'article empire du Mali.

Les Almoravides
Au sud du fleuve Sénégal, l'islamisation progresse. Durant la seconde moitié du xie siècle, des groupes berbérophones de l'Afrique occidentale, auxquels se joignent des musulmans noirs, conquièrent un immense territoire, s'étendant du Sénégal à l'Èbre, dans la péninsule Ibérique : les Almoravides unissent ainsi les terres encore musulmanes d'Espagne au Sahel. Par la vallée du Sénégal, ils accèdent aux ressources en or plus directement que les marchands de l'époque antérieure ; vers l'est, leur influence se fait sentir aux xie et xiie siècles sur le Ghana et le Gao, et peut-être jusqu'au Tchad. Dans leur vaste domaine, où la circulation de l'or, des marchandises et des hommes s'est accélérée, ils ont imposé le sunnisme malékite.

Tekrour, Mossis
Au nord et au sud du Sénégal se développe le Tekrour. Dans la boucle du Niger, on assiste alors à l'implantation d'un islam plus militant qu'aux siècles antérieurs, moins prêt à tolérer une coexistence avec les populations non islamisées. Cette transformation profonde a certainement contribué à raidir l'attitude de refus de certaines populations noires, sauf lorsque leur souverain, comme au Mali, s'est converti ; elle a en tout état de cause provoqué des déplacements importants de populations noires vers le sud. Tout à fait à l'intérieur de la boucle du Niger s'opèrent aussi des mouvements de population; au Burkina Faso actuel émerge un pouvoir fort, structuré et appuyé sur des guerriers : les Mossis, dont l'histoire est continue depuis le xive siècle jusqu'à nos jours.

7. Le grand xive siècle africain
Moment d'équilibre rare dans le domaine des cultures noires, ce siècle a vu un incontestable développement économique accompagné vraisemblablement d'une forte croissance démographique. Pourtant, la multiplication des fléaux qui s'abattent sur les populations les oblige parfois à déserter les meilleures terres agricoles : trop proches de cours d'eau, celles-ci sont infestées, après les pluies, d'insectes vecteurs de maladies parasitaires mortelles (trypanosomiase ou maladie du sommeil, paludisme et onchocercose). Même si le Sahara protège encore l'Afrique noire de la peste ou du choléra, il ne faut pas oublier aussi les terribles ravages annuels imputables à la méningite ou à la rougeole ainsi qu'aux famines.

7.1. La démographie
Le dessèchement, qui s'est aggravé depuis plus d'un millénaire, se fait sentir sur les Africains. Ses effets peuvent se lire sur une carte démographique actuelle : au nord du 15e parallèle nord, les densités dépassent rarement 1 habitants par km2. Dans l'ouest du continent, la densité de la population n'augmente que dans les États côtiers du golfe du Bénin : c'est le cas au Nigeria actuel, où le long héritage historique, qui a suivi l'émergence de la culture de Nok, explique un peuplement aujourd'hui encore exceptionnel et les profondes atteintes à la forêt.
De même qu'autour du lac Victoria, au Rwanda et au Burundi actuels, demeurent des foyers de fort peuplement, loin des côtes. On en trouve encore dans l'ancien royaume du Kongo (Congo ex-Zaïre actuel, Congo, Angola), en Éthiopie centrale et dans quelques régions de la Zambie et du Zimbabwe actuels. Le taux de natalité très élevé s'explique en partie par la volonté de conserver un minimum de descendance, de compenser la forte mortalité infantile (le quart ou la moitié des enfants meurent avant l'adolescence), et par les effets de l'esclavage, qui soustrait aux sociétés africaines les hommes jeunes et productifs. Comme en témoignent plusieurs types de sources, le xive siècle est un siècle de répit et de développement pour nombre de cultures africaines.

7.2. Le Mali, puissance internationale
Ses mansas (« rois ») musulmans font au xive siècle des pèlerinages aux lieux saints de l'islam. L'un de ces pèlerinages, effectué en 1324 par le mansa Kankan Moussa, devient rapidement si célèbre en Méditerranée (il serait arrivé au Caire avec environ dix tonnes d'or) que la trace figurée du Rex Melli (« roi du Mali ») apparaît dans les cartes et atlas européens du dernier quart du siècle.
Le Mali diversifie son commerce avec le Nord – vers le Maroc et la Tunisie actuels et l'Égypte –, de façon à rendre plus avantageux qu'auparavant l'échange des produits du Sud contre ceux du Nord. Ce trafic va engendrer la prolifération des maisons de commerce au nord et au sud du désert. Diplomatiquement mieux placé que ses prédécesseurs, le mansa du Mali tient une place croissante dans les relations internationales. Il est à la fois riche d'une production agricole – dispersée mais régulière – de l'or, ainsi que de plusieurs zones d'extraction du cuivre.

7.3. Monnaies et intensification du commerce
C'est en effet à cette époque que des signes monétaires de cuivre, de types et de grandeurs divers, servent dans l'espace malien et sahélien aux échanges commerciaux ; les sources écrites en parlent, l'archéologie en a retrouvé les preuves.
C'est aussi à ce moment que se développe le commerce, qui connaîtra une véritable explosion dans les zones côtières à l'époque portugaise, des cauris, ces coquillages venus de l'océan Indien, qui servent de parure et qui deviennent au xixe siècle un instrument de capitalisation monétaire. On peut estimer que, dans l'Afrique du xive siècle, de nombreuses régions sont ainsi en cours de monétarisation.
De la même manière, le Kanem joue un rôle international croissant. Outre son rôle d'intermédiaire entre les pays situés au sud du Tchad et les musulmans d'Égypte, il diversifie ses relations diplomatiques et commerciales, en gardant le contact avec la Tripolitaine et en s'ouvrant vers la Tunisie hafside. Peut-être le développement des relations économiques d'Ife, puis du Bénin, les relie-t-il, en partie à travers les terres de l'ancienne culture de Nok, à ce réseau tchadien ; mais aussi au Sahel occidental. Sans doute faudra-t-il bientôt y ajouter des liens avec la cuvette du Congo (Zaïre) et le royaume du Kongo. Ce dernier, avant tout contact avec les Européens, est politiquement et socialement structuré ; probablement y use-t-on déjà aussi comme monnaies, et sous contrôle du souverain, de coquillages pêchés dans la baie de Luanda. Au Shaba, dans le sud du Congo (ex-Zaïre), la circulation d'une monnaie sous forme de croisettes de cuivre date de cette époque ; elle durera plusieurs siècles.
Si la côte orientale voit le développement de comptoirs musulmans de plus en plus riches – Kilwa frappe des monnaies –, des trafics et des échanges existent aussi avec l'intérieur : au sud du lac Victoria, le commerce du sel à longue distance, par exemple.
Au sud, le xive siècle marque l'apogée de Zimbabwe, qui contrôle un vaste territoire producteur d'or : l'ouverture de l'éventail social se lit aujourd'hui encore dans le contraste entre les monuments de pierre et les pauvres demeures des cultivateurs et des éleveurs. Le maître des mines s'enrichit : les produits importés à sa demande le prouvent.
À Madagascar, les fouilles archéologiques révèlent que les grandes collines du centre de l'île commencent à être occupées par des personnages importants, qui dominent les éleveurs et les riziculteurs des vallées et des versants. La seule modification forte de l'équilibre interrégional et interreligieux en Afrique est le fait des mamelouks d'Égypte, qui conquièrent toute la partie chrétienne de la Nubie jusqu'à la grande boucle du Nil.
L'entrée de l'Afrique noire dans le jeu actif des relations internationales va se prolonger jusqu'aux conquêtes coloniales. Dans un premier temps, les partenaires sont les pays de l'islam, dont le Maroc, mais aussi, après le milieu du xve siècle, l'Empire ottoman ; ce dernier apparaît comme un contrepoids au long monopole des Maghrébins dans les rapports avec l'Afrique. Dans un deuxième temps, l'encerclement par la mer du continent – par les Portugais d'abord, puis par leurs rivaux européens – crée, à partir du xvie siècle, de nouveaux réseaux de relations internationales, beaucoup plus inégalitaires qu'auparavant. Ces nouveaux réseaux engendrent souvent des pouvoirs côtiers, rivaux heureux de ceux plus anciens de l'intérieur du pays, et qui deviennent, dans les échanges de toute nature, les partenaires – parfois même les complices – des Européens.

