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LES DIMENSIONS CACHÉES DE L'UNIVERS

 

Texte de la 528 ème conférence donnée à lUniversité de tous les savoirs le 15 juin 2004


Le Supermonde et les Dimensions Cachées de lUnivers
par Pierre Fayet


Les symétries et leur rôle
Particules, Interactions et Symétries
Dans lexposé précédent, Gerard t Hooft nous a initié au monde microscopique des particules élémentaires et des interactions fondamentales. Celui-ci appartient aussi à lUnivers dans son ensemble, dont lobservation peut nous fournir certaines des clés nécessaires à notre compréhension.
On va discuter ici de particules, et dinteractions entre ces particules. Dans ce monde qui semble fort complexe, une notion vient mettre de lordre, celle de symétrie, absolument fondamentale. Les particules narrivent pas seules, mais sont rangées en des ensembles que lon appelle des multiplets. Elles existent en quelque sorte en plusieurs exemplaires aux propriétés semblables ou voisines, reliés par des symétries, faisant intervenir des transformations permettant de passer dun état dune particule à un autre état de particule. Par exemple dun état proton à un état neutron, ou dun neutrino à un électron. Ces symétries jouent un rôle déterminant dans le monde des particules et des interactions, en établissant des liens entre particules, des liens entre interactions, et même, comme nous allons le voir, en étant directement responsables de lexistence des diverses sortes dinteractions.
Nous allons parler des particules, et des constituants de la matière en premier lieu. De la matière ordinaire bien sûr, faite délectrons, et de protons et de neutrons, eux-mêmes constitués de quarks. Mais il existe aussi dautres sortes de particules, dautres formes de matière. Il y a déjà lantimatière, on le sait depuis longtemps. La théorie quantique des champs nous dit que les particules doivent être accompagnées dantiparticules de même masse, mais dont les autres caractéristiques comme la charge électrique sont opposées. Nous verrons aussi, avec la supersymétrie qui constituera lessentiel de notre sujet, que les particules peuvent avoir des sortes de doubles, reflets par supersymétrie des particules ordinaires, que lon appelle aussi des superpartenaires. Parmi eux, les neutralinos pourraient constituer la mystérieuse Matière Sombre qui semble le principal composant de la matière de notre Univers.
Nous allons aussi parler des interactions entre particules, responsables des forces qui sexercent entre elles, de leurs collisions (qui peuvent, ou non, en changer la nature), et le cas échéant de leurs processus de désintégration. Elles sont de quatre types : fortes, électromagnétiques, faibles et gravitationnelles. Ces dernières, bien que très importantes au niveau macroscopique, sont en fait extrêmement faibles, lorsque lon considère leur action entre particules prises individuellement. On sera souvent amenés à les ignorer ou à les négliger, au moins dans une première étape.
Les interactions électromagnétiques nous sont assez familières, et incluent notamment tous les phénomènes qui concernent la lumière, les ondes radio, les rayons X, etc. Les interactions fortes font que les quarks se regroupent, trois par trois, pour former les protons et les neutrons, ceux-ci sassociant ensuite en noyaux datomes. Les interactions
faibles sont elles aussi essentielles, en permettant notamment les réactions nucléaires de fusion qui alimentent le Soleil en énergie.
Nous avons appris que chacune de ces quatre sortes dinteractions fondamentales se trouve associée à lexistence de symétries particulières : symétries de jauge dans le cas des interactions fortes, électromagnétiques et faibles, ou symétries despace-temps, à la base de la relativité, pour ce qui est de la gravitation. Mais peut-être y a-t-il encore dautres sortes dinteractions, dont lexistence nous aurait échappé ? Et quen utilisant des généralisations successives de la notion de symétrie, on sera amenés à postuler lexistence de nouvelles particules, et de nouvelles formes dinteractions, qui nous seraient encore inconnues.
Pour aller plus loin : Supersymétrie, et dimensions supplémentaires
Ces interactions et ces symétries sont à loeuvre dans un univers. Notre expérience nous conduit à le représenter en trois dimensions, correspondant par exemple à la longueur, à la largeur et à la hauteur des objets qui sy trouvent. Mais on a quelques raisons de penser quil pourrait exister aussi des dimensions supplémentaires, qui nous seraient cachées. Comment celles-ci pourraient-elles se manifester, sont-elles grandes ou petites, et ny en aurait-il pas dencore plus bizarres, pour lesquelles la notion intuitive de distance perdrait sa signification ? Nous y reviendrons un peu plus loin.
Lessentiel de notre sujet va être la supersymétrie. Jai indiqué en sous-titre Une nouvelle symétrie de la physique des particules et des interactions fondamentales ?, avec un point dinterrogation pour rappeler que ce que lon va dire là-dessus demeure hypothétique. Ces théories ont été développées depuis un certain temps déjà, remontant aux années 1970. Elles peuvent dans lavenir se révéler justes, ou non. Il se peut que lon fasse fausse route, que lon soit sur une mauvaise piste. Mais cette piste des symétries sest montrée extrêmement fructueuse dans le passé et jusquà présent, et il est naturel de tenter de la poursuivre un peu plus loin, lavenir se chargeant de juger de la pertinence de cette démarche.
Nous verrons que lune des conséquences les plus remarquables de la supersymétrie, lorsque nous lappliquerons au monde des particules élémentaires, va être que celles-ci doivent avoir des sortes de doubles, ou superpartenaires. Si tel est le cas la moitié au moins du monde des particules aurait échappé à notre observation ! Lun des sujets essentiels de la physique des particules et interactions fondamentales aujourdhui, et aussi de la physique de lUnivers, consiste à tenter de mettre en évidence ces nouveaux objets, sils existent. Un indice peut-être ? La Matière Sombre souvent appelée aussi matière noire de lUnivers pourrait être constituée, pour lessentiel, de ces nouvelles particules dont lexistence est ainsi postulée par les théories de supersymétrie.
Symétries despace-temps, et symétries de jauge
Avant de rentrer véritablement dans le vif du sujet, nous allons revenir sur la notion de symétrie sur laquelle la physique des particules et interactions fondamentales sappuie depuis tr`es longtemps, et sur un certain nombre de ses généralisations successives. Le premier exemple de symétrie auquel on pense généralement est la symétrie par rapport à un miroir : on considère un objet et on le regarde dans le miroir. Lobjet et son image nous apparaissent alors comme ayant essentiellement les mêmes propriétés, obéissant lun et lautre aux mêmes lois physiques du moins tant que lon ne sintéresse pas aux interactions faibles, qui régissent notamment les désintégrations radioactives de certaines particules, ou de certains noyaux atomiques. Il sagit là dune symétrie, dite discrète, qui échange les rôles de la main gauche et de la main droite, et donc des deux orientations, gauche et droite, de lespace.
On peut aussi considérer dautres symétries analogues, comme le renversement du sens du temps qui échangerait le passé et le futur. Et se demander si, ou plutôt dans quelle mesure, les lois physiques fondamentales sont bien invariantes par rapport à lopération qui consisterait à échanger les rôles du passé et le futur.
Dautres symétries despace-temps nous sont aussi familières, comme les translations et les rotations. On prend un objet, on peut le déplacer, et on sait que les lois physiques fondamentales sont (bien sûr dans un espace-temps qui serait par ailleurs vide) invariantes par translation, dans lespace comme dans le temps. En labsence dobjets extérieurs la physique ici est la même que la physique là ; et la physique dhier et celle daujourdhui, ou de demain, sont aussi les mêmes. Les lois physiques sont, de plus, invariantes par rotation : dans lespace (vide), il ny a pas de direction privilégiée. Toutes ces symétries sont des symétries despace-temps, et lon sera amenés à compléter cet ensemble en y rajoutant les transformations de Lorentz, qui sont à loeuvre en relativité et permettent dy relier lespace et le temps.
Il y a encore dautres symétries fondamentales, qui sont les symétries de jauge. On les rencontre déjà en électromagnétisme. Lorsque lon considère un champ magnétique , on peut lexprimer à laide dune certaine expression mathématique appelée potentiel vecteur ( ). Mais il y a plusieurs expressions possibles pour , en fait une infinité, qui toutes permettent de décrire le même champ magnétique. Laquelle choisir, et lune dentre elles devrait-elle être privilégiée ? Il nen est rien. Il y a là un principe dit dinvariance de jauge, selon lequel la physique ne dépend pas du choix particulier des expressions mathématiques utilisées pour la décrire.
Ce principe général est à loeuvre dans les symétries entre particules et entre interactions, notamment dans les théories dites de Yang et Mills, généralisations de lélectromagnétisme, qui vont permettre de décrire à la fois les interactions fortes, dune part, et les interactions électromagnétiques et faibles, dautre part.
Relativité, et gravitation
Mais revenons aux symétries despace-temps, en rappelant que, dans le cadre de la relativité, lespace et le temps jouent des rôles analogues. Le temps, qui peut être mesuré par des horloges en mouvement, les unes par rapport aux autres, perd alors son caractère absolu, universel, et devient relatif au référentiel choisi pour le mesurer.
Les transformations de Lorentz, qui permettent de transformer un objet au repos en un objet en mouvement (ou de passer dun référentiel considéré comme au repos à un autre en mouvement) sont alors capables de relier les coordonnées despace et de temps. Au lieu de considérer séparément lespace et le temps, on est conduit à les traiter comme formant une entité unique, et lon décrit les événements comme associés à des points (ou des quadrivecteurs) dans cet espace-temps à quatre dimensions, trois despace et une de temps.
La théorie de la relativité nous dit alors que les lois physiques fondamentales sont invariantes non seulement par rapport aux translations, dans lespace comme dans le temps, aux rotations dans lespace, mais aussi par rapport aux transformations de Lorentz qui apparaissent un peu comme des rotations généralisées de lespace-temps. Il sagit là de la théorie de la relativité dite restreinte.
Celle-ci a ensuite été généralisée par Einstein pour létendre dun espace-temps plat à un espace-temps courbe. Lorsque lon décrit la physique dans un tel espace-temps courbe, comme le fait la théorie de la relativité générale, la force de gravitation apparaît comme une force dinertie, que lon peut faire disparaître en chaque point par le choix dun référentiel approprié, en chute libre. Ceci nécessite au passage luniversalité de la chute libre, cest-à-dire que le mouvement de chute libre dun corps soit bien indépendant de sa composition (ce qui sexprime en un autre langage par lidentité de la masse inerte et de la masse gravitationnelle). Une particule soumise à une force de gravitation apparaît alors comme allant (localement) tout droit, mais dans un espace-temps qui, lui, est courbe. Et ce qui courbe lespace-temps, ce sont les masses, ou plus précisément les densités dénergie, et même dénergie-impulsion, comme lexpriment les équations dEinstein de la relativité générale.
Superespace, et dimensions supplémentaires

 

VIDEO               CANAL  U              LIEN

 

(si la  video n'est pas accéssible,tapez le titre dans le moteur de recherche de CANAL U.)

