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NAMIBIE

 

 

 

 

 

 

 

Namibie
en anglais Namibia

Nom officiel : République de Namibie



       


État d'Afrique australe, la Namibie est baignée à l'ouest par l'océan Atlantique et bordée au nord par l'Angola et la Zambie, à l'est par le Botswana, au sud-est et au sud par l'Afrique du Sud.
La Namibie est membre du Commonwealth.

*         Superficie : 825 000 km2
*         Nombre d'habitants : 2 303 000 (estimation pour 2013)
*         Nom des habitants : Namibiens
*         Capitale : Windhoek
*         Langue : anglais
*         Monnaies : dollar namibien et rand
*         Chef de l'État : Hage Geingob
*         Premier ministre : Saara Kuugongelwa-Amadhila
*         Nature de l'État : république à régime semi-présidentiel
*         Constitution :
    *         Adoption : 9 février 1990
    *         Entrée en vigueur : 21 mars 1990
Pour en savoir plus : institutions de la Namibie

GÉOGRAPHIE
Formée principalement de hauts plateaux arides dominant un littoral désertique (localement animé par la pêche), la Namibie a un sous-sol riche (diamants et uranium, bases des exportations). Elle est peuplée surtout de Bantous (Ovambo) vivant essentiellement de l'élevage.

1. LE MILIEU NATUREL
La Namibie s'étend entre l'Angola et la Zambie, au nord, le Botswana, à l'est, et la république d'Afrique du Sud (province du Cap), au sud. Par un couloir étroit, dit « de Caprivi », entre l'Angola, la Zambie et le Botswana, elle atteint le Zimbabwe. Sa façade maritime sur l'Atlantique, entre les embouchures des fleuves Cunene au nord et Orange au sud, s'étire sur 1 300 km, entre 17° et 29° de latitude S. Sa plus grande largeur atteint 720 km. Fruit d'un découpage arbitraire, sa frontière orientale avec le Botswana et la République d'Afrique du Sud suit un tracé géométrique sur 1 350 km. Les seuls cours d'eau permanents constituent, sur de courtes sections, des limites frontalières (Orange, Cunene et Okavango).
La disposition générale du relief, façonné dans les roches variées du vieux socle précambrien, est relativement simple. À l'intérieur s'étendent des hauts plateaux, entre 1 200 m et 2 000 m d'altitude, descendant doucement vers les cuvettes intérieures sur les plaines de l'Ovambo et de l'Etosha Pan, au nord-ouest (où poussent divers types de savanes), de l'Okavango, à l'est, et du désert du Kalahari, au sud. De l'ordre de 250 mm par an dans les hautes terres méridionales (sur les steppes pauvres du Namaqualand), la pluviosité augmente vers le nord dans le Damaraland et l'Ovamboland (entre 250 et 500 mm), avec le thornveld (formation sèche graminéenne discontinue à petits arbres et épineux). Là se concentre la majeure partie de la population. Les hautes terres sont séparées de l'océan Atlantique par une large zone de montagnes (mont Brandberg, 2 578 m) et de collines, sur une profondeur de 150 à 300 km (prolongement occidental du Grand Escarpement). Au sud, les plateaux horizontaux du Namaland sont entaillés par le canyon du fleuve Orange, au nord les plateaux du Damaraland sont parsemés d'inselbergs.

Une étroite plaine côtière encombrée de dunes, d'une longueur de 1 400 km et d'une largeur moyenne de 80 km, entre les fleuves Cunene et Orange, constitue le désert côtier du Namib, qui occupe près du cinquième du territoire auquel il donne son nouveau nom. Si le faciès littoral est brumeux, la pluviosité moyenne annuelle y est inférieure à 250 mm, et à 125 mm sur la bande littorale (aridité liée à l'existence des eaux froides du courant de Benguela). Ce désert recèle une flore et une faune originales (bien que le couvert végétal y soit quasi absent) et présente au voyageur les dunes les plus spectaculaires du monde.