8. L'impact de la traite des esclaves
8.1. La traite arabe

Il ne s'agit pas, lorsqu'on insiste sur les formes prises par la traite européenne à partir du xvie siècle, de minimiser la ponction multiséculaire qu'a opérée le monde musulman en Afrique : grâce aux sources en langue arabe, on peut l'estimer de 2 000 à 3 000 individus chaque année, au moins entre le viiie et le xvie siècle. On aboutit, globalement, au départ d'Afrique vers le nord, l'est, l'océan Indien et l'Asie de plusieurs millions de personnes. La quête d'esclaves noirs s'est même intensifiée aux xive et xve siècles – certains d'entre eux sont revendus, à Tripoli, au monde chrétien de la Méditerranée occidental –, et s'est encore amplifiée à partir du xvie siècle, du moins de la part de pays comme l'Égypte ou le sultanat de Zanzibar.
La traite a provoqué le repli des peuples les plus menacés vers les montagnes ou les lacs, ou bien une organisation plus défensive de sociétés plus nombreuses et mieux structurées. D'autres réactions ont certainement caractérisé la défense des peuples noirs contre les raids esclavagistes : affirmation des solidarités religieuses et, peut-être, des sociétés d'initiation; développement de la fabrication de masques de bois, emblèmes de la non-islamisation, ainsi que des scarifications identitaires ; surnatalité en vue de compenser la demande musulmane d'esclaves. Les sociétés africaines ont ét&eac&

 
 
 
 

SIBÉRIE

 




 

 

 

 

 

Sibérie


Partie nord-est de l'Asie, entre l'Oural et le Pacifique.
Au sens traditionnel du terme, la Sibérie, presque exclusivement russe (→ Russie), s'étend de l'Oural à l'océan Pacifique, entre l'océan Arctique au N., et la frontière avec la Mongolie et la Chine et débordant au Kazakhstan au S. (près de 13 millions de km2, environ 25 fois la France). Elle regroupe environ 25 millions d'habitants. Au sens restreint, la Sibérie comprend les régions économiques de Sibérie occidentale et de Sibérie orientale, les régions bordières de l'océan Pacifique formant l'Extrême-Orient russe.

GÉOGRAPHIE
Espace périphérique, éloigné des centres vitaux de la Russie d'Europe, la Sibérie subit le double handicap de l'étendue (7 500 km de Tcheliabinsk à Vladivostok) et des milieux bioclimatiques hostiles à l'homme. Le nombre de fuseaux horaires (huit), la durée des voyages (notamment par le Transsibérien) donnent une idée plus concrète encore de cet espace. Espace stratégique, elle recèle la plus grande partie des réserves énergétiques et minérales de la Russie, dont la mobilisation constitue un facteur déterminant de la puissance économique russe. La mise en valeur se heurte à l'insuffisance du peuplement, aux contraintes de l'environnement géographique et des distances qui renchérissent les coûts de production et de transport et impliquent la mise au point de techniques et d'équipements spécifiques.

1. Le milieu
1.1. Le relief
La Sibérie est montagneuse. Sans doute, le bassin de l'Ob est-il un immense marécage, mais ailleurs s'élèvent des montagnes. Ainsi, au sud, l'Altaï, qui dépasse 4 000 m, et les monts Saïan, plus modestes, sont des massifs anciens, rajeunis au cénozoïque. Ces montagnes ont gardé des forêts de résineux, des minerais non ferreux et d'alliage ; le Kouzbass s'étend à leur pied. Elles possèdent dans leur partie la plus élevée de beaux bassins de steppe d'altitude et des réserves de bois inexploitées.
À l'est du lac Baïkal, qui trace dans l'écorce terrestre une cicatrice de près de 2 000 m de profondeur, s'allongent des arcs élevés, plus ou moins moulés sur le bouclier de l'Angara : ainsi, vers l'est, les monts Iablonovyï, les monts Stanovoï, les chaînes de Verkhoïansk, et au nord-est celles qui constituent la presqu'île des Tchouktches. Les altitudes se tiennent entre 2 000 et 3 000 m.
En Sibérie centrale, le bouclier de l'Angara représente une boursouflure assez négligeable sur le plan orographique. Il est entouré de bassins houillers, de chaînes bien moulées sur la forme du bouclier, creusées de gorges superbes qui rendent le relief très accidenté.
Enfin, en Extrême-Orient, les plis de l'île de Sakhaline, les îles Kouriles, le Kamtchatka appartiennent au nord de la Ceinture de feu du Pacifique, où le volcanisme est loin d'être éteint, trait original en Russie.

1.2. Le climat

Le climat est beaucoup plus rude qu'en Europe, le froid plus sec, les pluies ou les neiges sont moins fréquentes. L'Oural oppose une barrière aux dernières perturbations océaniques. Située au-delà du 50e degré de latit. N., dans la partie de l'hémisphère Nord où l'importance des terres émergées est maximale, d'où l'importance de la continentalité, la Sibérie connaît toute la gamme des climats continentaux froids, caractérisés par des contrastes thermiques extrêmes, des précipitations faibles avec un maximum d'été. La durée des hivers (de 4 à 9 mois près du cercle polaire), la rigueur du gel, la faible épaisseur de la couverture neigeuse expliquent que le sol est gelé en permanence, à l'exception de l'extrémité méridionale de la Sibérie occidentale. Au nord, quelques îles seulement sont libres de glace (Novaïa Zemlia ou Nouvelle-Zemble), mais, à partir de la mer des Laptev, tout peut être gelé certains étés. La merzlota, ou « sol perpétuellement gelé », relativement rare en Europe, s'étend au nord d'une ligne qui passe par l'embouchure de l'Ob, la haute Toungouska et le bas Oussouri, c'est-à-dire dans la zone de la forêt.

L'hiver
La répartition des températures hivernales est déterminée par la position des stations à l'océan Atlantique : dans l'ensemble, les moyennes de janvier sont de – 15 °C à – 20 °C en Sibérie occidentale, de – 30° à – 40 °C en Sibérie orientale. Sur une étroite frange longeant l'océan Pacifique et la mer d'Okhotsk, on retrouve des moyennes supérieures à – 30 °C. Mais, à Vladivostok, au sud du 45e parallèle, la moyenne de janvier est encore inférieure à – 10 °C.
La Sibérie centrale possède les pôles du froid dans l'hémisphère Nord, c'est-à-dire l'unes des régions où l'on a enregistré les plus basses températures : les moyennes de janvier y sont inférieures à – 50 °C, avec des minima de – 65 °C à – 68 °C. La station d'Oïmiakon, avec un froid absolu de – 84 °C, a détrôné Verkhoïansk. Il est remarquable de constater que les isothermes, surtout l'hiver, se moulent autour de la basse Lena.

L'été
Quant à l'été (le printemps ne durant que quelques jours), il est chaud et surtout humide et brumeux, et la population est accablée par les moustiques. En été, le nord et l'est de la Sibérie ont des moyennes de juillet inférieures à + 15 °C, et, sur la côte, les toundras occupent des zones dites « sans été », parce que la moyenne de juillet y est inférieure à + 10 °C. L'isotherme de + 15 °C en juillet suit approximativement le cercle polaire. Les moyennes supérieures à + 20 °C n'apparaissent que dans le bassin moyen de l'Amour.

Les précipitations
La Sibérie est un pays sec, recevant moins de 550 mm de précipitations par an, sauf sur le rebord des montagnes du Sud et dans les régions riveraines de l'océan Pacifique : plus de 1 m de précipitations par an tombent au Kamtchatka, surtout sous forme de neige.

1.3. La végétation
Au N. du cercle polaire et sur les parties élevées des plateaux, le sommet des caps et des presqu'îles, comme Taïmyr ou le Kamtchatka, et sur les montagnes de Sibérie orientale règne la toundra aux ressources biologiques limitées (pâturages estivaux pour les rennes). La taïga, constituée d'épicéas, de pins sylvestres en Sibérie occidentale, de mélèzes (bien adaptés à la relative sécheresse) en Sibérie orientale, plus riche en ressources biologiques (animaux à fourrure), détient les trois quarts des réserves de bois du pays et couvre la plus grande partie de la Sibérie. La forêt est de loin la plus vaste forêt de résineux du monde et renferme la moitié environ des réserves mondiales de bois. Mais l'épicéa, le sapin, les bouleaux même ont disparu. Seul le ruban de forêt traversé par le Transsibérien a gardé des traits européens, tandis que la forêt d'Extrême-Orient commence dans les bassins de l'Amour inférieur. La partie méridionale de la Sibérie occidentale appartient à la zone de la steppe boisée et de la steppe, dont les sols noirs constituent un bon support pour l'agriculture.