 
 
 
 

CRYPTOGRAPHIE

 

Paris, 09 mai 2014


Un nouvel algorithme secoue la cryptographie

Des chercheurs du Laboratoire lorrain de recherches en informatique et ses applications (CNRS/Université de Lorraine/Inria) et du Laboratoire d'informatique de Paris 6 (CNRS/UPMC) viennent de résoudre un pan du problème du logarithme discret, considéré comme l'un des « graals » de la théorie algorithmique des nombres, à la base de la sécurité de nombreux systèmes cryptographiques utilisés aujourd'hui. Ils ont ainsi conçu un nouvel algorithme (1) battant en brèche la sécurité d'une variante de ce problème, pourtant étudiée avec attention depuis 1976. Ce résultat, publié sur le site de l'International association of cryptologic research et sur l'archive ouverte HAL sera présenté lors de la conférence internationale Eurocrypt 2014 qui se tiendra à Copenhague du 11 au 15 mai 2014 et publié dans Advances in cryptology. Il permet d'ores et déjà de rejeter plusieurs systèmes cryptographiques supposés jusqu'alors offrir des garanties de sécurité suffisantes. Bien qu'encore théoriques, ces travaux devraient avoir des répercussions, notamment dans les applications cryptographiques des cartes à puces, des puces RFID (2) etc.
Pour protéger la confidentialité de l'information, la cryptographie cherche à utiliser des problèmes mathématiques difficiles à résoudre, même pour les machines les plus puissantes et les algorithmes les plus sophistiqués.

La sécurité d'une variante du logarithme discret, réputé très difficile, a été battue en brèche par quatre chercheurs du CNRS, d'Inria et du Laboratoire d'informatique de Paris 6 (CNRS/UPMC) : Pierrick Gaudry, Răzvan Bărbulescu, Emmanuel Thomé et Antoine Joux (3). L'algorithme conçu par ces chercheurs se démarque des meilleurs algorithmes connus jusqu'alors pour ce problème. D'une part il est significativement plus simple à expliquer et d'autre part sa complexité est bien meilleure : ceci signifie qu'il est à même de résoudre des problèmes de logarithmes discrets de plus en plus grands, en voyant son temps de calcul croître beaucoup plus modérément que par les algorithmes précédents. Le  calcul de logarithmes discrets associé aux problèmes voulus difficiles pour les applications cryptographiques s'en trouve grandement facilité.

Résoudre cette variante du logarithme discret étant désormais à la portée des calculateurs actuels, il devient donc inenvisageable de reposer sur sa difficulté dans les applications cryptographiques. Ces travaux sont encore à un stade théorique et l'algorithme doit encore être affiné avant de pouvoir fournir une démonstration pratique de la faiblesse de cette variante du logarithme discret. Néanmoins, ces résultats ouvrent une faille dans la sécurité cryptographique et la voie à d'autres recherches. En effet, il pourrait être adapté afin de tester la solidité d'autres solutions cryptographiques.


Notes :
(1) Une méthode constituée d'une suite d'instructions permettant à un ordinateur de résoudre un problème complexe.

(2) Une puce RFID est une puce informatique couplée à une antenne lui permettant d'être activée à distance par un lecteur et de communiquer avec lui.

(3) Antoine Joux qui était rattaché au Laboratoire parallélisme, réseaux, systèmes, modélisation (PRISM) (CNRS/UVSQ) au moment de la publication en open access est actuellement chercheur au Laboratoire d'informatique de Paris 6 (CNRS/UPMC) et a obtenu depuis la Chaire de cryptologie de la Fondation UPMC
.

 

DOCUMENT              CNRS                LIEN

 
 
 
 

PARTICULES ET UNIVERS

 

Particules et Univers : observation, données, information


Directeur scientifique : Jacques Martino (IN2P3/CNRS)
Directeur du programme : Stavros Katsanevas (IN2P3/CNRS)
Président du conseil scientifique : François Bouchet (INSU/CNRS)
Contact Mission pour l'interdisciplinarité : Laurence El Khouri
 