2. LA POPULATION
La population se concentre dans le nord du pays, dans les zones les mieux arrosées, où vivent les Ambos et les Okavangos, deux peuples bantous qui constituent la moitié environ de la population namibienne. Deux autres peuples bantous sont bien représentés, les Hereros et les Namas (peuple hottentot), ces derniers ayant amené avec eux une population réduite en semi-esclavage, les Damaras, qui parlent la langue de leurs maîtres, le nama. Les Bochimans – les plus anciens habitants de la Namibie –, aujourd'hui minoritaires, sont, avec ceux du Botswana, les derniers survivants des premiers occupants de l'Afrique australe, décimés par les Boers. Ils parlent des langues à clic comme les Khoi-khoi (ou Hottentot)s et sont les auteurs des célèbres peintures rupestres du pays.
Cette mosaïque de peuples est encore compliquée par la présence des Basters (« bâtards »), descendants d'une des bandes armées formées au xviiie sièces par des métis d'Hottentots et d'Afrikaners, et installés, peu avant la colonisation allemande, en Namibie, où ils fondèrent la ville de Rehoboth. Les Blancs, qui étaient environ 100 000 avant l'indépendance, sont pour la plupart restés en Namibie : ils descendent des colons allemands – l'allemand est resté l'une des langues officielles du pays –, des Afrikaners et des Sud-Africains de souche britannique.

Plus de 60 % de la population est concentrée dans les régions rurales du nord, mais la croissance urbaine est rapide (le pays compte un tiers de citadins), Windhoek, la capitale, atteint les 300 000 habitants, Rundu dépasse 50 000 habitants et les villes côtières (Walvis Bay, Swakopmund, Lüderitz) comptent plus de 10 000 habitants chacune.

3. UNE RICHESSE ENCORE POTENTIELLE
En grande partie désertique, la Namibie est cependant riche des ressources de son sous-sol, et en premier lieu de ses diamants de joaillerie, dont elle est un important producteur – environ un million et demi de carats par an, extraits des sables du littoral et des fonds sous-marins situés entre Oranjemund et Walvis Bay. Les gisements, longtemps exploités par deux filiales de la firme De Beers – du groupe sud-africain Anglo-American –, faisaient alors l'objet d'une surveillance rigoureuse, la zone ayant été placée sous contrôle policier. Le gouvernement namibien a, depuis, acquis la moitié du capital de l'une de ces deux filiales, devenue la Namdeb Diamonds Corporation, celle-ci ayant ensuite obtenu le contrôle de l'ensemble du secteur. En 1993, le droit d'exploitation de trois zones diamantifères offshore a été concédé à une société privée, la Namibian Minerals Corporation.
Dépourvu de réel secteur industriel en raison de l'extrême étroitesse de son marché, la Namibie tire l'essentiel de sa relative prospérité de l'extraction de minéraux rares ou très demandés par les industries de hautes technologies : diamants (sur la côte sud), or, argent, tungstène, zinc, vanadium, plomb, étain. La Namibie possède également l'une des plus grandes mines d'uranium du monde – à Rössing, près de Swakopmund –, qui appartient majoritairement au très important groupe minier Rio Tinto Zinc ; la chute des cours de l'uranium l'a cependant contraint, ces dernières années, à diminuer sa production de plus des deux tiers. Également touchée par la baisse des prix, la production du cuivre de la mine de Tsumeb – aux mains d'un consortium sud-africain – a été considérablement réduite, ce qui fait craindre une liquidation prochaine. En outre, le climat permet une importante production de sel marin, exporté dans toute l'Afrique australe.
La côte namibienne, particulièrement inhospitalière – au nord de Walvis Bay, une partie du littoral est désignée sous le nom de « côte des squelettes » –, baignée par le courant froid de Benguela, est très riche en poisson. Dans les années précédant l'indépendance, ces ressources halieutiques ont été pillées par des navires de toutes les nations, l'ONU interdisant alors à l'Afrique du Sud de proclamer une zone exclusive de pêche ; le gouvernement de la Namibie indépendante s'est empressé de le faire depuis, ce qui a favorisé le retour des poissons (anchois, sardines, etc.). La production annuelle a pu être ramenée à près de 550 000 tonnes, la commercialisation étant facilitée par un réseau ferré reliant les ports namibiens à l'Afrique du Sud.
En raison du manque d'eau, l'agriculture (30 % de la population active) est partout difficile. Héritage de la politique de ségrégation qui y sévissait jusque dans les années 1980, la moitié des terres cultivables est toujours aux mains d'une minorité composée d'environ 4 000 exploitants agricoles d'origine européenne. Depuis plusieurs années cependant, l'État s'emploie à racheter leurs terres et à les redistribuer aux « sans terre », estimés à plus de 250 000 personnes. Le mouton karakul, qui avait fait la fortune des colons, est passé de mode et ne compte plus guère dans l'économie du pays. En revanche, l'élevage des bovins – contrôlé aux trois quarts par les agriculteurs blancs et tourné vers l'exportation – reste prospère.
Malgré les richesses naturelles du pays, la balance commerciale est déficitaire, les industries sont rares, le chômage demeure endémique (40 % de la population), tandis que le sida (23 % des 15-49 ans) grève de manière croissante les perspectives démographiques et les budgets sociaux. Entre autres mesures pour relancer l'économie, le gouvernement a créé une zone franche dans le port de Walvis Bay. Quant à la nouvelle monnaie, le dollar namibien, elle reste liée au rand sud-africain.