1.4. Les fleuves
Trois grands bassins hydrographiques se partagent le drainage de la Sibérie : l'Ob, l'Ienisseï, la Lena. L'écoulement des eaux en direction de l'océan Arctique est responsable de gigantesques inondations au moment de la débâcle, qui s'opère plus tôt en amont qu'en aval. Navigables pendant les trois mois d'été, les fleuves sibériens sont les principaux axes de pénétration de ces régions d'accès difficile.
Les principaux fleuves de Sibérie

2. Le peuplement et l'industrialisation de la Sibérie
Le peuplement indigène, d'origine ethnique diverse, formant de petites communautés dispersées de chasseurs ou d'éleveurs, a été progressivement submergé par la pénétration russe. En dépit de la colonisation paysanne de la fin du xixe s., l'essentiel de l'occupation humaine et économique est le fait de la période soviétique.
L'industrialisation lancée par les premiers plans quinquennaux a reposé sur un transfert massif de population, au prix d'un contrôle sévère de la force de travail et d'un effroyable gaspillage de vies humaines. Tous les grands chantiers étaient fondés sur l'existence de camps de travail alimentés par les purges et les déportations. Le desserrement de la contrainte intervenu depuis la fin des années 1950 pose avec acuité le problème de la régulation des migrations. Le recours à une politique de stimulants matériels (salaires plus élevés, congés supplémentaires), pour compenser la sévérité des conditions de vie, se révèle inopérant faute d'un effort suffisant pour améliorer le logement, les équipements et les services, ainsi que l'approvisionnement alimentaire. Les difficultés pour attirer et surtout pour fixer la main-d'oeuvre conduisent les responsables à opter pour un développement sélectif des ressources, limité aux industries extractives et de première transformation, qui spécialise les régions sibériennes dans le rôle de fournisseur d'énergie et de matières premières.

3. La Sibérie occidentale
Le territoire de la Sibérie occidentale (2 427 200 km2) s'étend sur deux unités physiques d'extension inégale : la vaste plaine marécageuse de Sibérie occidentale, zone d'ennoyage sédimentaire recélant d'importants gisements d'hydrocarbures, au S. le massif de l'Altaï, au pied duquel se trouve le bassin houiller du Kouzbass.

3.1. La grande plaine
La grande plaine est beaucoup plus uniforme que la plaine russe elle-même. Du 55e parallèle jusqu'à la côte septentrionale de la presqu'île de lamal, par 73 ° de latitude nord, on ne rencontre, sur plus de 2 000 km, qu'une seule hauteur dépassant 100 m, à 150 km au Novossibirsk. Les eaux s'écoulent avec d'autant plus de difficulté qu'au printemps le dégel s'effectue d'amont en aval, sur des cours d'eau orientés tous du Sud vers le Nord.
La grande plaine de Sibérie occidentale est limitée à l'Ouest par les montagnes de l'Oural et à l'Est par la vallée de l'Ienisseï, qui suit le rebord occidental des plateaux de Sibérie centrale. Mais ce fleuve ne contribue presque pas au drainage de la plaine, car tous ses affluents notables viennent de l'Est. La Sibérie occidentale correspond essentiellement au bassin hydrographique de l'Ob et de son grand affluent l'Irtych. Le nord-est de la plaine est drainé par quelques fleuves côtiers : Nadym, Pour et Taz. A partir des toundras, marécageuses en été, de la côte arctique et de la presqu'île de lamal se succèdent forêts et fondrières sur 1 500 km. Une guirlande d'exploitations agricoles d'élevage et de chantiers forestiers suit les deux vallées de l'Ob et de l'Irtych en amont de leur confluent.
La Sibérie occidentale est devenue la principale zone productive d'hydrocarbures du pays. Découverts au cours des années 1960, les gisements de pétrole de l'Ob moyen (Samotlor) et de gaz naturel du Grand Nord (Ourengoï) sont mis en exploitation dans un environnement très difficile, dans une région vide d'hommes, au climat rigoureux et au sol marécageux, au prix d'investissements coûteux en infrastructures et en matériel. Des cités ont surgi (Sourgout, Nijnevartovsk), des oléoducs et des gazoducs relient les champs producteurs aux régions consommatrices de la partie européenne. La fourniture de gaz naturel sibérien a fait l'objet d'un contrat avec plusieurs pays européens.

3.2. Le Sud et le Kouzbass
L'agriculture
Au S., à l'approche de la frontière kazakhe, la forêt cède la place à la steppe, au sens russe du mot. La mise en culture des terres vierges des steppes semi-arides a renforcé la base agricole régionale, qui couvre 35 millions d'ha. La Sibérie occidentale est la seule région sibérienne en mesure de pourvoir à son approvisionnement alimentaire (8 % de la récolte céréalière du pays). La région porte des terres à blé, à betterave à sucre, à lin et possède des zones d'élevage du gros bétail, depuis Tobolsk et Kourgan jusqu'à Novossibirsk. Kourgan est le principal centre régional de construction de matériel agricole ; Roubtsovsk fabrique des tracteurs.

L'organisation spatiale
L'organisation spatiale juxtapose ici un couloir de peuplement dense axé sur le Transsibérien, à partir duquel la colonisation paysanne a progressé à la fin du xixe s., au S. une zone de mise en valeur agricole étendue dans les steppes de Barabinsk et de Koulounda, et, dans l'extrémité sud-est, au pied de l'Altaï, le Kouzbass, pôle de développement industriel.

Le Kouzbass
Le Kouzbass (ou bassin de Kouznetsk), sur le Tom, est la plus peuplée des régions sibériennes, celle dont le développement économique, reposant sur une gamme diversifiée de ressources, est le plus ancien et le plus équilibré. Il possède des réserves houillères évaluées à 450 milliards de tonnes, des mines de fer et de métaux non ferreux. Au deuxième rang des bassins houillers du pays (20 % de la production), le Kouzbass livre les produits sidérurgiques (10 % de l'acier russe) et les biens d'équipement nécessaires au développement régional. À partir du charbon, source d'énergie et matière première, plusieurs cycles de production ont été développés : sidérurgie et constructions mécaniques, métallurgie des non-ferreux, carbochimie. Pôle lourd aux productions peu différenciées, dont les cités minières stagnent (Novokouznetsk, Kemerovo), le Kouzbass fait figure de vieille région industrielle. Les principales villes de cette région industrielle sont les centres miniers et métallurgiques : Prokopievsk, Leninsk-Kouznietski, ou d'industries diversifiées : Barnaoul.

Les villes

Nœuds relationnels établis sur les fleuves sibériens et les grands axes ferroviaires, les grands centres urbains sont les points forts de l'espace sibérien. Spécialisé dans les constructions mécaniques, les industries chimiques et alimentaires, Novossibirsk détient aussi les équipements administratifs, culturels et scientifiques qui font de lui la métropole régionale de toute la Sibérie. Devenus les bases d'appui de la mise en valeur du bassin pétrolier de l'Ob moyen, les centres d'Omsk, de Tioumen et de Tomsk ont fixé raffinage et pétrochimie et développé la production de biens d'équipement.

Les principales villes de Sibérie
4. La Sibérie orientale
Plus étendue (4 122 800  km2), la Sibérie orientale est comprise entre la vallée de l'Ienisseï et les montagnes qui limitent, à l'E., le bassin de la Lena (monts de Verkhoïansk et plateau de l'Aldan). Son territoire comprend trois grandes unités de relief.

4.1. Les plateaux entre l'Ienisseï et la Lena
Les plateaux entre l'Ienisseï et la Lena, correspondant en gros à la zone de stabilité structurale du bouclier sibérien centrée sur le haut Anabar, constituent le premier de ces ensembles. L'altitude est comprise en général autour de 500 m, sauf au N.-O. (monts Poutorana : 2 037 m) ; mais le climat est déjà très rude. Une forêt de conifères assez maigre, en raison de la sécheresse relative, recouvre tous ces plateaux. Les principales voies de communication sont les grandes vallées des affluents de la rive droite de l'Ienisseï : du N. au S., la Toungouska Inférieure, la Toungouska Moyenne ou Toungouska Pierreuse, et la Toungouska Supérieure ou Angara, l'émissaire du lac Baïkal. Ces vallées sont utilisées pour l'exploitation de massifs forestiers très étendus, mais pratiquement vides d'hommes. Au N., les plateaux de Sibérie centrale dominent une grande plaine drainée par la Khatanga, et qui les sépare des montagnes de Byrranga, constituant l'ossature de la péninsule de Taïmyr. Au N. de la péninsule de Taïmyr, l'archipel de la Terre du Nord (Severnaïa Zemlia) dépasse le 80 ° parallèle.
Un seul foyer d'activité économique est établi dans le Grand Nord où le combinat métallurgique de Norilsk, relié au port de Doudinka sur l'Ienisseï, traite divers minerais non ferreux (cuivre, nickel, platine, cobalt).