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Présentation du programme
1/ Contexte
Le domaine scientifique couvert par le programme se situe à l’interface entre la physique (astrophysique, physique théorique, physique nucléaire, et physique des particules), les sciences et technologies de l’information et de l’ingénierie (en raison de liens forts avec la technologie des capteurs de grande sensibilité et avec le calcul massif), et l’environnement, les géosciences et le développement durable (liens développés plus récemment en raison des transferts potentiels de technologies innovantes développées par le programme).
La thématique est récente, même si une partie de la problématique est ancienne (rayons cosmiques, matière noire, cosmologie). Elle se développe vigoureusement partout dans le monde et s’appuie fortement sur de grands instruments au sol ou dans l’espace. Le CNRS a su très tôt faire émerger et structurer le domaine des astroparticules et il a joué un rôle pionnier en Europe. Dès 2000 il a lancé le programme Astroparticules et la commission interdisciplinaire astroparticules (CID 47) et il a décidé le financement de deux TGE du domaine : VIRGO, puis HESS.
Ce rôle pionnier en Europe est reconnu par le fait que le CNRS co-ordonne à présent deux ERANET (European Research Area NETworks) du FP6 : ASPERA, directement lié au domaine et ASTRONET qui l’inclut dans sa problématique. Le CNRS joue un rôle central (avec le CEA qui en est le coordinateur) dans le réseau I3/FP6 d’infrastructures souterraines ILIAS. Dans les années à venir, ces réseaux vont lancer des appels d’offre d’envergure européenne.
2/ Objectifs et plus-value attendue
Le programme « Particules et Univers, Observation, Données, Information» (2008-2012) se propose de structurer la communauté des chercheurs autour de 3 thématiques scientifiques et 5 actions transversales. Les trois thématiques scientifiques sont :
    ▪    La cosmologie
    ▪    L’étude de l’Univers violent grâce aux messagers de haute énergie
    ▪    Les ondes gravitationnelles
Les cinq actions transversales sont :
    ▪    Développement de nouveaux capteurs de grande sensibilité à plusieurs longueurs d’onde (des ondes radio aux rayons gamma).
    ▪    Développement des systèmes distribués de capteurs, autonomes (du point de vue de l’énergie) et « intelligents » (traitement et calcul local) pouvant être déployés dans des milieux hostiles (désert, fond sous-marins, caves souterraines)
    ▪    Développement de nouvelles techniques de calcul requises pour la simulation théorique et l’analyse de la grande masse de données produites par les observatoires du domaine
    ▪    Valorisation des observatoires et des techniques pour l’environnement et le développement durable (géosciences, biologie de l’extrême, suivi du climat et des risques climatiques ou géologiques)
    ▪    Etudes philosophiques, comparaisons anthropologiques et communication sur la problématique fondamentale de l’origine de l’Univers et des phénomènes cosmiques. Soutien à l’éducation et aux actions grand public sur les thématiques du programme.
Plus spécifiquement les buts du nouveau programme sont :
    ▪    Intensifier l’effort interdisciplinaire de retour scientifique et valorisation pour les grandes infrastructures de l’astroparticule qui viennent d’entrer en opération (HESS, AUGER, ANTARES, VIRGO,…) ou entreront en opération dans les années à venir (par exemple PLANCK et GLAST en 2008)
    ▪    Organiser les efforts de calcul: simulations théoriques, algorithmique et méthodologies de calcul
    ▪    Structurer la R&D sur l'électronique et les détecteurs des expériences futures et encourager le développement de méthodes innovantes de détection des messagers cosmiques.
    ▪    Structurer la réponse des groupes français aux appels d’offre des réseaux européens du domaine (ASTRONET, ASPERA) coordonnés par le CNRS (par exemple ERANET+)
    ▪    Inciter des travaux de valorisation des techniques de l’astroparticule pour les géosciences, l’environnement et le développement durable.
    ▪    Inciter des travaux des sciences humaines et sociales sur les thèmes de l’origine de l’Univers et des phénomènes cosmiques (rayons cosmiques, supernovae, trous noirs, matière et énergie noire), leur réception sociétale, leur potentiel d’attractivité pour la science, leurs modes de communication et réception, leur comparaison anthropologique avec d’autres systèmes de pensée, leur couplage aux faits religieux. Inciter des actions de diffusion de connaissances.
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3/ Enjeux scientifiques interdisciplinaires
Astrophysique
Certains des grands problèmes de l’astrophysique font intervenir des phénomènes de haute énergie où l'instrumentation de la physique des particules est nécessaire à l'observation. Du point de vue de l’astrophysicien, les questions fondamentales du domaine portent sur l’Univers primordial, sur la formation des structures à l'origine des premières étoiles, des galaxies et des amas de galaxies, mais aussi sur la structure et la géométrie de l’Univers et sur la physique des objets compacts comme les trous noirs et leur environnement. Du point de vue observationnel, il faut observer l’Univers non seulement de façon conventionnelle en détectant des photons, en étendant le spectre observé jusqu'aux plus hautes énergies mais de plus, faire appel à de nouveaux messagers comme les ondes gravitationnelles et les neutrinos.
Physique des particules
D’un autre côté, l’Univers peut servir de laboratoire pour résoudre des problèmes fondamentaux de la physique théorique ou de la physique des particules. Ainsi, l’étude des premiers instants de l’Univers est-elle intimement liée à la physique des particules élémentaires, qui devra par exemple expliquer comment la matière a pris le pas sur l’antimatière. Ensuite, l’expansion de l’Univers dépend de la quantité de matière non lumineuse (ou matière "noire"). De plus, l’accélération de l’expansion de l’Univers observée à travers la mesure des Supernovae implique une énergie "noire". Ces questions fondamentales sont reliées au nombre de dimensions de l’Univers qui pourrait en comporter jusqu'à 11 : les 4 dimensions de l'espace-temps habituel et des dimensions compactes.
Théorie
Du point de vue théorique, le domaine fait appel aux spécialités suivantes : gravitation relativiste, accélération de particules dans les plasmas astrophysiques, physique de l'accrétion-éjection, théories de champs forts, théories des particules, modèles cosmologiques, astrophysique nucléaire.
Environnement et développement durable
Les observatoires de l’astroparticule peuvent servir aux thématiques des géosciences, du climat et de du développement durable de deux façons. D’abord grâce à l’utilisation de la technologie des réseaux étendus de capteurs intelligents déployés dans des milieux souvent hostiles ; ces réseaux peuvent fournir des grandes masses de données de suivi du climat et des risques en temps réel. En outre, des études originales peuvent être faites avec ces mêmes instruments (bioluminescence, origine des nuages et des orages, rôle des rayons cosmiques sur les évolutions cellulaires, étude des microorganismes découplés du reste de l’évolution)
Développement des capteurs et calcul massif
Les observatoires du domaine ont besoin de développer des capteurs innovants de grande sensibilité, parfois à bas coût et se construisent en partenariat avec les chercheurs de l'institut INST2I du CNRS et avec l’industrie (PHOTONIS, SAGEM,THALES). Autre « outil » essentiel : le traitement massif de données qui occupe une place de plus en plus importante dans les activités des communautés scientifiques concernées.
L’origine du cosmos et les phénomènes cosmiques : un enjeu de société
Il s’agit là d’une des interrogations les plus anciennes de l’humanité, apparue avec les mythes, puis les religions et dès le début de l’école rationaliste. Ces questions ne sont vraiment traitées scientifiquement que depuis le vingtième siècle avec la cosmologie. Le CNRS possède l’envergure nécessaire pour largement valoriser et diffuser ces connaissances sur un sujet aussi attractif et pour s’investir dans ce domaine où toutes les disciplines ont leur mot à dire.
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4/ Modes d'action
Une partie du budget (entre 5 et 10%) sera consacrée à des actions d'animation, dont le financement du GDR PCHE. D’autres structures qui souhaiteraient dans le futur servir de structure d’animation scientifique pour le programme pourraient se voir déléguer l’organisation de ces actions d’animation et être financées de la même manière, pour des coûts restant faibles. L’évaluation de ces projets sera faite par les conseils scientifiques des structures en question.
Le gros du budget servira à des actions majeures de soutien au retour scientifique, R&D ou améliorations des détecteurs existants, calcul et actions interdisciplinaires. Une partie de ces sommes serait disponible pour la participation à des appels d’offre européens (ERANET+). La distribution des fonds se fera annuellement, après un appel d’offres qui aura lieu en début d’année, et évaluation par le conseil scientifique du programme ; le comité de pilotage validera les actions du programme.
Les objectifs en termes de résultats scientifiques, d’organisation et de projets sont explicités ci-dessous et pourraient servir de grille d’évaluation du succès du programme au terme du mandat de 4 ans.
    ▪    Aide au retour scientifique et animation scientifique.
    ▪    Aide à la construction et la R&D.
    ▪    Algorithmique et méthodologie de calcul, traitement et fusion des données
    ▪    Etudes pour l’environnement et le développement durable.
    ▪    Etudes de communication et réception scientifique.
5/ Partenariats
Tous les projets se font avec un partenariat international.
La dimension européenne est très forte à travers les deux ERANET européens en liaison directe ou indirecte avec la thématique, coordonnés par le CNRS. Les grandes infrastructures du programme sont incluses dans les feuilles de route européennes de ces ERANET et en partie dans la feuille de route de l’ESFRI (KM3, SKA). Le financement des actions communes au niveau européen est en discussion dans le contexte des réseaux ERANET.
Les observatoires des astroparticules relèvent de plusieurs organismes aux Etats Unies (NSF, DOE, NASA). Le programme coordonnera ses actions avec celles des corps scientifiques et exécutifs aux Etats-Unis en relation avec les astroparticules. Des liens institutionnels avec le Japon et la Chine sont aussi en développement.
Il y aura plusieurs actions de recherche, communication et éducation en partenariat avec les Universités.
Le soutien fort de la région PACA pour ANTARES et de la HAUTE-SAVOIE pour le laboratoire du Fréjus sont des partenariats bienvenus, qui seront intensifiés dans le cadre du CPER (extension ANTARES et extension du laboratoire de Fréjus).
Au sein du programme actuel, des contacts fructueux ont été établis avec l’industrie (par exemple PHOTONIS, SAGEM, THALES). Des contacts préliminaires existent avec plusieurs compagnies pour le développement des détecteurs matriciels, la valorisation des échantillonneurs rapides et les processeurs embarqués d’intelligence distribuée.