HISTOIRE

1. DE LA FIN DU XVe SIÈCLE AU XIXe SIÈCLE
1.1. DÉCOUVERTE
Les Européens, depuis Diogo Cão (1484) et Bartolomeu Dias (1488), ont été peu nombreux à explorer cette côte inhospitalière, où abordent des Hollandais au xviie siècle, puis que fréquentent au xixe siècle les pêcheurs et les baleiniers.

1.2. LA PÉNÉTRATION EUROPÉENNE
La pénétration européenne se fait à partir de la colonie du Cap. Au xixe siècle, les missionnaires anglais, puis allemands s'efforcent d'arrêter les luttes qui opposent Hereros et Hottentots. L'enclave de Walvis Bay et ses environs sont proclamés en 1878 colonie de la Couronne, sans que la Grande-Bretagne étende son influence ailleurs.

2. LA COLONIE ALLEMANDE DU SUD-OUEST AFRICAIN
En 1883, un commerçant de Brême, Lüderitz, achète la baie d'Angra Pequeña à un chef hottentot, et Bismarck proclame l'année suivante le protectorat de l'Allemagne, que Nachtigal est chargé d'étendre à l'intérieur. Confié à la Société coloniale allemande, le pays est pris directement en charge en 1892 par l'État allemand. De 1904 à 1906, les troupes allemandes mènent une guerre d'extermination contre les Hereros, dont le bétail est décimé. La colonie allemande, qui, depuis 1908, attirait les chercheurs de diamants autour de la baie de Lüderitz, est conquise par les troupes de l'Union sud-africaine (août 1914-juillet 1915) dirigées par Louis Botha.

3. LE MANDAT SUD-AFRICAIN (1920-1966)
À l'issue de la Première Guerre mondiale, forte de cette conquête, l'Union sud-africaine reçoit de la Société des Nations (SDN) le mandat d'administrer l'ancienne colonie allemande du Sud-Ouest africain, qui devient peu à peu, en fait sinon en droit, une nouvelle région de l'Union. Après l'adoption, en 1945, de la charte de l'Organisation des Nations (ONU), le gouvernement de Pretoria refuse d'administrer le pays sous la tutelle de la nouvelle organisation internationale et demande son incorporation dans l'Union sud-africaine.
La plus longue décolonisation du continent africain – la Namibie n'accédera à l'indépendance qu'en 1990 – commence alors par une lutte au sein de l'ONU, entre les partisans et les adversaires de la décolonisation, qui s'affrontent dans un contexte marqué par la guerre froide.
Son droit à l'autodétermination est d'abord reconnu par l'Assemblée générale des Nations unies en décembre 1960. Mais le litige avec la nouvelle République d'Afrique du Sud perdure, la Cour internationale de justice (CIJ) se dérobant en 1966 en refusant de se prononcer sur la compatibilité entre la politique d'apartheid et l'exercice du mandat sud-africain. La même année cependant, ce dernier est révoqué par l'Assemblée générale de l'ONU (résolution 2145 du 27 octobre) qui institue un Conseil pour la Namibie. En 1969, l'occupation sud-africaine est déclarée illégale par le Conseil de sécurité.
Pour en savoir plus, voir les articles apartheid, guerre froide.