4.2. La cuvette de la Lena
Le deuxième ensemble régional de la Sibérie centrale est constitué par le bassin moyen et inférieur de la Lena, grande cuvette dont le centre est occupé par la Iakoutie (aujourd'hui en République de Sakha), qui déborde sur la Sibérie orientale. La forêt cède la place à quelques cultures de grain et à des zones d'élevage dans la région du confluent de la Lena et de l'Aldan, autour de Iakoutsk.

4.3. La région du lac Baïkal
Enfin, l'ensemble le plus intéressant de la Sibérie centrale, au point de vue humain, est formé par les plateaux faillés qui encadrent la fosse du lac Baïkal et les bassins sédimentaires situés de part et d'autre de la pointe méridionale de ce lac, au S. Les monts Saïan et les chaînes encadrant le lac Baïkal appartiennent à la zone de plissements calédoniens et hercyniens. L'agriculture y est plus favorisée par le climat que dans les régions situées plus au N. (grain, betterave à sucre, élevage du gros bétail autour d'Irkoutsk et de Oulan-Oude).
Deux grands centres régionaux organisent la mise en valeur de la partie méridionale : Krasnoïarsk et Irkoutsk. À l'origine, postes militaires et centres administratifs, les deux villes ont été confirmées dans leurs fonctions de gestion et de relation, soutenues par un développement industriel actif dans une région vouée aux spécialisations énergétiques. On peut y rattacher Minoussinsk, situés plus à l'O., sur le haut Ienisseï ; on y produit, outre le grain et la viande, les meilleurs lins, du chanvre et des betteraves sucrières. La présence de houille et de minerais métalliques a permis l'implantation d'industries métallurgiques à Krasnoïarsk, à Irkoutsk et à Oulan-Oude. La production d'énergie hydroélectrique, à faible prix de revient, sert de base au développement de l'électrométallurgie de l'aluminium et aux industries de traitement du bois (cellulose, pâte à papier). Centrales hydroélectriques géantes, notamment dans la vallée de l'Angara, et complexes industriels sont couplés avec des villes nouvelles (Bratsk, Oust-Ilimsk). Irkoutsk a servi de point d'appui pour leur construction. Krasnoïarsk assume une fonction équivalente à l'égard du complexe des Saïan et de celui édifié sur le bassin de lignite de Kansk-Atchinsk.

5. L'Extrême-Orient

5.1. Le milieu physique
La région est immense : 6 200 000  km2. L'Extrême-Orient est en fait un assemblage de terres limité par une côte indentée et des îles, en tout des milliers de kilomètres. Les traits extrême-orientaux résident dans le climat, marqué par la mousson d'été. La végétation arbustive des bassins inférieurs de l'Amour rappelle celle d'Hokkaido ; le riz et le kaoliang sont cultivés à proximité de la frontière chinoise. Même les pays situés le plus au nord subissent l'influence adoucissante de la mousson.
C'est une région montagneuse de formation et d'âge variés : ses chaînes plissées sont d'autant plus récentes que l'on se rapproche de l'océan Pacifique. C'est aussi en bordure de cet océan que l'on enregistre les altitudes les plus élevées (4 850 m à la Klioutchevskaïa, au Kamtchatka). On peut distinguer d'abord un ensemble d'arcs montagneux occupant le nord-est de l'Asie et enveloppant les plaines de l'Indighirka et de la Kolyma, en bordure de la mer de Sibérie orientale : chaînes de Verkhoïansk (2 959 m), des monts Tcherski (3 147 m), et de la Kolyma. Cette région est riche en gisements métalliques divers, mais elle n'est encore peuplée que par de petits groupes autochtones (Tchouktches). Un second groupe montagneux correspond au grand arc des monts Koriakski et du Kamtchatka, qui fait partie de la Ceinture de feu du Pacifique ; il domine directement la mer de Béring et l'océan Pacifique et possède des volcans en activité, dont la Klioutchevskaïa. La presqu'île du Kamtchatka possède de beaux geysers. Les îles Kouriles sont les sommets d'un arc effondré (l'arc des Kouriles). Dans le bassin supérieur de l'Amour, en amont de Blagovechtchensk, les hauts voussoirs des monts Stanovoï et des monts Iablonovyï sont des montagnes anciennes rajeunies par des soulèvements régionaux cénozoïques. Cette région est riche en mines (métaux non ferreux surtout), qui font l'intérêt industriel de la circonscription de Tchita et de Nertchinsk. Un dernier ensemble, enfin, est constitué par différents secteurs : les bassins de l'Amour moyen (bassin de Blagovechtchensk, avec la zone houillère de la Boureïa ; bassin du territoire autonome juif du Birobidjan, riche en minerai de fer) ; la province maritime, qui a pour centre le bassin de Khabarovsk et qui comprend le sillon Ossouri-Bas-Amour et les montagnes de Sikhote-Alin (2 078 m) [entre ce sillon et la mer du Japon] ; enfin, la grande île de Sakhaline.

5.2. Les aspects humains
L'Extrême-Orient oppose à la mise en valeur un relief compartimenté difficile d'accès, où plaines et couloirs de circulation sont rares. L'altitude aggrave les effets de la latitude, et ceux de la situation sur une façade orientale du continent, pour faire du climat l'un des plus sévères. La région maritime tire son intérêt de deux éléments : en premier lieu, de sa position géographique, qui en fait la façade normalement accessible de l'Union soviétique sur l'océan Pacifique, entre les 43° et 55° parallèles ; de ses ressources minières en second lieu : charbon de la région de Vladivostok et Aleksandrovsk-Sakhalinski, pétrole dans le nord de l'île de Sakhaline, minerai de fer et métaux non ferreux dans le sud de la chaîne de Sikhote-Alin, or dans l'ensemble de la chaîne. Faiblement peuplé en dépit d'une immigration russe continue, l'Extrême-Orient est caractérisé par une mise en valeur extensive et sélective des ressources, dans un milieu naturel contraignant et imparfaitement maîtrisé. La chasse et l'élevage des animaux à fourrure, l'élevage du renne s'accompagnent d'une occupation humaine très lâche : la densité est encore inférieure à celle de la Sibérie orientale. La mise en culture est quasiment limitée aux plaines méridionales, bassin de la Zeïa-Boureïa, vallées de l'Amour et de l'Oussouri. L'exploitation de la forêt intéresse principalement la partie méridionale (chaîne de Sikhote-Aline, île de Sakhaline, où croissent des espèces de qualité). Le sciage des bois descendus des vallées de montagne anime de petits centres établis le long du Transsibérien. Le littoral de l'Extrême-Orient se situe au premier rang des pêcheries russes par le volume des prises (le tiers de la production russe), la diversité et la qualité des espèces. Sur les côtes du Kamtchatka et de l'île de Sakhaline et sur la côte occidentale de la mer d'Okhotsk, les pêcheries capturent les saumons qui remontent le cours inférieur des fleuves, les harengs et les morues, les crabes, vendus sur tous les marchés du monde ; de nombreux petits centres ont des conserveries : Anadyr, Apouka, Tilitchiki, Palana, Petropavlovsk, Kikhtchik, Oust-Bolcheretsk, Magadan, Okhotsk, Aïan. Équipée pour traiter et conserver le poisson à bord, les bateaux-usines s'aventurent jusque dans l'océan Indien, dans les eaux tropicales du Pacifique méridional, et même dans l'Atlantique. Après avoir surexploité les fonds du détroit de Béring, les baleiniers font campagne dans l'Antarctique. En dehors de quelques bassins houillers, dont la production est destinée à couvrir les besoins régionaux, l'effort s'est porté sur l'extraction des ressources minérales de grande valeur (or, diamants, étain et tungstène), notamment dans les centres miniers de la Kolyma et de la Tchoukotcha.
Cette région a annexé la République autonome de Sakha, qui appartenait jadis à la Sibérie orientale. Le choix a été dicté en fonction de la prospective : trouver dans la mer d'Okhotsk un débouché maritime à la Sakha, en construisant route et voie ferrée. On commence à mieux connaître les richesses du territoire : or (un peu partout), plomb (au nord), diamants (à Mirnyï, dans le Grand Nord et la Lena moyenne), houille et lignite le long de l'Amour. Un escalier de centrales a été installé sur la Lena. On a même évoqué la possibilité d'implanter un centre sidérurgique à Aldan, utilisant des minerais locaux et le coke de Tchoulman.