Des partenariats autour du calcul massif et l’intelligence distribuée existent et vont s’intensifier avec les centres importants de calcul du CNRS et de ses partenaires
Il existe de nombreux projets spatiaux dans le domaine des astroparticules. Le CNES est un partenaire naturel et important du programme.
6/Descriptif du programme
Structure de l’Univers
L’étude de la structure et de l’évolution de l’Univers s’appuie en partie sur l’étude des propriétés des particules élémentaires et leurs interactions. Elle s’appuie également sur les observations de l’Univers à grande échelle, qui contraignent les modèles cosmologiques, avec d’importantes conséquences pour la physique subatomique.
Les expériences étudiant le rayonnement fossile comme le satellite Planck, permettent de mesurer les paramètres cosmologiques fondamentaux : taux d’expansion de l’Univers, taux d’accélération de l’expansion, quantité totale de matière noire, géométrie de l’Univers, etc. Après Planck, des expériences de mesure de la polarisation du fonds diffus cosmologique, au sol et à l’espace, qui permettront de sonder le potentiel à l’origine des fluctuations cosmologiques, sont à l’étude.
Dans le même ordre d’idées, les observations de supernovae lointaines suggèrent que l’expansion de l’Univers est dans une phase d’accélération. Les programmes de télescopes au sol et à l’espace (par exemple télescope LSST au sol et SNAP, proposé à la NASA ou DUNE, proposé à l’ESA) testeront cette hypothèse avec précision.
Le champ d’action du programme devra inclure le développement des outils de traitements massifs de données nécessités par les mission Planck et Energie Noire (LSST/DUNE/SNAP) ainsi que la R&D pour les détecteurs matriciels en proche infrarouge (énergie noire) et submillimétrique (fonds diffus cosmologique). Cette R&D devrait naturellement impliquer le CNES.
Pourra-t-on détecter directement la matière noire? Les observations astronomiques tentent plus particulièrement de détecter des astres sombres de masse sub-stellaire. Les résultats sont plutôt négatifs et suggèrent que le halo de matière noire de la Galaxie serait essentiellement constitué de particules élémentaires hypothétiques, les « mauviettes» ou WIMPS (Weakly Interacting Massive Particles). Particules que l’expérience EDELWEISS en cours dans le laboratoire souterrain de Modane tente d’identifier via leurs collisions avec la matière ordinaire. Le programme se donne comme objectif d’accompagner la phase 30 kg de l’expérience Edelweiss dans les années à venir.
Phénomènes à haute énergie dans l’Univers
L’Univers est un laboratoire extraordinaire. On y trouve ainsi des conditions extrêmes, inaccessibles sur Terre, tant dans l’Univers primordial que dans le voisinage des trous noirs et des étoiles à neutrons, où règnent des champs gravitationnels et/ou magnétiques très intenses. Les trous noirs sont observés à différentes échelles de masse : masses stellaires avec les microquasars, mais aussi masses plusieurs centaines de millions de fois plus importantes avec les noyaux actifs de galaxie. Ces objets sont entourés par des disques d'accrétion émettant notamment dans le domaine des rayons X et certains présentent des jets relativistes éjectant une partie de la matière accrétée. Les sursauts gamma situés à des distances cosmologiques, comptent parmi les sources d’énergie les plus puissantes de l’Univers sont certainement liés à des processus physiques au voisinage des trous noirs et à l'éjection d'un jet ultra-relativiste proche de la direction visée. Leur extrême luminosité en fait des traceurs naturels de l'Univers distant et donc observé très peu de temps après le Big Bang, lorsque se forment les premières générations d'étoiles qui réionisent l’Univers. Tout comme les quasars, les sursauts gamma permettent également de sonder le milieu interstellaire de leur galaxie hôte ainsi que le milieu intergalactique.
Quelle est la nature des accélérateurs de rayons cosmiques ? L'astronomie gamma a déjà mis en évidence diverses sources de particules de haute énergie, mais pas celles que l'on attendait en priorité, à savoir les restes de supernovae. Déterminer les rôles respectifs des divers types de sources dans la production des rayons cosmiques sur les 10 ordres de grandeur en énergie couverts par leur spectre reste aujourd'hui un défi de taille pour la thématique des astroparticules. Pour le relever, on compte d'abord sur la sensibilité accrue des nouveaux instruments dans les divers domaines de l'astronomie gamma : le satellite GLAST (haute énergie) prévu pour 2008 et, aux très hautes énergies, l'expérience franco-allemande HESS déjà en fonctionnement en Namibie et ses suites. Ensuite interviendront les détecteurs des nouveaux messagers que sont les neutrinos et les ondes gravitationnelles (voir section suivante).
Les rayons cosmiques d'énergie ultra-haute posent des questions spécifiques : les mécanismes d'accélération dans les objets astrophysiques connus ont du mal à rendre compte d'énergies supérieures à 1019 eV. De plus, les interactions de ces rayons cosmiques avec les photons du fond cosmologique devraient normalement dégrader leur énergie (sauf cas de sources relativement proches) et l'on s'attend à une coupure du spectre à 1020 eV. L’étude des rayons cosmiques ultra-énergétiques avec une sensibilité inégalée et leur corrélation éventuelle avec des sources astrophysiques est l’objectif du projet international Auger, qui voit se terminer le déploiement de 1600 détecteurs sur 3000 kilomètres carrés dans la pampa argentine en 2007.
Les participations françaises aux expériences internationales HESS et AUGER seront accompagnées par le programme avec une attention particulière à la participation d’équipes d’astrophysiciens et de phénoménologistes. La détection des photons est parmi les outils principaux de ces études, ainsi le photomultiplicateur « pixellisé » ou de grande surface collectrice est un instrument omniprésent dans ce domaine et le domaine des télescopes neutrino. Le programme organisera la R&D en vue d’une augmentation de l’efficacité de détection et d’une baisse des coûts de construction. Des nouvelles idées de détection, par exemple la radiodétection des gerbes atmosphériques, seront aussi soutenus (par exemple projet CODALEMA).
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Nouvelles fenêtres sur l’Univers
Le domaine des astroparticules inclut aussi les messagers non photoniques comme les rayons cosmiques, les neutrinos de haute énergie et les ondes gravitationnelles. L’astrophysique, devenue depuis plus d’une dizaine d’années multi-longueur d’onde, devient ainsi multi-messagers.
ANTARES est un projet international impliquant cinq pays européens et visant à détecter les neutrinos cosmiques au moyen d'instruments installés en mer Méditerranée à 2500 m de profondeur. Le CEA est partie prenante dans ANTARES de même que l’IFREMER, intéressé par les mesures océanographiques de longue durée qui seront ainsi accumulées. L'étape suivante dans l'étude des neutrinos cosmiques de haute énergie sera un détecteur d’un km3 ; il aura la sensibilité de détecter des neutrinos en provenance des noyaux actifs de galaxie, sursauts gamma et autres sites de production de rayonnement de haute énergie, pourvu que le mode de production soit de type hadronique. La participation française à ce projet sera évaluée et accompagnée par le programme.
Quant aux ondes gravitationnelles, l’instrument franco-italien Virgo (INFN-CNRS) à Cascina près de Pise a commencé sa première prise de données scientifiques en coïncidence avec LIGO, son équivalent aux Etats-Unis. Cet instrument est développé sous la responsabilité de l’Observatoire Gravitationnel Européen (EGO) qui abritera aussi les détecteurs futurs. Cet observatoire pourra détecter des ondes gravitationnelles émises dans des processus extrêmement énergétiques et violents comme la coalescence de deux trous noirs ou étoiles à neutrons. Ce programme de recherche est financé par le budget des TGE du CNRS. Observation des ondes gravitationnelles et observation des phénomènes de haute énergie sont deux aspects complémentaires de l’identification et de l’étude des sources compactes. Ces études de type multimessager seront encouragées et financées par le programme ainsi qu’un programme d’améliorations du détecteur existant (VIRGO+, advVIRGO, Einstein Telescope) ; Des études pour un détecteur d’ondes gravitationnelles à l’espace (LISA) entrent aussi dans le cadre de ce programme.
Des études du cosmos au suivi de l’environnement terrestre et le développement durable
Les observatoires de l’astroparticule souhaitent capter des rayonnements cosmiques dont le flux est tès faible. Ceci nécessite en premier lieu un suivi en continu du milieu terrestre de propagation et de détection de ce rayonnement : l’atmosphère, la mer, les roches des caves souterraines.
Il faut souvent mettre en place des réseaux étendus de capteurs dans des milieux difficiles d’accès ou « hostiles » : le fonds de l’océan, des cavernes souterraines, le désert. Ces réseaux fournissent des informations en continu sur le comportement de ces milieux. ANTARES par exemple est déjà le plus grand observatoire sous-marin qui a permis de créer une grande base de données des courants océaniques, de la bioluminescence, de la sismicité et autres informations utiles pour les géosciences et l’environnement. La détection précoce des tsunamis pourrait aussi être une application de la technologie utilisée. Le réseau NEPTUNE aux Etats-Unis ressemble étonnament aux concepts de télescopes neutrino. Le projet ESFRI d’observatoires de fond de mer EMSO a déjà développé des liens étroits avec ANTARES et KM3. Ces observatoires du neutrino sont à présent les seuls sites qui peuvent envoyer des informations en continue (1Gbit/s) du fond océanique pour l’étude, entre autres, de la bioluminescence et des organismes biologiques de l’extrême.
De même AUGER est un réseau de capteurs couvrant une superficie de 3000 km2 avec une maille fine d’un km. Il constitue donc aussi le réseau le plus dense de capteurs autonomes (panneaux solaires, GPS, plusieurs capteurs de paramètres atmosphériques et lien radio à un centre de données) jamais déployé. La technologie a été validée, ses applications pour l’étude du climat ou le suivi des risques restent à développer. On peut imaginer des applications qui vont du suivi climatique jusqu’à la prévention des feux de forêt. Au delà du champs applicatif on peut encore tester le rôle des rayons cosmiques dans la formation des phénomènes atmosphériques orageux et des nuages.
Enfin, les cavernes profondes, lieu de déploiement des observatoires de la matière noire et du neutrino, sont des lieux protégés du rayonnement cosmique et des autres bruits cosmogéniques ou anthropogéniques et ce qui en fait également un environnement privilégié d’étude des phénomènes rares. On y étudie la fiabilité des composantes électroniques, on peut y tester la pureté des matériaux du point de vue de leur radioactivité, étudier le développement des microorganismes développés en isolement du reste de la chaîne de l’évolution. On peut également étudier l’interaction de la biologie avec l’hydrologie et les autres facteurs géologiques pour former le monde souterrain, attaquer les problèmes de l‘effet du rayonnement cosmique sur l’évolution cellulaire, explorer les pistes d’une origine souterraine de la vie.