4. VERS L'INDÉPENDANCE
4.1. LA RÉSISTANCE DE LA SWAPO
Pretoria ignore ces décisions et poursuit sa politique d'insertion forcée en mettant en place en 1968 des bantoustans à base tribale, comme en Afrique du Sud, malgré l'opposition des populations africaines. La résistance est menée par différentes organisations noires ; la plus importante d'entre elles, la South West Africa People's Organization (SWAPO), reconnue en 1973 par l'Assemblée générale de l'ONU comme « représentant authentique » du peuple namibien, est dirigée par Sam Nujoma.
En 1975, l'indépendance de l'Angola permet à la SWAPO de disposer de bases arrières dans l'ex-colonie portugaise. Proche du Congrès national africain (ANC) d'Afrique du Sud, la SWAPO, de tendance marxiste, trouve en effet un allié précieux dans le gouvernement angolais, alors prosoviétique.

4.2. L'ÉCHEC DE LA CONFÉRENCE DE LA TURNHALLE
Sous la pression internationale, le gouvernement de Pretoria commence à envisager une indépendance jugée inéluctable : en 1975, la conférence constitutionnelle de Windhoek (dite « conférence de la Turnhalle »), multiraciale, est réunie ; cependant, incapable de surmonter les divergences de points de vue, l'assemblée se contente de consolider le système des bantoustans, rejeté par la SWAPO, tout en fixant l'accession à l'indépendance à la fin de 1978.
La violence n'est pas en reste, l'armée sud-africaine effectuant des raids en Angola, dont un bombardement aérien particulièrement meurtrier, en mai 1978, sur le camp de réfugiés namibiens de Cassinga ; ce raid met fin aux négociations engagées entre l'Afrique du Sud et l'ONU à propos de la résolution 435 du Conseil de sécurité de septembre 1978 sur l'indépendance de la Namibie.
La même année, la SWAPO boycotte les élections organisées par l'Afrique du Sud et remportées par la Democratic Turnhalle Alliance (DTA), dirigée par un Blanc, Dirk Mudge. L'assemblée nouvellement élue accepte alors le principe de nouvelles élections sous le contrôle de l'ONU, mais les conditions posées par l'Afrique du Sud sont telles que le scrutin n'est pas organisé.

4.3. LES ANNÉES 1980
L'indépendance du Zimbabwe en 1980 vient renforcer la « ligne de front » des États africains hostiles à l'Afrique du Sud, mais les négociations continuent de s'enliser : une table ronde est réunie, en vain, à Genève en 1981. La dissolution, en 1983, de l'assemblée de la Turnhalle met fin, pour quelque temps, au semblant d'autonomie du Sud-Ouest africain ; les États-Unis, avec le soutien de l'Afrique du Sud, proposent alors de conditionner l'indépendance de la Namibie au retrait des troupes cubaines d'Angola, ce qui amène la France à quitter le « groupe de contact », constitué par le Conseil de sécurité en 1977. Des accords sont signés à Lusaka en 1984, entre l'Angola et l'Afrique du Sud, mais restent lettre morte. Une dernière solution d'attente est adoptée par l'Afrique du Sud en 1985, quand une assemblée de transition et un gouvernement multiethnique sont mis en place. Mais il faut attendre 1988 pour que la question namibienne s'oriente vers une solution définitive.

4.4. LA PROCLAMATION DE L'INDÉPENDANCE
En 1988, signés entre l'Angola, Cuba et l'Afrique du Sud, les accords de Genève, puis de New York, auxquels les États-Unis prennent une part décisive, mettent en œuvre la résolution 435 et fixent le calendrier du retrait des troupes sud-africaines et du corps expéditionnaire cubain. Les élections, sous le contrôle de 5 000 Casques bleus de l'ONU, sont remportées en novembre 1989 par la SWAPO, qui devance largement la DTA. Après l'adoption d'une Constitution démocratique, l'indépendance est proclamée le 20 mars 1990, et S. Nujoma, de retour d'exil, devient le président du nouvel État.