5.3. Un intérêt stratégique majeur
L'Extrême-Orient revêt par sa position géopolitique, au contact des puissances asiatiques, un intérêt stratégique majeur. La frontière fixée le long de l'Amour et de l'Oussouri (traité de Pékin, 1860) est contestée par la Chine, tandis que l'annexion des îles Kouriles (1945), qui ferment la mer d'Okhotsk et contrôlent l'accès au Pacifique, n'est pas reconnue par le Japon. Cet état de fait entraîne la concentration massive de troupes et de matériel. Il explique l'effort soutenu d'équipement et de peuplement : ambiguïté d'un espace relationnel fortement militarisé, qui tente de s'ouvrir aux échanges internationaux (trafic terrestre de conteneurs entre l'Europe et le Pacifique). Deux axes de circulation structurent la partie méridionale : l'artère vitale du Transsibérien qui longe la frontière, l'axe secondaire qui suit le cours inférieur de l'Amour de Khabarovsk à Nikolaïevsk. Une nouvelle voie ferrée, le B.-A. M., crée un troisième axe de développement. Fonctions industrielles et aussi de relations animent les principaux centres urbains : Blagovetchensk dans le bassin de la Boureïa, Komsomolsk-sur-l'Amour, important centre métallurgique, célèbre par Amourstal, l'aciérie (à faible production) de la Jeunesse communiste du temps de l'Union soviétique, Oussourisk, avec des industries alimentaires. Vladivostok, grande base militaire et port d'attache de la flotte du Pacifique, qui forme, avec l'avant-port de commerce de Nakhodka et un gisement de charbon à proximité, une agglomération travaillant presque exclusivement pour la mer, en rapport avec le Japon et terminus de la Route maritime du Nord, et Khabarovsk, principal nœud relationnel, siège de constructions mécaniques, exercent les fonctions de commandement régional. Nikolaïevsk-sur-l'Amour et Khabarovsk reçoivent le pétrole de Sakhaline, mais en quantités trop faibles pour devenir des centres de pétrochimie. Sur la mer d'Okhotsk, Aïan, Okhotsk, Magadan et, dans le Kamtchatka, Petropavlovsk-Kamtchatki sont équipés pour la pêche.

6. L'exploration de la Sibérie
L'immense Sibérie est encore à peu près inconnue au milieu du xvie s. : quelques rares commerçants, remontant la Petchora, ont franchi l'Oural et atteint l'Ob, le premier grand fleuve que l'on rencontre dans la plaine en venant de l'ouest.
Le premier explorateur de la Sibérie est un Cosaque, Iermak, qui, avec sa troupe, atteint en 1580 la Toura, sous-affluent de l'Irtych, lui-même affluent de l'Ob. L'année suivante, il bat les Mongols et s'empare du khanat de Sibir (qui a donné son nom à la région, la Sibérie). Mais il est bientôt repoussé par eux au-delà de l'Oural. Les Cosaques reviennent en force en 1586 et, l'année suivante, fondent Tobolsk sur l'Irtych : la défaite définitive des Tatars ouvre aux Russes toutes les plaines de l'Asie septentrionale, qui ne sont occupées que par des populations nomades, très dispersées, incapables de résister aux mousquets des conquérants : ces derniers sont avant tout des chasseurs qui vont toujours plus loin traquer les animaux à fourrure. Tomsk, sur un affluent de l'Ob, est fondé en 1604 ; plus à l'est, l'Ienisseï est bientôt atteint et descendu jusqu'à son embouchure (1610).
La reconnaissance de la Sibérie s'effectue à très grande vitesse, en profitant des sections ouest-est de certains affluents des grands fleuves. Ainsi, la Toungouska Inférieure, qui rejoint l'Ienisseï, conduit les chasseurs et les marchands de peaux vers le bassin de la Lena, dont le delta est découvert en 1617 ; en 1632, la ville de Iakoutsk est fondée sur ce fleuve. De là, la mer d'Okhotsk est atteinte en 1638.
Une autre voie de pénétration, plus méridionale, utilise le cours de l'Angara, tributaire du haut Ienisseï, et les Russes parviennent au lac Baïkal en 1643. Le dernier grand fleuve sibérien, la Kolyma, est atteint en 1644, puis descendu en bateau par un Cosaque, Semen I. Dejnev, qui arrive jusqu'à la côte de l'océan Arctique (1648). Il franchit ensuite l'extrémité de l'Asie, à laquelle son nom est donné (cap Dejnev). Cette grande découverte, contestée par certains, ne sera cependant confirmée que lorsque Bering aura réitéré cet exploit, quatre-vingts ans plus tard, prouvant définitivement que l'Ancien Monde n'est pas soudé à l'Amérique mais en est séparé par le détroit de Béring. Plus au sud, Vassili D. Poïarkov remonte la rivière Aldan et parvient à l'Amour, qu'il descend jusqu'à son embouchure (1643-1646). Mais les Mandchous s'inquiètent de cette poussée, et les Russes devront, à partir de 1658, abandonner plusieurs postes établis sur le grand fleuve et dans la partie orientale de son bassin. La fin du siècle voit la pénétration des Russes dans la péninsule du Kamtchatka avec le Cosaque Morosko (1696), qui inaugure une période de domination brutale sur les indigènes.

Cette reconnaissance de la Sibérie n'a pas encore un caractère scientifique ; elle n'en représente pas moins une œuvre considérable puisqu'elle fait surgir de l'inconnu, en moins de cent ans, des territoires s'allongeant sur plus de 5 000 km.
Le Siècle des lumières va reprendre l'étude du nord de l'Asie avec l'appui des savants : Pierre le Grand organise plusieurs expéditions scientifiques de première importance. Les nouvelles recherches partent d'abord sur le littoral de l'océan polaire, en particulier à l'ouest et au centre, entre la Nouvelle-Zemble et la péninsule de Taïmyr : en 1742, Semen I. Tcheliouskine parvient, en traîneau, à l'extrémité de cette dernière, au cap qui porte son nom et qui constitue l'extrémité continentale de l'Ancien Monde.
La plus importante expédition quitte Saint-Pétersbourg en l'année même de la mort du tsar (1725), sous la direction du Danois Vitus Bering : elle met trois ans pour parcourir toute la Sibérie, y multipliant les observations dans tous les domaines scientifiques et dressant les premières cartes d'ensemble de la région. En partant de la base de Petropavlovsk, sur le littoral du Kamtchatka, le chef de l'expédition entreprend à partir de 1728 l'étude détaillée des rivages formant l'extrémité de l'Asie. La découverte se poursuit sous le règne de Catherine II : l'Allemand Peter Simon Pallas part en 1768 avec de nombreux collaborateurs et gagne l'Amour par la route des caravanes, découvrant notamment des fossiles de mammouth et de rhinocéros.

Il reste encore beaucoup de secteurs à pénétrer au xixe s. pour dresser une géographie exhaustive de la Sibérie. Beaucoup s'y emploient, en particulier A. von Humboldt, que son dernier grand voyage conduit, en 1829, dans le sud de la Sibérie occidentale ; Aleksandr Fedorovitch Middendorf étudie d'abord les hauteurs situées à l'est du cours inférieur de l'Ienisseï, jusqu'à la péninsule de Taïmyr (1843), puis il se rend au lac Baïkal et dans le bassin de l'Amour ; en 1854, le gouverneur de la Sibérie orientale, Nikolaï N. Mouraviev, conduit une expédition militaire jusqu'à l'embouchure de ce fleuve et ramène de nombreux documents ; de 1873 à 1876, Aleksandr L. Tchekanovski parcourt les régions encore très peu connues entourant la basse Lena ; un ingénieur français, Martin, qui effectuait des recherches minières, explore les régions dominées par les monts Stanovoï, entre la rivière Aldan, affluent de la Lena, et l'Amour (1884).
La construction du Transsibérien, à partir de 1891, permet de préciser dans le détail la connaissance de la Sibérie méridionale. Quant à la bordure septentrionale de la région, baignée par l'océan Arctique, elle sera l'objet de recherches nombreuses en rapport avec l'ouverture du passage du Nord-Est (la « Route maritime du Nord » des Russes) : le Suédois Adolf E. Nordenskjöld franchit cette dernière en 1878-1879, après que son navire, la Vega, a été immobilisé par les glaces pendant 294 jours dans la mer de la Sibérie orientale. Dès lors, de nombreuses expéditions vont chercher à préciser comment les régions côtières peuvent être utilisées pour servir de bases au nouvel itinéraire maritime, en particulier celle de Tolmatchev en 1909. C'est seulement en 1932 qu'un brise-glace, le Sibiriakov, réussit à longer toutes les côtes sibériennes en un seul été. Par l'intermédiaire de l'Académie des sciences, le pouvoir soviétique multipliera les expéditions dans l'intérieur, en particulier à l'extrémité de la Sibérie, dans les bassins de la Kolyma et de l'Indiguirka et, en 1934-1935, dans la presqu'île des Tchouktches, où Sergueï V. Obroutchev dirige des recherches géologiques.