 

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LA SYMÉTRIE ICI ET LA ...

 

Texte de la 352e conférence de l'Université de tous les savoirs, donnée le 17 décembre 2000.La symétrie ici et là[1]par Henri BacryL'un des divertissements les plus prisés de la vie au lit consiste à compter les moutons. Tout le monde sait qu'en cas d'insomnie, il suffit d'additionner mouton après mouton pour s'endormir, mais combien de personnes savent que pour rester éveillé, il suffit de soustraire les moutons ? Groucho Marx, Beds. Mille neuf cent trente quatre marches de montée et mille neuf cent trente quatre marches de descente, ça fait zéro et pourtant je suis bien fatigué ! Film La fiancée des ténèbres (dialogues de Gaston Bonheur) . Ouvrir ainsi une conférence sur la symétrie par des blagues sur les soustractions est une façon délibérée de montrer que la symétrie intervient dans des endroits inattendus, c'est-à-dire des domaines qui ne concernent ni la science ni l'art, comme le laisseraient croire les auteurs d'encyclopédies. N'importe lequel de mes collègues physiciens se serait attendu à me voir proposer d'emblée quelques équations fondamentales de la physique en vue d'étudier leurs propriétés de symétrie, par exemple les équations de Maxwell qui gouvernent l'électrodynamique classique. Dans le vide (c'est-à-dire en l'absence de charges et de courants électriques), elles s'écrivent comme suit : div B = 0, rot E + = 0, div E = 0, rot B - = 0. Rassurez-vous ! je n'ai pas l'intention de vous imposer ici un cours de physique. Je vous invite seulement à examiner ici avec moi ces quatre équations. Il vous suffira de savoir que E désigne le champ électrique, B le champ magnétique et de me croire lorsque je vous dis que ces formules permettent de comprendre la propagation de la lumière dans le vide. Vous constaterez sans difficulté que la transformation qui consiste à remplacer E par B et B par - E conserve manifestement ces équations, pourvu que l'on sache que div (- E) = - div E et rot (- E) = - rot E. Cette symétrie des équations de Maxwell n'est cependant valable que dans le vide. En présence de matière, c'est-à-dire en présence de charges électriques en mouvement, deux d'entre elles s'écrivent avec des termes supplémentaires, appelés sources du champ électromagnétique : div B = 0, rot E + = 0, div E = rélect, rot B - = jélect, où ρélect est la densité de charge électrique et jélect la densité de courant électrique. La symétrie a disparu. Certains auteurs, déçus par cette disparition, n'hésitent pas à imaginer l'existence de charges et de courants magnétiques, dans le but de la rétablir. Ils écrivent alors de nouvelles formules : div B = rmagn, rot E + = jmagn, div E = rélect, rot B - = jélect. ce qui permet d'obtenir une symétrie entre parties électrique et magnétique de ces équations. Le terme ρmagn est positif ou négatif selon qu'il s'agisse de magnétisme nord ou de magnétisme sud. La difficulté est que cette nouvelle symétrie n'existe que dans l'imagination de ceux qui la proposent. Pour qu'elle corresponde à une certaine réalité, il faudrait que l'on puisse isoler des pôles magnétiques nord et sud, ce qu'on n'a jamais pu réaliser. En effet, tout le monde sait qu'en coupant une aiguille aimantée en deux on obtient non pas un pôle nord séparé d'un pôle sud mais deux nouvelles aiguilles aimantées. Le magnétisme nord est inséparable du magnétisme sud. Il faut dire, pour défendre ceux qui tiennent à cette symétrie imaginaire, qu'elle aurait l'avantage de donner une explication à la quantification de la charge électrique. On démontre, en effet, à partir de la mécanique quantique, que s'il existait des pôles magnétiques, la charge électrique serait toujours un multiple entier de la charge de l'électron, chose reconnue comme une réalité. Plus généralement, la plupart des symétries dont il est question en physique sont des symétries imaginaires. Les physiciens ne s'expriment pourtant pas ainsi car ils sont persuadés que leurs symétries existent réellement. Ils préfèrent parler de symétries violées. Il me faut expliquer ce qu'ils entendent par cette expression et, pour cela, j'en donnerai l'exemple le plus simple. Chacun sait que les noyaux atomiques sont constitués de neutrons et de protons, les premiers en nombre N, les seconds en nombre Z. L'atome comprend, gravitant autour du noyau, Z électrons. Le proton ayant une charge opposée à celle de l'électron, on note que l'atome est électriquement neutre. Le nombre Z caractérise les propriétés chimiques d'un élément. Ainsi pour l'élément oxygène, on a Z = 8. Pour le chimiste, Z est le nombre essentiel tandis que le nombre N joue un rôle secondaire. On parle d'isotopes pour désigner des atomes de même Z mais de N différents. Pour le physicien nucléaire la situation est différente car, pour lui, le neutron ressemble étonnamment au proton. Ces deux particules ont en effet à peu près la même masse. Le neutron a une masse égale approximativement à 1840 fois celle de l'électron, alors que la masse du proton vaut 1838 fois celle de l'électron. Cette propriété justifie la dénomination de nucléon pour désigner les deux espèces de constituants du noyau. Pour le physicien nucléaire, ce qui compte c'est le nombre de nucléons du noyau ou, ce qui revient au même, grosso modo sa masse. Pour lui, le noyau d'Uranium 235, avec ses 235 nucléons est différent du noyau d'uranium 238 qui en a 238. Le physicien nucléaire raisonne à peu près de la façon suivante : imaginons, dit-il, un monde idéal où la chimie – et donc la physique atomique – n'existerait pas ; cela reviendrait à négliger la présence des Z électrons responsables des réactions chimiques et, du même coup, à négliger aussi la présence de charges sur les protons ; on pourrait admettre alors que nous sommes dans une situation où l'on aurait une impossibilité de distinguer entre protons et neutrons ; le physicien nucléaire va plus loin ; il fait l'hypothèse que ces deux sortes de particules non seulement n'auraient pas de charge électrique, mais auraient rigoureusement la même masse, ce qui justifierait pleinement l'usage du vocable de nucléons. Ces nucléons seraient indiscernables, donc permutables, tout en étant responsables de toutes les propriétés nucléaires. De cette façon, la physique nucléaire acquiert une symétrie plus grande que celle de la chimie ou de la physique atomique. Autrement dit, la chimie et la physique atomique violent la symétrie des nucléons en attribuant au proton non seulement une charge électrique mais également une masse différente de celle du neutron. Cette position pose un problème sérieux car la chimie n'est qu'un chapitre des sciences physiques et il faut expliciter le lien qui existe entre le tout et la partie. On le fait de la façon suivante. En sciences physiques, l'énergie mise en jeu dans une interaction nucléaire est plus importante que celle mise en jeu dans une réaction chimique (une bombe nucléaire est bien plus puissante qu'une bombe au TNT). Dans une première approximation, on peut donc négliger la chimie devant la physique nucléaire, ce qui revient à négliger la violation de la symétrie qu'apporte la distinction entre le proton et le neutron. Si la physique nucléaire est plus symétrique que la chimie, c'est parce qu'elle met en jeu une physique plus importante du point de vue énergétique. Autrement dit, la chimie concerne des phénomènes d'importance négligeable. Négliger les différences de masse et de charge des nucléons se justifie en première approximation. C'est ainsi que finalement la physique se sent obligée de distinguer entre les interactions nucléaires et les interactions électromagnétiques (celles qui gouvernent la chimie) et de faire comme si elles étaient indépendantes. Cette façon de voir les sciences physiques en imaginant une symétrie qui n'existe pas réellement constitue paradoxalement un précieux moyen d'investigation de ses lois dont nous n'avons donné ici que l'un des exemples les plus simples. Je vous prie de me croire lorsque je vous dis que la symétrie des nucléons est liée à celle de la sphère, symétrie qui se déduit de façon logique de la symétrie en géométrie élémentaire, qui dérive elle-même de la symétrie du miroir. Se voir dans un miroir est une chose banale : on a l'impression que la main gauche a remplacé la main droite. On dit que l'on se voit renversé de droite à gauche. Cependant cette façon de parler est ambiguë. On comprend mal dans ce cas pourquoi l'on ne se voit pas plutôt renversé de haut en bas comme l'imagine le dessinateur et humoriste Gotlib (figure 1)[2]. Après tout dans le miroir que constitue un plan d'eau on voit les bâtiments renversés. La lettre A vue dans un miroir ressemble à la lettre originale ; il n'en est pas de même pour la lettre E... sauf si je la couche. Pour étudier la symétrie en géométrie élémentaire, le mathématicien a un langage plus rigoureux. Il introduit trois notions. a) Transformation : La notion de transformation en mathématiques s'éloigne sensiblement du sens usuel de ce mot. Une transformation mathématique ne s'intéresse qu'au résultat de la transformation effectuée ; on ne tient pas compte de la façon dont elle est obtenue. Ainsi, pour effectuer une translation donnée d'un objet, je ne m'intéresse nullement au cheminement suivi, mais seulement au résultat final. Lorsqu'on dit que l'on effectue une symétrie (un demi-tour) autour de l'axe vertical du A, on ne pense pas à l'action même du demi-tour. Pour un A tracé sur une feuille de papier blanc, le demi-tour nous présenterait ... le dos de la feuille blanche. On parlera quand même de demi-tour ou encore de symétrie par rapport à un axe vertical. Faisant allusion à la phrase de Gaston Bonheur citée au début, on dira que l'on peut faire monter le A de mille neuf cent trente quatre marches, puis le faire redescendre, cela est équivalent à une non-transformation qu'on désigne sous le nom de « transformation identique ». b) Invariance : On associe au A initial le A transformé par demi-tour autour de son axe vertical et, pour parler de symétrie, on se contente de constater qu'ils coïncident ; le A est inchangé par une telle transformation. De même, lorsque j'effectue une symétrie de moi-même par rapport à un axe vertical, j'ai l'impression d'être invariant sous cette transformation. Cependant, à y regarder de plus près, je constaterai que cette symétrie n'est qu'approchée. Pour m'en convaincre il me suffirait de comparer les lignes de mes deux mains. Même la symétrie du visage est approximative : il faut savoir, en effet, que pour tout individu la joue gauche est plus large que la joue droite, ce que l'on constate aisément en recomposant son propre visage à l'aide d'un seul côté retourné. On se retrouve manifestement déformé avec deux joues larges ou deux joues étroites selon le cas. Le traitement de la symétrie du E ne diffère que par l'orientation de l'axe, qui est cette fois horizontal. Il est inutile de faire subir au E une rotation. c) Groupe de transformations : Si l'on effectue un deuxième demi-tour après le premier, la forme des lettres reste évidemment inchangée. En effet, effectuer deux demi-tours successifs revient à n'effectuer aucune transformation. Il s'agit là de la « transformation identique ». Comme tout objet est invariant sous la transformation identique, on peut dire qu'un objet non symétrique est invariant sous une seule transformation. Son groupe de transformations se réduit à un seul élément. Le groupe de transformations des lettres A et E contient deux éléments : le demi-tour et la transformation identique. Qu'en est-il des autres lettres ? Examinons-les. Lettres à axe vertical de symétrie : A, H, I, M, O, T, U, V, W, X, Y. Lettres à axe horizontal de symétrie : B, C, D, E, H, I, K, O, X. Remarque : le forme des lettres est importante. Nous avons choisi les caractères helvetica (on notera, par exemple, qu'en caractères times, le W n'est pas symétrique). On remarque que certaines des lettres ont à la fois un axe de symétrie vertical et un axe de symétrie horizontal. C'est le cas des lettres