PRÉHISTOIRE ET HISTOIRE
Progressivement libérée des glaces, la Sibérie a été le foyer de nombreuses cultures préhistoriques avec au paléolithique une production, entre 24000 et 22000 avant J.-C., de statuettes féminines en ivoire. À l'est, les cultures du Baïkal participent à l'élaboration du néolithique chinois. Au nord de l'Altaï, des sépultures princières (vie s. avant J.-C.) ont livré un riche mobilier funéraire au répertoire décoratif proche de celui des Scythes. À partir de la fin du iiie s. avant J.-C., des populations mongoles et turques se substituent aux anciennes populations autochtones. Cependant, les Toungouses organisent un royaume dans les régions proches du Pacifique (viie-xe s.). Au xve s. se constitue le khanat mongol de Sibérie, détruit en 1598 par les Cosaques. Vers 1582 débute la colonisation russe, qui atteint la mer d'Okhotsk en 1639. En 1860, la Chine reconnaît la domination russe sur les territoires de l'Amour et de l'Oussouri. La construction du Transsibérien (1891-1916) permet alors la mise en valeur de la Sibérie méridionale.

 

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LE QUATERNAIRE

 


 

 

 

 

 

PLAN
*         QUATERNAIRE
    *         1. Géologie et géomorphologie : les glaciations
        *         1.1. Les quatre glaciations des Alpes
        *         1.2. Les moraines du Nord
        *         1.3. Le domaine périglaciaire
        *         1.4. Les paléosols
    *         2. La flore et la faune
    *         3. La classification du paléolithique
    *         4. Les méthodes de datation
        *         4.1. La dendrochronologie
        *         4.2. Le carbone 14
        *         4.3. L'isotope radioactif 18O
        *         4.4. La datation au potassium-argon
    *         5. Les principales phases du quaternaire
        *         5.1. Le pléistocène (de 2,6 millions d'années à – 117 000 ans)
            *         Les animaux
            *         L'apparition des hominidés
            *         La flore
            *         L'interglaciaire mindel-riss
        *         5.2. Le quaternaire supérieur (de – 200 000 ans à aujourd'hui)
            *         La glaciation du riss (de – 200 000 à – 120 000 ans)
            *         L'interglaciaire riss-würm (de – 120 000 à – 75 000 ans)
            *         La glaciation du würm (de – 75 000 à – 10 000 ans)
        *         5.3. L'holocène ou postglaciaire (de – 10 000 ans à aujourd'hui)
            *         Le boréal (de – 8 500 à – 7 500 ans)
            *         Le subboréal (de – 4 500 à – 2 800 ans)
            *         L'action de l'homme au postglaciaire

quaternaire

Cet article fait partie du dossier consacré à l'histoire de la Terre.


Subdivision supérieure de l'ère cénozoïque – qui comprend aussi le système tertiaire –, le quaternaire a débuté il y a 2,6 millions d'années, avec l'apparition de l'homme, dont les ancêtres (famille des hominidés) sont apparus et ont évolué durant le tertiaire. Il se poursuit aujourd'hui.
Au début du quaternaire, la position des continents était proche de l'actuelle. Quatre grandes glaciations successives (dont la dernière s'est achevée il y a environ 10 000 ans), séparées par des périodes de réchauffement, ont façonné les reliefs et sont largement responsables des paysages actuels. Ainsi, toute l'Europe du Nord et l'Amérique du Nord étaient recouvertes par une calotte glaciaire qui les a rabotées et a laissé, en fondant, de multiples lacs. Les mouvements relatifs des plaques continuent, notamment dans la mer Rouge et dans le golfe d'Aden, où on assiste à l'ouverture d'un nouvel océan qui éloignera progressivement l'Afrique du Moyen-Orient.
On distingue deux périodes au cours du quaternaire : la première correspond au cycle glaciaire, c'est le pléistocène, la seconde, l'holocène correspond au cycle postglaciaire actuel.

1. Géologie et géomorphologie : les glaciations

Les moraines et leurs altérations ont donné des indications sur l'évolution climatique du quaternaire. Les sols développés sur les moraines sont souvent épais. Les gros éléments sont très attaqués, couverts d'oxyde de fer, s'effritent ou ont disparu. Si le paléosol est détruit par l'érosion, il laisse parfois des témoins sous la forme d'éléments peu altérables, tels que les silex, les quartz ou les jaspes. Ces caractères authentifient l'ancienneté des formes d'accumulation glaciaires. Au contraire, des constructions de même nature, épargnées par le lessivage, restent très fraîches. Elles signalent une glaciation récente.

1.1. Les quatre glaciations des Alpes
Quatre glaciations ont été distinguées dans les Alpes : günz, mindel, riss, würm, auxquelles deux autres phases glaciaires, antérieures au günz, ont été ajoutées (biber et donau). Trois glaciations seulement ont été reconnues en Europe du Nord. La première phase, la glaciation de l'elster, correspondrait au günz et au mindel alpins. Les glaciations de la saale et de la vistule seraient l'équivalent septentrional du riss et du würm. En Amérique du Nord, quatre glaciations ont été reconnues : nebraska, qui marque le début du quaternaire, kansas, Illinois, wisconsin.


1.2. Les moraines du Nord
Sur les marges méridionales de la zone tempérée, dans l'hémisphère boréal, les moraines et les formes de relief qui leur sont associées se raréfient. Les glacis deviennent les principaux témoins de l'évolution du quaternaire. Les pluviaux prennent le relais des glaciations. Les moraines sont en continuité avec des glacis encroûtée, élaborés au cours des pluviaux et des régressions marines, et incisés lors des interpluviaux. Aux abords de la zone intertropicale, les pluviaux correspondent au contraire aux transgressions, donc aux interglaciaires de la zone tempérée, et les périodes sèches aux périodes glaciaires. Au cours des glaciations, les déserts de l'hémisphère boréal ont reculé sur les marges de la zone tempérée et se sont étendus vers le sud. L'équateur thermique, qui est décalé actuellement vers l'hémisphère Nord, devait être situé auparavant dans l'hémisphère Sud, près de la ligne de l'équateur.

1.3. Le domaine périglaciaire

Les effets des glaciations sont sensibles très en avant du front des moraines dans un vaste domaine périglaciaire qui s'étend vers la zone arctique lors des déglaciations et vers les marges méridionales de la zone tempérée lors des glaciations. Des éboulis ordonnés, ou grèzes litées, ont été mis en place par les alternances de gel et de dégel au cours des hivers, et de multiples formes de solifluxion témoignent de réchauffements saisonniers ou interstadiaires. Mais ces phénomènes périglaciaires, bien conservés lorsqu'ils sont hérités du würm, sont beaucoup plus rares pour les périodes antérieures. Les vents ont transporté loin au-delà des fronts d'inlandsis des particules fines de diverses origines (argiles, calcaires, quartz), qui, accumulées, forment les loess.

1.4. Les paléosols
Les paléosols ont parfois disparu ou sont tronqués. Leur présence dans les formations quaternaires est révélatrice d'un changement des conditions climatiques. Le ferretto des régions méditerranéennes, reconnaissable à sa coloration rouge vif, altérant les moraines et les alluvions fluvio-glaciaires du mindel, date l'interglaciaire mindel-riss. Des sols bruns forestiers ont été légués par l'interglaciaire riss-würm dans l'ensemble de l'Europe. Des tchernozioms fossiles marquent l'expansion du domaine des steppes lors des phases froides du würm et du postglaciaire. Avec leurs interstratifications alluviales et colluviales, leurs altérations, signalées par les horizons décalcifiés des lehms, leur faune et leur flore fossiles, leurs industries préhistoriques, les paléosols forment de véritables complexes pédologiques qui ont donné des indications précises sur les séquences morphoclimatiques et bioclimatiques. Malgré les difficultés d'interprétation, certains complexes pédologiques du würm, comme le gisement de Saint-Vallier (Drôme), du mindel et du riss, comme le gisement d'Achenheim (Bas-Rhin), permettent de reconstituer globalement le milieu.

2. La flore et la faune
Le début du quaternaire est marqué par l'apparition de Bos (les bovins), d'Equus (les chevaux) et d'Elephas (les éléphants). Les modifications des aires d'occupation des mammifères de grande taille, proboscidiens, rhinocérotidés, équidés, bovidés, cervidés, antilopes et carnivores, et l'évolution des espèces et des genres, leur essor ou leur extinction reflétant le rythme des oscillations climatiques, ont contribué à l'établissement de la stratigraphie. La fréquence insuffisante des gisements a accru l'intérêt des petits mammifères comme les lagomorphes, les rongeurs, les insectivores et les chiroptères, dont les restes se sont accumulés dans les abris-sous-roche ou dans des fissures sous forme de brèches. Les modifications de la température des eaux marines sont marquées par la réduction de l'aire occupée par des fossiles d'eaux chaudes comme Strombus bubonius. Les fossiles les plus caractéristiques du quaternaire, les mammifères continentaux, n'abondent pas en dehors des interglaciaires.
Les restes macroscopiques des flores ont été conservés dans des cinérites, des argiles à diatomées, des tufs, des travertins et des colluvions. Mais les résultats les plus précis et les plus abondants concernant la paléobotanique ont été livrés par la palynologie. Protégés par leur gaine résistante, les pollens ont été conservés dans les tourbières ou les dépôts d'argile. Identifiés et comptés, ils ont permis la reconstitution des paysages végétaux et des oscillations climatiques qui commandent leur évolution.

3. La classification du paléolithique

Par la fabrication d'outils, par la construction d'un habitat, par l'aménagement de leur environnement, par l'accumulation des débris issus de leurs activités et par leurs propres restes, les hominidés ont laissé des témoignages qui appellent une classification chronologique. Le paléolithique, l'âge de la pierre taillée, est divisé en trois périodes.



Le paléolithique inférieur débute lorsque apparaissent les galets brisés. Ensuite s'opposent les industries sans bifaces, localisées le plus souvent au nord de l'Eurasie, et les industries à bifaces, représentées par l'abbevillien et par l'acheuléen, qui s'épanouit lors de l'interglaciaire mindel-riss et au riss, mais se poursuit jusqu'au début du würm.
Le paléolithique moyen est l'époque du moustérien. L'utilisation de l'os et la croissance de l'outillage dérivé des lames identifient le paléolithique supérieur et ses différentes industries (aurignacien, solutréen, magdalénien, contemporain de la fin du würm).
Au cours d'une période de transition, le mésolithique, l'outillage se diversifie et se miniaturise, alors que la déglaciation commence. Dès le viie millénaire avant notre ère, le néolithique commence en Orient, alors que de nombreux groupes humains conservent encore à travers le monde des techniques désormais archaïques.

4. Les méthodes de datation
4.1. La dendrochronologie

Par le comptage et l'analyse des anneaux de croissant des arbres, la dendrochronologie a contribué à la reconstitution des séquences climatiques sur cinq millénaires environ. La téphrochronologie livre aussi des datations absolues alors que les explosions volcaniques sont datées par des documents historiques. Mais l'information est limitée à un courte période. Au-delà, la chronologie redevient relative.

4.2. Le carbone 14
Les mesures de radioactivité ont ouvert la voie à une chronologie absolue plus longue, qui a rendu nécessaires le choix d'une date de référence (1950) et l'emploi d'un système de datation négatif à partir de cette date, signalé par l'abréviation BP (before present). Le dosage du carbone 14, isotope radioactif du carbone 12 contenu dans les matières organiques, indique la durée de la période de désintégration du carbone depuis la mort de l'organisme. Mais la rapide réduction de la proportion du carbone 14 limite le champ d'information à 50 000 ans. Le potassium radioactif 40K, contenu dans des cristaux de roches éruptives, se désintègre en libérant de l'argon, 40Ar, qui manque à l'origine. Le rapport 40K/40Ar date la formation des cristaux. L'utilisation de cette méthode a conduit à une périodisation longue du quaternaire. Les datations au carbone 14 et au potassium-argon laissent à l'écart une longue période du quaternaire comprise entre 50 000 et 1 million d'années. D'autres méthodes sont fondées sur l'examen des produits de décomposition des isotopes 235 et 238 de l'uranium, 234U, 230Th et 231Pa.

4.3. L'isotope radioactif 18O
L'utilisation des données de la radioactivité a ouvert de larges possibilités à l'étude des paléotempératures et du paléomagnétisme. L'oxygène, dont le poids moléculaire est de 16, comporte un isotope radioactif 18O. Les mesures de rapport 16O/18O ont permis de préciser l'évolution des paléo-températures des eaux marines en déterminant le pourcentage de l'isotope 18O dans les carbonates précipités des coquilles. Un relèvement sensible des températures a été ainsi enregistré entre 16 500 et 6 000 BP. Toutefois, la faible sensibilité des eaux marines aux oscillations de durée, la lenteur des modifications de la circulation océanique d'ensemble et les irrégularités de la sédimentation marine rendent parfois illusoires les datations fines obtenues par cette méthode.

4.4. La datation au potassium-argon
La datation au potassium-argon a précisé les données du paléomagnétisme enregistrées par les roches éruptives. Lorsqu'elles se refroidissent, les particules magnétiques incluses dans la roche s'alignent définitivement dans la direction d'aimantation de polarité, introduisant ainsi un magnétisme thermorémanent. Or, le champ magnétique varie et même s'inverse au cours des temps géologiques. Les mesures du paléomagnétisme quaternaire indiquent une succession de périodes dites « normales » marquées par une orientation vers le nord, et de périodes dites « inverses », marquées par une orientation vers le sud. En combinant ces observations avec des datations au potassium-argon, on a pu définir quatre époques : Gilbert, inverse, Gauss, normale, entre 3,4 millions d'années et 2,5 millions d'années, Matuyama, inverse, entre 2,5 millions d'années et 0,7 million d'années. Brunhes, lui, correspond à la période actuelle. Les époques comportent des épisodes à polarité inverse.

5. Les principales phases du quaternaire
Plus chaude et plus humide que de nos jours, l'Europe avait accueilli au pliocène des espèces végétales localisées aujourd'hui en Extrême-Orient, comme Ginkgo biloba ou Liquidambar orientalis, ou sur la façade pacifique de l'Amérique du Nord, comme les séquoias ou les caryas. Le refroidissement du climat marque en principe le début du quaternaire. Une altération du climat a été signalée néanmoins avant la fin du pliocène.

5.1. Le pléistocène (de 2,6 millions d'années à – 117 000 ans)
Les animaux

Le calabrien marin et son équivalent, le villafranchien continental, sont considérés comme les étages de base du quaternaire, bien que les sites qui ont donné leurs noms aux étages ne correspondent pas exactement aux caractéristiques que l'on attribue désormais à la période qu'ils désignent. En Europe du Nord, le villafranchien débute par une période froide, le prétiglien, qui correspondrait à la glaciation de donau dans les Alpes. Le séquoia est alors définitivement éliminé de l'Europe. Après le réchauffement tiglien, plusieurs épisodes froids se succèdent, parmi lesquels figure la glaciation de Günz, qui daterait de 650 000 à 500 000 ans. Au cours du günz, les mastodontes disparaissent et les bovidés primitifs (Leptobos etruscus) se raréfient. Le rhinocéros étrusque cède progressivement place au rhinocéros de Merck. Equus Stetonis, le premier cheval connu, apparaît et se substitue à l'hipparion tridactyle du cénozoïque. Mais les épisodes froids du villafranchien ne semblent atteindre qu'une partie de l'Europe. Alors que les conifères se répandent dans les plaines de l'Europe du Nord, le climat du sud-ouest de la France reste encore chaud et sec.

L'apparition des hominidés
Les hominidés apparaissent approximativement à la fin du tertiaire en Afrique. Un hominidé vieux de 7 millions d'années, Toumaï, a été découvert au Tchad. Le plus ancien australopithèque reconnu avec certitude, découvert dans la vallée de l'Omo, en Éthiopie, date de 4,4 millions d'années. L'homme est présent en Europe depuis plus d'un million d'années.