suivantes : H, I, O, X. On pourrait penser que leur groupe de transformations est à trois éléments : demi-tour vertical, demi-tour horizontal, transformation identique. Cela reviendrait à oublier la transformation qui résulte de la combinaison du demi-tour vertical V et du demi-tour horizontal H. Pour voir ce qu'il en est, effectuons ces transformations sur une lettre non symétrique, par exemple la lettre F. Pour la clarté du dessin, nous avons désigné par la lettre a l'un des sommets du F et séparé les F transformés du F initial. Si l'on avait effectué vraiment les transformations souhaitées, on aurait eu le dessin suivant : On vérifie que, quel que soit l'ordre dans lequel on effectue les transformations V et H, le résultat est le même : il s'agit tout simplement d'un demi-tour C autour du point marqué par une croix. On note immédiatement que les lettres H, I, O et X sont bien invariantes sous cette transformation. Leur groupe de transformations est donc d'ordre quatre. C'est le groupe d'invariance du rectangle. Tout n'a pas été dit sur les symétries des lettres de l'alphabet. Il y a trois lettres qui ont pour seule symétrie la symétrie C. Ce sont les lettres N, S, Z. Leur groupe de transformations est d'ordre deux. On conclut que les lettres peuvent être classées suivant leur groupe de transformations de la façon suivante ( Id désigne la transformation identique). Groupe { Id, V, H, C} : H, I, O, X. Groupe { Id, V} : A, M, T, U, V, W, Y. Groupe { Id, H} : B, C, D, E, K. Groupe { Id, C} : N, S, Z. Groupe trivial : { Id} F, G, J, L, P, Q, R La chose importante aux yeux du mathématicien est que, grâce à l'introduction de la transformation identique, toutes les lettres ont été classées à l'aide d'un groupe de transformations. D'une façon générale, le fait qu'il n'y ait aucune exception à une règle satisfait le mathématicien. Cela est à rapprocher de l'introduction du zéro dans la numération, qui permet de donner sens à une équation du type x + a = b, même lorsque a = b. Les trois groupes { Id, V}, { Id, H}, { Id, C} sont dits isomorphes, c'est-à-dire de même forme, parce qu'ils ont même nombre d'éléments et la même structure ; ce que les mathématiciens entendent par là, c'est qu'ils ont la même loi de composition. En effet, ils obéissent tous trois à la loi : V2 ( V suivi de V) = Id ou une loi analogue obtenue en remplaçant la lettre V par l'une des lettres H ou C. Cela n'a rien d'étonnant ; il est facile de démontrer, en effet, qu'il n'y a qu'un groupe à deux éléments, à un isomorphisme près. Allons à la découverte d'autres groupes à deux éléments. Les deux transformations "multiplication d'un nombre quelconque par 1 ou -1" forment un groupe isomorphe aux précédents. La multiplication par 1 est la transformation identique et l'on vérifie que multiplier deux fois de suite un nombre par -1 est équivalent à la transformation identique. On s'assure ainsi que la structure est encore la même. L'isomorphisme est vérifié. Donnons un deuxième exemple. Considérons la transformation qui consiste à ajouter un nombre pair à un nombre entier arbitraire. Si ce nombre est pair il reste pair, s'il est impair il reste impair. Effectuer cette transformation le maintient dans la catégorie à laquelle il appartient. Par contre, lui ajouter un nombre impair le fait changer de catégorie. On a donc la loi : pair + (pair) = (pair) pair + (impair) = (impair) impair + (pair) = (impair) impair + (impair) = (pair) « Ajouter un nombre pair » est la transformation identique. « Ajouter un nombre impair deux fois de suite » revient à ajouter un nombre pair. On vérifie encore l'isomorphisme de ce groupe avec les précédents. Les lois de groupe sont les mêmes. la seule différence est qu'elle s'exprime multiplicativement dans le cas de +1 et -1 et additivement dans le cas de pair et impair. On a, en effet, en faisant abstraction des catégories sur lesquelles ces transformations s'appliquent : (-1) x (-1) = 1 impair + impair = pair Ajoutons à notre alphabet la lettre grecque delta , supposée décrite par un triangle parfaitement équilatéral. Elle a trois axes de symétrie que l'on peut désigner par A1, A2 et A3 et l'on peut vérifier qu'en composant deux de ces symétries, on obtient une rotation d'un tiers de tour autour du centre de la lettre. Le groupe de symétrie de cette lettre est d'ordre six : { Id, A1, A2, A3, R, R'}, où R et R' désignent respectivement les rotations d'un tiers de tour respectivement dans le sens des aiguilles d'une montre et dans le sens inverse. On remarquera qu'une lettre de la forme a pour groupe de symétrie le sous-groupe à trois éléments : { Id, R, R'}, que l'on peut écrire aussi : { R, R2 = R', R3 = Id}. Plus généralement, le lecteur pourra lui-même vérifier qu'un polygône régulier à n côtés a un groupe de symétrie à 2 n éléments ( n axes de symétrie et n rotations R, R2, R3, ..., Rn, où R est une rotation d'angle . Considérons, par exemple, le cas du carré, pour lequel n = 4. Il a quatre axes de symétrie (les deux diagonales et les deux médianes). Son groupe de symétrie comprend, en plus, les quatre rotations de 90°, 180°, 270° et 360°. Cette dernière est la transformation identique. Le groupe de symétrie du carré est donc d'ordre huit (2 n = 8). Le cas du cube est bien plus complexe. Son groupe de symétrie est à 48 éléments, dont 24 rotations et 24 autres transformations qui combinent les 24 rotations avec une symétrie par rapport à un plan. Nous ne décrirons pas ce groupe. Nous tenons seulement à montrer que même pour une figure aussi simple que celle du cube, l'ordre du groupe peut être important. Nous constaterons en passant un fait qui peut sembler paradoxal : si l'on veut vérifier les propriétés de symétrie d'un cube, il est nécessaire de nommer les sommets, comme on l'a fait dans le cas de la lettre F. Il est clair que, ce faisant, on détruit la symétrie du cube, que l'on désirait sauvegarder. Bien entendu, on fait comme si le cube n'était nullement affecté par les lettres ajoutées. Un cube qui vient à l'esprit est le dé à jouer. Là, la numérotation des faces ne peut être ignorée ; son rôle est essentiel. On admet que cette numérotation n'altère aucunement la symétrie du dé, ce qui est manifestement faux. On fait comme si cela n'affectait nullement la probabilité du résultat lorsque le dé est jeté. La question n'est plus mathématique, elle est d'ordre physique. Il est clair cependant que le problème mécanique associé au lancement d'un dé est insoluble dans la pratique. On est même dans l'impossibilité de calculer les probabilités de chaque résultat. Peut-on cependant les mesurer ? La réponse rigoureuse est NON ! On peut seulement vérifier approximativement l'égalité des probabilités en jetant le dé un très grand nombre de fois. La théorie des probabilités permet quelquefois de dénoncer le dé comme probablement pipé (si, sur un grand nombre de coups, le six sort par exemple une fois sur trois) mais est toujours dans l'impossibilité totale d'affirmer qu'il est tout à fait correct (trouver exactement une fois sur six chacun des résultats est improbable sur un grand nombre de coups et ne signifie donc rien). Nous venons de relier la symétrie du dé à un problème de probabilités. Par raison de symétrie (il s'agit seulement d'une hypothèse), les six faces ont la même probabilité de sortir. Les nombres 1, 2, 3, 4, 5, 6 sont mis a priori sur le même plan. Aucun d'eux ne se distingue de l'ensemble. Il y a symétrie entre ces six nombres. On peut, en effet, permuter ces nombres, cela ne change rien à leur probabilité. La symétrie se traduit par l'existence d'un groupe : le groupe des permutations de ces six nombres. Ce groupe comprend 6 ! = 1 x 2 x 3 x 4 x 5 x 6 = 720 opérations, comme on le vérifie aisément par le raisonnement suivant : il y a six façons de transformer le 1 ; une fois cette transformation effectuée, il y a cinq façons de transformer le 2 ; une fois ces deux transformations effectuées, il y a quatre façons de transformer le 3, etc. Une fois les cinq premières transformations effectuées, il ne reste plus qu'une possibilité pour choisir le transformé du 6. La considération d'un tel groupe est justifiée par le problème physique qui lui est associé, à savoir le lancement du dé. On conçoit que ce problème ne saurait être influencé par des marques sur les faces, à condition que ces marques ne comportent aucune déformation mécanique. Si le phénomène devait prendre en compte les marques effectives des points sur les faces du dé, ce groupe serait brisé. Il se réduirait à la permutation identique. On peut imaginer une situation intermédiaire où les points du dé comporteraient, tracés sur les faces, trois as et trois deux. Le groupe n'aurait alors que 36 éléments, car 1 x 2 x 3 x 1 x 2 x 3 = 36. Il y a, en effet, six façons de permuter les trois 2 et à chacune de ces façons peuvent être associées les six façons de permuter les trois 1. Le groupe des permutations est important car il joue un rôle privilégié dans l'étude des symétries. Considérons le cas du carré. Il existe 4 ! = 1 x 2 x 3 x 4 = 24 permutations des quatre sommets de ce carré. Parmi ces permutations, il y a celles qui transforment le carré en un carré, autrement dit celles qui laissent le carré invariant. Nous avons vu qu'elles sont au nombre de huit. Elles forment un sous-groupe du groupe des permutations. On vérifie ici l'un des théorèmes fondamentaux concernant les sous-groupes. L'ordre d'un sous-groupe est un diviseur de l'ordre du groupe (dans le cas présent 8 divise 24). Il en va de même pour le cube : le nombre des permutations des huit sommets est égal à 8 ! = 1 x 2 x 3 x 4 x 5 x 6 x 7 x 8 = 40320. L'ordre du sous-groupe qui conserve la forme du cube est égal à 48. Ce nombre divise bien 40320 comme le veut le théorème. On notera que, pour le triangle équilatéral, toute permutation des trois sommets conserve sa forme et l'on vérifie, si nécessaire, que 3 ! = 6 est bien un diviseur de 6. Plus généralement, étant donnée une figure à n sommets, le groupe qui laisse la figure inchangée a un ordre qui divise n ! Vérifions cela sur un exemple. Joignons les centres des faces d'un cube. On obtient un octaèdre régulier, polyèdre à six sommets. D'après sa construction, il est clair que l'octaèdre a même groupe de symétrie que le cube, qui est, comme on l'a dit, un groupe d'ordre 48, et 48 divise le nombre de permutations des six sommets, soit 6 ! = 720, comme il se doit. L'octaèdre a même symétrie que le cube correspondant Tournons-nous vers la rose des vents avec ses quatre points cardinaux N, E, S, O. Il y a 4 ! = 24 permutations de ces quatre points. Parmi elles, quatre seulement respectent l'ordre des lettres sur la rose. Il s'agit des quatre rotations d'angle 90°, 180°, 270° et 360°. On vérifie que 4 divise 24. Les points cardinaux semblent jouer des rôles symétriques. Pourtant : « C'est drôle, on parle souvent du pôle Nord, plus rarement du pôle Sud, et jamais du pôle Ouest ni du pôle Est. Pourquoi cette injustice ?... ou cet oubli ? »[3] Considérons le cas de deux amis. A priori, ils sont interchangeables puisque leur permutation conserve l'amitié qui règne entre les deux. Tel n'est pas l'avis pourtant d'Alphonse Karr qui affirme, dans Les guêpes : « Entre deux amis, il n'y en a qu'un qui soit l'ami de l'autre. » Les marches d'un escalier se ressemblent toutes, mais pas quand on doit les grimper. Ne faudrait-il pas suivre le conseil suivant ? « En montant un escalier, on est toujours plus fatigué à la fin qu'au début. Dans ces conditions, pourquoi ne pas commencer l'ascension par les dernières marches et la terminer par les premières ? » P. Dac, L'os à moelle. Le cas de la sphère retiendra notre attention car son groupe d'invariance est infini. N'importe quelle rotation autour de son centre la conserve de même que n'importe quelle symétrie par rapport à un plan contenant un de ses diamètres. On peut montrer ce que j'ai affirmé plus haut, que ce groupe joue un rôle dans la symétrie du nucléon. Nous avons montré que la symétrie était intimement reliée à la géométrie ; bien qu'il s'agissait