La flore
À partir du quaternaire moyen, la flore exotique héritée du pliocène disparaît complètement. Au cours de l'interglaciaire günz-mindel, connu sous le nom de cromérien, la forêt de chênes, d'ormes et de tilleuls s'étend aux dépens des aulnes, des bouleaux et des pins. La faune chaude, qui comprend l'éléphant antique, le rhinocéros de Merck, l'hippopotame majeur et le machairodus, occupe encore le territoire européen. La glaciation de Mindel provoque l'expansion des espèces végétales boréales en Europe. Le renne peuple une partie du continent, alors qu'Elephas meridionalis disparaît. La présence de l'homme est attestée à Vértesszôllôs, en Hongrie, et à Terra Amata, au pied du mont Boron, près de Nice, au cours d'interstades mindéliens. Réduit à des galets aménagés au début de l'occupation du site de Terra Amata, l'outillage s'affine ensuite. Les gisements du dernier interglaciaire livrent des bifaces.

L'interglaciaire mindel-riss
L'interglaciaire mindel-riss paraît plus chaud et plus humide que le climat actuel. Aux abords de la mer Méditerranée, un paléosol rouge, le ferretto, est le témoin d'une altération des roches active et profonde. Le site de Saint-Acheul, qui a donné son nom à l'acheuléen, est occupé par ses premiers habitants. En Chine, à Zhoukoudian, un hominidé, le sinanthrope, dont les ossements sont associés à des galets taillés et à des restes de cerfs, occupait vraisemblablement la grotte du site I lors de l'interglaciaire mindel-riss.
5.2. Le quaternaire supérieur (de – 200 000 ans à aujourd'hui)
La glaciation du riss (de – 200 000 à – 120 000 ans)

La glaciation rissienne commence il y a 200 000 ans et s'achève vers – 120 000. Au cours du premier interstade, dans une steppe peuplée de rennes, de chevaux et de rhinocéros, vit l'homme de Tautavel (Pyrénées-Orientales), qui a laissé le plus ancien crâne d'hominidé daté avec certitude en Europe. Les derniers représentants de la faune de climat chaud, tels le tigre à dents de sabre et le rhinocéros étrusque, s'éteignent peu à peu. Au cours d'interstades, l'éléphant antique et l'hippopotame, repliés vers le sud, se répandent de nouveau. Mais, seul, le rhinocéros de Merck atteint l'interglaciaire riss-würm en Europe. Le renne et le mammouth se multiplient. À proximité même de Terra Amata, la grotte du Lazaret, occupée vers – 150 000, indique combien la faune a changé : le gibier est désormais composé de bouquetins et de marmottes.

L'interglaciaire riss-würm (de – 120 000 à – 75 000 ans)
L'interglaciaire riss-würm (de – 120 000 à – 75 000 ans), représenté par l'élémien de l'Europe du Nord, est défini par des dépôts lacustres et marins qui reposent sur des argiles morainiques rissiennes et qui supportent les dépôts fluvio-glaciaires de la dernière glaciation. Le niveau de la mer est alors à peine supérieur au niveau actuel (environ de 6 à 8 m). La reconquête de l'Europe du Nord par la chênaie mixte est en cours pendant la deuxième des six phases climatiques, puis recule lors de la troisième phase, plus humide. Le charme et l'aulne se répandent jusqu'aux approches de la dernière glaciation, marquée, au cours de la cinquième phase, par la disparition des arbres à feuilles caduques. Les paléanthropiens, comme l'homme de Neandertal, dont le cerveau est plus développé dans la partie occipitale que dans l'aire frontale, sont dispersés à travers de vastes espacés.

La glaciation du würm (de – 75 000 à – 10 000 ans)
Au würm (de – 75 000 à – 10 000 ans), dernière glaciation du quaternaire, les glaciers n'ont pas rejoint partout la limite extrême atteinte en Europe par les glaciers rissiens, mais le froid a été encore plus vif. La faune arctique, renne, bœuf musqué, perdrix des neiges, envahit l'Europe. Bouquetins, chamois et marmottes descendent vers les plaines, où ils rencontrent bisons et aurochs. Cerfs et sangliers prolifèrent lors des interstades, au cours desquels le climat se réchauffe. Au würm moyen, vers – 35 000, Homo sapiens apparaît à Cro-Magnon, à Chancelade, à Grimaldi. Les crânes de ces néanthropiens révèlent la croissance de la partie antérieure du cerveau. À cette époque également, les industries se diversifient et les représentations artistiques sont de plus en plus nombreuses. Lorsque se développe la civilisation aurignacienne, l'homme fabrique des pointes de sagaie et des pics en bois de renne, grave des signes et des formes animales. Cette civilisation a laissé des traces de l'extrémité de l'Europe occidentale à la vallée du Don. Son apparition semble plus tardive sur les rives orientales de la Méditerranée. La technique évolue : l'aiguille d'os et les pointes très minces en feuilles de laurier signalent en Europe occidentale le passage au solutréen, à partir de – 18000 environ.

Le tardiglaciaire
Au tardiglaciaire (würm supérieur), des vagues de froid se poursuivent. La toundra, caractérisée par une rosacée en coussinet, Dryas octopetala, qui a donné son nom aux trois stades du dryas, s'étend sur l'Europe septentrionale et médiane. Mais, sous les latitudes moyennes, l'été est plus long et plus ensoleillé que dans la toundra actuelle. Les hommes et de nombreux animaux, comme l'ours des cavernes, se réfugient dans les grottes.

5.3. L'holocène ou postglaciaire (de – 10 000 ans à aujourd'hui)
Une rapide fusion des glaciers, amorcée en Europe il y a dix mille ans environ, marque le début de la transgression flandrienne, qui modifie le tracé des littoraux. Les rivages, situés vraisemblablement entre 120 et 70 m au-dessous du niveau actuel lors du maximum glaciaire et entre 100 et 50 m au würm, lors de la régression préflandrienne, se rapprochent du niveau actuel. Après avoir été libérées rapidement du poids des glaciers, les marges continentales se sont soulevées, lentement, par compensation isostatique. Le mouvement n'est pas encore achevé aujourd'hui; il se poursuit au rythme de 10 m par millénaire dans les îles et les continents proches de la zone arctique. Le mammouth, le rhinocéros laineux et l'ours des cavernes disparaissent. Le renne remonte vers le nord. Au cours du préboréal, la forêt colonise les plaines occupées auparavant par la toundra. La tourbe commence à s'accumuler dans les dépressions mal drainées. La fusion de l'inlandsis scandinave provoque, au cours des périodes daniglaciale et gothiglaciale, le recul du front glaciaire et la formation d'un lac baltique où s'accumulent les argiles à varves. La mer à Yoldia submerge le lac à la suite du relèvement glacio-eustatique du niveau marin.

Le boréal (de – 8 500 à – 7 500 ans)
Au boréal (environ de – 8 500 à – 7 500 ans), l'orme et la chênaie mixte se substituent aux pins et aux bouleaux, premiers colonisateurs de la toundra. En Fennoscandie, la compensation isostatique annule, entre – 9 000 à – 8 000 ans, les effets de la transgression. Le lac à ancylus succède à la mer à yoldia. Le climat, encore sec, devient humide au cours de l'Atlantique (de – 7 500 à – 4 500 ans) et se réchauffe. La reprise de la transgression flandrienne pendant cette période atlantique et le ralentissement du mouvement isostatique changent le lac Baltique en mer à littorines vers – 4 000 ans. Le pas de Calais se forme à la même époque.

Le subboréal (de – 4 500 à – 2 800 ans)
Entre – 4 500 et – 2 800 ans environ, au subboréal, le climat devient moins chaud et plus sec qu'au cours de l'atlantique. L'expansion du hêtre, l'humification et l'acidification des tourbières indiquent ensuite un retour à l'humidité qui distingue le subatlantique.

L'action de l'homme au postglaciaire
Au cours de la période postglaciaire, l'action de l'homme s'est considérablement renforcée. Certes, de nombreux groupes vivent encore pendant longtemps de la chasse, de la pêche et de la cueillette, prolongeant le paléolithique par l'épipaléolithique. Mais, en Orient, s'amorce dès le ixe millénaire une économie de production. La domestication, puis la culture des céréales favorisent la sédentarisation. Ce mode de vie néolithique se propage vers l'Europe occidentale. Succédant à la métallurgie du cuivre, l'âge du bronze, qui commence au iiie millénaire, marque le début de la protohistoire.

 

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