seulement de géométrie élémentaire, on peut étendre ce lien à la géométrie non commutative qui englobe aujourd'hui toutes les formes antérieurement connues de la géométrie, y compris la géométrie différentielle qui concerne entre autres êtres géométriques la sphère. Il n'est pas question ici, faute de temps et de compétence, de pénétrer ce sujet immense d'actualité introduit par Alain Connes. Il est naturel de dire quelques mots sur les objets non symétriques, c'est-à-dire sur ceux qui ont { Id } comme seul groupe de symétrie. On s'étonnera que le langage usuel ait deux mots pour désigner de tels objets : dissymétrique et asymétrique . On est en droit de se demander pourquoi deux mots sont nécessaires pour désigner une situation unique. Le Petit Robert nous apprend que l'asymétrie désigne une absence de symétrie et la dissymétrie un défaut de symétrie. Pour ces raisons, asymétrie et dissymétrie sont présentés comme des antonymes du mot symétrie. C'est parce que le mot symétrie est un concept qui n'implique pas sa présence effective que nous préférons nous préoccuper des adjectifs associés, à savoir asymétrique, dissymétrique. L'expression être symétrique n'a de sens qu'à partir du moment où la symétrie dont il est question est préalablement définie et, pour la définir – vérité de La Palice – il faut nécessairement l'avoir remarquée, ce qui ne signifie pas qu'elle soit effectivement réalisée. Je peux, en effet, évoquer les parties droite et gauche d'un bâtiment avant d'affirmer qu'elles sont ou non symétriques l'une de l'autre. On constate que l'on se pose la question d'une symétrie potentielle avant de se prononcer. C'est pourquoi l'expression ne pas être symétrique n'a pas la même signification suivant qu'on se réfère à une symétrie que l'on connaît ou qu'on ait affaire à une absence certaine de toute espèce de symétrie. Dans le premier cas, on parlera de dissymétrie, dans le second cas d'asymétrie. L'ennui c'est que l'on ne peut jamais être certain de l'absence totale de symétrie. Pour préciser cette remarque, nous examinons le cas de la figure suivante : Le côté gauche ne ressemble pas au côté droit puisqu'ils sont de couleurs différentes. On aura tendance à dire que cette propriété constitue une dissymétrie. Ce faisant, on s'est référé implicitement à une symétrie - violée, certes - la symétrie gauche/droite. Remarquons cependant que si l'on fait abstraction des couleurs, il y a bel et bien une symétrie, la figure étant constituée de deux carrés de mêmes dimensions. Dire que l'on fait abstraction des couleurs équivaut à déclarer que l'on ne s'intéresse qu'à la forme de la figure. Autrement dit, il y a symétrie en ce qui concerne la forme, dissymétrie en ce qui concerne les couleurs. Le physicien que je suis fera d'emblée une remarque à propos de cette figure. Il s'agit de la suivante : contrairement aux apparences, cette figure est manifestement symétrique. En effet, elle possède un axe de symétrie horizontal, axe auquel on ne pense pas immédiatement, il faut le reconnaître. On voit pourquoi il faut se montrer prudent avant de se prononcer en faveur d'une asymétrie. Examinons donc aussi la figure suivante. Est-elle asymétrique ? Désignons par V l'axe de symétrie vertical de l'une des deux figures réduites à leur forme et par K la transformation définie par l'échange des deux couleurs noir et blanc : blanc → noir noir → blanc Combinons les deux transformations V et K. On définit ainsi la symétrie VK que l'on peut également écrire sous la forme KV. On a de cette façon introduit une symétrie nouvelle, symétrie rigoureuse pour ces deux figures. Le groupe de symétrie est { KV, Id}. On a remplacé la dissymétrie apparente par une symétrie plus élaborée, impliquant la permutation des couleurs blanc et noir. Tournons nous maintenant vers une œuvre de Piero della Francesca, La Madone del Parto, représentant la Vierge entourée de deux anges placés symétriquement l'un par rapport à l'autre. (figure 2) On a des raisons de penser que le peintre a décalqué le premier ange pour dessiner le second après l'avoir retourné. Seules leurs couleurs diffèrent. Si l'on note que ces couleurs sont complémentaires, on pourra évoquer une symétrie plus rigoureuse comme on vient de le faire pour les deux figures géométriques précédentes. On a ainsi substitué dans les deux cas à une dissymétrie apparente, une symétrie nouvelle. Nous proposerons, par conséquent, de réserver le mot asymétrique pour une situation où, malgré tous les efforts que l'on peut fournir, aucune symétrie, même absente, ne peut être évoquée. Ce serait le cas pour la figure ci-dessous. Résumons-nous. On dira qu'un objet est dissymétrique chaque fois que l'on notera qu'une symétrie annoncée n'est pas assurée. On s'efforcera alors d'en découvrir une plus subtile. On dira, par contre, qu'un objet semble asymétrique si on se trouve dans l'incapacité de percevoir la présence d'une quelconque symétrie. On notera la fragilité d'une telle constatation. Elle est aussi fragile que celle qui consiste à affirmer qu'une certaine démonstration mathématique est exacte. En effet, ce n'est pas parce qu'on n'a décelé aucune erreur dans une démonstration qu'on peut être certain de son exactitude. Rien ne prouve qu'un mathématicien plus doué ne sera pas capable d'en dénicher une. Cette idée, répandue par Popper, trouve son origine, selon lui, chez le présocratique Xénophane. « Il n'y eut dans le passé et il n'y aura jamais dans l'avenir personne qui ait une connaissance certaine des dieux et de tout ce dont je parle. Même s'il se trouvait quelqu'un pour parler avec toute l'exactitude possible, il ne s'en rendrait pas compte par lui-même. »[4] La distinction entre dissymétrie et asymétrie peut s'établir à partir de l'architecture. Un bâtiment a presque toujours une partie droite et une partie gauche. Elles sont soit symétriques soit dissymétriques. Il existe pourtant des exceptions. Ainsi, pour le musée de Cincinatti construit par l'architecte irakienne Zaha Hadid qui condamne délibérément l'angle droit des bâtiments, on ne peut qu'évoquer l'asymétrie de l'architecture, ce qui démontre en passant que le beau peut faire fi de la symétrie. Nous avons souligné plus haut le rôle important du groupe des permutations. Ce groupe intervient dans une phrase comme toute celle qui commence par « les Français sont... » ou « les hommes sont... ». Une permutation quelconque effectuée dans l'ensemble des Français ou des hommes ne changerait rien à l'affirmation. La proposition énoncée est invariante sous le groupe des permutations des hommes concernés. L'ordre de ce groupe est fantastique, il s'écrit pour les seuls Français avec à peu près un milliard de chiffres. On peut considérer des sous-groupes de ce groupe, par exemple celui des permutations qui conservent le sexe des individus ou celui des permutations qui conservent l'année de naissance des Français mâles. Pour connaître l'ordre de ce dernier groupe, il faudrait se donner les populations des différentes classes d'appel sous les drapeaux. Examinons de plus près la structure d'une phrase qui commence par « les Français sont... ». Pour qu'elle soit valide, il faut que celui qui énonce la proposition se considère comme inclus, si lui-même est français. Ce n'est pas toujours le cas. Il y a alors violation de la symétrie. Ainsi quand le général de Gaulle a déclaré que les Français étaient des veaux, on peut penser raisonnablement qu'il ne se sentait pas concerné par cette énoncé à caractère collectif. Le groupe auquel il faisait allusion était celui des permutations des Français assimilables aux veaux Perm( E). Ce groupe laisse le président de la République invariant. On peut bien sûr préférer penser que dans son idée un certain ensemble E' de Français incluant le général ne sont pas des veaux. Le groupe de symétrie deviendrait Perm( E) ¥ Perm( E'). On peut aussi évoquer cette affirmation manifestement excessive : « Tous les Français sont égaux devant la loi. » Les brisures de cette symétrie sont extrêmement nombreuses et tellement connues qu'il est hors de question d'en citer ici ne serait-ce une seule. Tous les hommes sont des humains. Cette tautologie est loin d'être évidente pour tout le monde. Il n'y pas si longtemps, à l'époque de la découverte de l'Amérique, on en était à se demander si les Indiens pouvaient être considérés comme des hommes. Plus récemment, pour les nazis, les seuls à mériter vraiment le nom d'hommes étaient les aryens. Il est commode de donner un nom à la symétrie associée à cette tautologie que nous évoquons. Nous la désignerons sous le nom de symétrie tautologique. Le groupe qui caractérise cette symétrie est le groupe des permutations de tous les hommes. Plus généralement, tout ensemble, quel qu'il soit, est invariant sous le groupe des permutations de cet ensemble, groupe qui est associé à la symétrie tautologique de l'ensemble. Lorsqu'on conteste une telle symétrie, on est forcément ramené à un sous-groupe de ce groupe. Ainsi, le groupe de symétrie défini par les nazis est le groupe obtenu en composant le produit du groupe des permutations des aryens par le groupe des permutations des non-aryens : Perm (Aryens) x Perm (Non Aryens) Considérons l'ensemble des Français. Son groupe de symétrie est le groupe des permutations de tous les Français. Associons à chaque Français son numéro d'INSEE. Le groupe de symétrie des Français numérotés est le groupe trivial qui ne comprend que la transformation identique car il n'y a pas deux Français avec le même numéro de sécurité sociale. « Tous les hommes sont des philosophes », affirme Karl Popper[5]. L'ensemble des hommes est donc défini comme un sous-ensemble de l'ensemble des philosophes et comme les philosophes sont certainement des hommes, pour Popper, les deux ensembles coïncident. Ils définissent le même ensemble. Le groupe de symétrie est le groupe de symétrie tautologique. Seulement Popper apporte une restriction : « Je crois que tout les hommes sont des philosophes, même si certains le sont plus que d'autres. » Si l'on veut tenir compte du degré ainsi introduit, on est conduit à classer les hommes en fonction de ce degré et le groupe de symétrie se trouve réduit. On ne peut aller plus loin car on ne sait rien sur une classification éventuelle à partir de ce degré. Dans le cas limite où il n'y a pas deux hommes de même degré, le groupe de symétrie se réduit à la transformation identique. Le verset du Lévitique : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » nous fournit un autre exemple de symétrie. Si je fais mien ce précepte, l'ensemble des hommes autres que moi est invariant sous le groupe des permutations de cet ensemble. Cependant, dans le cas où tout le monde l'adopte, la symétrie ne devient pas pour autant la symétrie tautologique. Pour cela il faudrait encore que l'amour que je porte à mon prochain soit identique à celui qu'il me porte[6]. Mentionnons un problème analogue concernant la définition du sage. Pour cela, nous citons ce passage du Talmud : « Qui est sage ? Celui qui apprend de tout homme. »[7] Cette sentence, riche de significations, est commentée par un célèbre rabbin du seizième siècle, le Maharal de Prague[8]. Voici ce qu'il dit à ce sujet : « Un tel homme est à ce titre digne du nom de "sage" car la sagesse ne se trouve pas chez lui par accident, mais parce qu'il en est avide et la recherche auprès de tout homme. Tandis que s'il n'apprend pas de tout homme mais seulement d'un maître réputé pour sa grande sagesse, sa sagesse sera dépendante du maître en question, elle viendra de l'extérieur et non de lui-même, puisque c'est l'importance du maître qui en conditionnera la réception ; il ne conviendra donc pas de le nommer sage. Et seul celui qui apprend de tout homme est digne de ce nom, car tous les hommes étant égaux auprès de lui puisqu'il apprend de tous, la sagesse ne dépend alors que de celui qui la reçoit et il est ainsi digne du nom de "sage" car c'est la sagesse qu'il reçoit directement en apprenant de tous, sans distinction de grand ou petit. » Ce commentaire rejoint la pensée bouddhiste qui affirme que l'on a toujours quelque chose à apprendre, même de son ennemi. Pour mériter d'être appelé sage, il nous faut donc prendre en considération tout ce que les autres nous apprennent. Les arguments de symétrie les plus anciens ont un intérêt actuel indéniable, surtout lorsqu'on les confronte aux connaissances scientifiques modernes. C'est le cas, par exemple, de celui d'Aristote qui défend l'idée de l'impossibilité du vide. Je voudrais aborder ici une idée plus récente due à Descartes. On sait que, pour ce philosophe, l'homme est constitué d'un corps et d'une âme. La chose étrange est qu'il cherche à localiser l'âme dans le corps, comme si cette localisation allait de soi, ce qui peut sembler paradoxal pour une entité aussi abstraite. Et il utilise un argument de symétrie pour résoudre ce problème. L'âme, étant une, ne saurait résider dans les reins, car on ne saurait la répartir entre ces deux organes à la fois. Le foie est également exclu car il se trouve dans la partie droite du corps. Pour Descartes, l'âme est non seulement indissociable mais ne saurait résider dans une fraction non symétrique de l'organisme. Seul le cerveau, organe central, peut convenir. Il semble, aujourd'hui que cette conclusion apparaisse satisfaisante pour les biologistes de tous bords. Pourtant... On remarquera que Descartes fait en tout trois hypothèses sur ce sujet. La première est revendiquée par le philosophe ; il s'agit de la décomposition de l'homme en corps et âme, c'est-à-dire une partie matérielle et une partie spirituelle ; la seconde est celle de la possibilité de localisation de l'âme dans le corps. La troisième réside dans l'exigence d'une symétrie pour cette localisation. Il semble que, pour Descartes, toute chose soit localisable mais que tout ce qui est localisable n'est pas nécessairement matériel. Comment peut-on concevoir une âme dans le corps qui serait immatérielle ? Je vois là une contradiction difficile à lever. La première réponse qui vient à l'esprit consiste à rejeter l'hypothèse de l'opposition âme-corps et à affirmer comme le ferait un matérialiste que tout est matière. Examinons la position d'un matérialiste connu. Je pense à Jean-Pierre Changeux qui, dans la troisième conférence de l'Université de tous les savoirs, donnait pour titre à sa conclusion : L'âme au corps. On notera que Changeux ne met pas en cause l'existence de l'âme mais la relie spontanément au corps. Il précise : « Qu'en est-il de fonctions encore plus élaborées du cerveau comme la conscience ? » On voit que, pour lui, la conscience est une manifestation du cerveau. Tout se passe comme si le cerveau sécrétait la conscience comme le foie sécrète la bile. En somme, pour comprendre l'âme, il faudrait en quelque sorte être en mesure de disséquer le cerveau. On notera en passant que cette position crée, de fait, une dissymétrie entre les deux propositions suivantes : « J'ai conscience d'avoir un cerveau et j'ai conscience d'avoir un foie. » Changeux semble ne pas en avoir conscience. On sait que le cerveau est composé de deux hémisphères et que ces hémisphères sont spécialisés, chose évidemment ignorée de Descartes. Le rôle de l'hémisphère gauche concerne les fonctions symboliques, c'est-à-dire l'interprétation des signes. Sont ainsi de son ressort la compréhension des gestes et du langage écrit. L'hémisphère droit s'attache, quant à lui, à la connaissance de l'espace corporel et extra-corporel. Cette hypothèse est corroborée par le fait que des lésions de cet hémisphère peuvent faire croire au malade que son côté gauche lui est étranger ; elles vont jusqu'à lui faire ignorer tout l'espace situé à sa gauche. Il n'est pas étonnant qu'il perde la notion d'espace que lui assurent habituellement les sens de la vue, de l'ouïe et du toucher. S'habiller peut devenir une opération quasi impossible. Que pense alors l'hémiplégique cartésien qui croit, comme Descartes, à l'existence de l'âme dans le cerveau ? Il croit, bien évidemment, en l'existence de la sienne propre qu'il ne pourra situer raisonnablement que dans son hémisphère intact. Si c'est le gauche, il aura tendance à généraliser ce résultat à tous les hommes. Il en irait de même si c'était l'hémisphère droit qui était sain. Un raisonnement conduirait finalement ces deux espèces d'hémiplégiques à affirmer que l'âme ou la conscience ne saurait être vraiment localisable, puisque les uns la localiseraient dans l'hémisphère gauche, les autres dans l'hémisphère droit. La symétrie de Descartes est brisée. Si l'âme est localisée dans le cerveau, ce serait dans quelle partie ? s'agit-il de l'hémisphère gauche ou de l'hémisphère droit ? Que l'on adopte l'une ou l'autre réponse ne saurait satisfaire aujourd'hui un disciple de Descartes. Comme pour répondre à ce que dit Changeux, Antoine Danchin débute la quatrième conférence de l'Université de tous les savoirs par une interrogation pertinente de l'oracle de Delphes. «J'ai une barque faite de planches et les planches s'usent une par une. Au bout d'un certain temps, toutes les planches ont été changées. Est-ce la même barque ? » Et Danchin commente : « le propriétaire répond oui avec raison : quelque chose, ce qui fait que la barque flotte, s'est conservé, bien que la matière de la barque ne soit pas conservée [...]. Il y a dans la barque plus que la simple matière. Pourquoi choisir cette image, cette question pour parler de la vie ? Il est essentiel de concevoir le vivant et la biologie comme une science des relations entre objets plus qu'une science des objets. » Ainsi, pour Danchin, il y a dans l'homme plus que la simple matière ; si la conscience est en dehors de la matière, ne s'ensuit-il pas que la dissection du cerveau ne permettrait pas de l'y découvrir ? On est conduit ainsi à penser la conscience comme jouissant d'une existence autonome non soumise à la matière du cerveau. La conscience ne serait donc pas localisable. Que pense un religieux de cette situation ? Il est conscient du fait que le cerveau est impliqué dans cette affaire. Il me semble que, pour lui, un lien existe effectivement entre la conscience et le corps et que ce lien passe par le cerveau. Quand le cerveau meurt, ce lien disparaît mais le Moi ne meurt pas. Cette dernière solution peut sembler acceptable mais ne me satisfait pas. Examinons-la sous un autre angle. Si l'homme est composé d'une âme et d'un corps, tout attribut humain doit appartenir soit à l'un soit à l'autre. Qu'en est-il des maladies ? On sait que certaines d'entre elles sont d'origine psychosomatique et concernent par conséquent à la fois le corps et l'âme. L'effet placebo ne saurait non plus s'expliquer à partir d'une dissociation de ces deux éléments. Ne serait-il pas plus naturel de conclure que la complexité de l'être humain est telle que la dissociation entre une âme et un corps est au sens strict impossible. Cette façon de voir rejoint ici une idée du judaïsme qui ne manquera pas d'intéresser le psychiatre. Il faut savoir qu'en hébreu classique, aucun mot ne désigne le corps de l'homme vivant. Le mot gouf de l'hébreu tardif qui le désigne dérive du mot ancien goufah qui signifiait cadavre et donc représentait le corps après la mort. Pour le lecteur de la Bible, parler du corps à propos d'un homme vivant est une aberration. La distinction entre corps et âme chère à Descartes n'aurait vraiment de sens qu'après la mort, même si le psychiatre trouve commode de distinguer ces deux aspects pour l'homme vivant ; ce faisant, il décrit seulement une approximation commode valable sur le seul plan pratique. Bien entendu, la condition d'une telle distinction oblige implicitement la prise en considération d'une interaction entre le corps et l'âme, cela afin d'assurer une explication de l'unité de l'homme. Une comparaison avec la physique atomique nous aidera à mieux cerner le problème. Je rappellerai que cette théorie prétend que l'atome est composé d'un noyau positif et d'un nuage d'électrons négatifs indiscernables tournant autour. Cette façon de voir la nature est cependant insuffisante ; on est, en effet, obligé d'imaginer en plus une interaction électromagnétique entre le noyau et les électrons. Il faut savoir que le calcul complet de cette interaction est complexe ; le cas le plus simple est celui de l'atome d'hydrogène. Sa structure ne se déduit pas comme par magie d'une équation ; elle est le fruit d'approximations successives dont la plus fine est celle que les physiciens désignent sous le nom d' effet Lamb, effet qui n'est pas enseigné au niveau de la maîtrise de physique parce qu'il fait intervenir des notions non élémentaires d'électrodynamique quantique. Cette complexité du calcul est le reflet de celle de l'atome. La théorie atomique décrit une façon commode de comprendre la structure de l'atome d'hydrogène, mais la réduction en noyau et électron peut être qualifiée d'artificielle. Pour pouvoir parler du noyau d'hydrogène à partir de l'atome, il faut négliger toute la suite d'approximations à laquelle nous avons fait allusion. Avoir voulu considérer l'atome d'hydrogène comme composé d'un noyau et d'un électron est une opération aussi complexe que celle qui consiste à considérer l'homme comme composé d'une âme et d'un corps. Ce que fait réellement le physicien consiste à déshabiller l'atome pour découvrir le noyau qu'"il a introduit préalablement. De la même manière, n'est-ce pas le cadavre que l'homme introduit lorsqu'il considère l'être humain comme composé d'une âme et d'un corps ? Car, ne l'oublions pas, ce qu'il importe de comprendre dans l'homme, c'est comment l'on passe de l'homme au cadavre. Il s'agit vraiment là d'un mystère essentiel. Si l'on se rappelle les trois hypothèses de Descartes, voici nos conclusions : a) « L'homme est composé d'une âme et d'un corps ». Cette affirmation ne constitue qu'une approximation commode qui a l'inconvénient de donner du réel une interprétation déformée. b) « L'âme est localisable dans le corps ». Dans l'approximation précédente, l'âme est nécessairement extérieure au corps. c) Le problème de la localisation de l'âme et donc de sa symétrie ne se pose plus. Il serait intéressant de savoir ce que pense le matérialiste de notre analyse. Quoi qu'il en soit, une chose est certaine : le problème de la symétrie tel que le pose Descartes ne saurait être éludé. La symétrie interpelle le spécialiste du cerveau humain comme le philosophe. L'exemple que nous venons de traiter montre la puissance d'une analyse basée sur la symétrie. Les arguments tirés du passé (Descartes) et même du passé lointain (la Bible et l'oracle de Delphes) conservent un caractère indéniable d'actualité qu'on ne saurait négliger. La science moderne y apporte un éclairage précieux. Partant de considérations plutôt banales sur une symétrie, nous sommes amené tout naturellement à poser des questions fondamentales sur le sujet associé. D'autres exemples sont traités dans notre ouvrage[9] La symétrie dans tous ses états. Nous y renvoyons le lecteur. 
[1] À la mémoire de mon maître ès symétries en physique, Louis Michel. [2] Trucs-en-vrac, Shell, Paris, 1977-1985. [3]Alphonse Allais, Allais... grement. [4] Les penseurs avant Socrate, p. 66, Paris, Garnier-Flammarion, 1964. [5]Karl Popper, op. cit., p. 268. [6]Soulignons, à propos de ce précepte, que la difficulté principale de l'injonction réside dans l'exigence d'aimer autant un persécuteur que le persécuté. Cette recommandation qui dépasse l'entendement peut être résolue en lisant correctement le verset de l'amour du prochain. Cf. H. Bacry, La Bible, le Talmud, la connaissance et la théorie du visage de Levinas, Pardes 26, 1999. [7] Commentaires du traité des pères, chapitre 4, Paris, Verdier, 1990. [8]Maharal de Prague (Yéhouda Loew ben Betsalel, connu sous le nom de), rabbin et commentateur, né à Posen (Pologne) vers 1512, mort à Prague en 1609. Il est connu pour être le créateur de son célèbre serviteur, le Golem. [9]Henri Bacry, La symétrie dans tous ses états, préface d'Alain Connes, Vuibert, 2000.

 

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