5. LA NAMIBIE INDÉPENDANTE

5.1. LA SWAPO AU POUVOIR
En 1994, l'Afrique du Sud renonce à sa souveraineté sur l'enclave de Walvis Bay, intégrée à la Namibie, où est établi un port franc, qui doit aider le pays à surmonter ses difficultés économiques. Après avoir apporté son soutien à Laurent-Désiré Kabila entre 1998 et l’accord de Lusaka (juillet 1999), dans le conflit qui l’oppose à la rébellion des Congolais tutsis (soutenus par le Rwanda et l’Ouganda) en République démocratique du Congo, la Namibie retire ses troupes de ce pays en 2001.
Par ailleurs, engagée aux côtés des autorités angolaises dans leur combat contre les soldats de l'Union nationale pour l'indépendance totale de l'Angola (UNITA) entre décembre 1999 et la fin de la guerre civile en 2002, elle cherche à resserrer les relations avec l'Angola afin de compenser en partie la domination sud-africaine.
Sam Nujoma est réélu en 1994, puis en 1999. La SWAPO, qui a conforté sa majorité à l'Assemblée en 1994, se maintient aux élections législatives de 1999, mais son hégémonie est contestée par l’Alliance démocratique (plus de 20 % des voix en 1994) et le Congrès des démocrates qui obtiennent chacun environ 10 % des voix.

Bien qu'il bénéficie toujours d'une grande popularité, Sam Nujoma renonce à briguer un quatrième mandat lors de l'élection présidentielle de novembre 2004 et cède la présidence à l'un de ses fidèles, tout en conservant la direction de la SWAPO jusqu’en 2007. Le dauphin du président sortant, Hifikepunye Pohamba, remporte une victoire écrasante à la troisième élection présidentielle organisée depuis l'indépendance ; la SWAPO obtient 55 sièges sur 72 à l'Assemblée nationale. Aux élections de novembre 2009, Hifikepunye Pohamba est réélu avec plus de 75 % des suffrages, tandis que son parti conserve sa majorité des deux tiers à l’Assemblée avec 54 sièges. Avec 11 % des suffrages, le Ralliement pour la démocratie et le progrès (RDP, créé en 2007) et son leader, Hidipo Hamutenya, arrivent en deuxième position, au sein d’une opposition très divisée, dont 8 partis sur 13 dénoncent les irrégularités du scrutin alors que les élections sont jugées « transparentes, crédibles, pacifiques, libres et loyales » par les observateurs internationaux de la SADC (Communauté de développement de l’Afrique australe). Candidat de la SWAPO à l'élection présidentielle de 2014, Hage Geingob est élu dès le premier tour en obtenant 86,73 % des voix. En juillet 2015, le gouvernement allemand d'Angela Merkel reconnaît la répression de la révolte des Hereros et des Namas par son armée en 1904 comme crime de guerre et génocide.


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LA RÉSISTANCE

 

 

 

 

 

 

 

la Résistance

Cet article fait partie du dossier consacré à la Seconde Guerre mondiale.
Ensemble des actions menées, durant la Seconde Guerre mondiale, contre les occupants et leurs auxiliaires ; ensemble de ceux qui ont participé à ces actions.

INTRODUCTION
De 1940 à 1944, l'Allemagne hitlérienne domine le continent européen. L'ambition de Hitler est de modeler autour du grand Reich germanique (Grossdeutschland) une Europe inféodée, contrainte de mettre ses richesses humaines et économiques à sa disposition. Mais la nazification de l'Europe se heurte dans tous les pays à des actes de résistance, qui vont aller en s'amplifiant au fur et à mesure du durcissement des conditions d'occupation et de l'amélioration de l'organisation des réseaux de résistants.

Les objectifs de la Résistance sont militaires et visent à aider l'effort de guerre par le sabotage, le renseignement, le rapatriement des combattants (aviateurs par exemple) puis la formation de maquis. Ils sont également civils et cherchent à protéger les proscrits (communistes, Juifs, réfractaires) tout en formant l'opinion publique par la presse clandestine ou la diffusion de tracts… Ils sont enfin politiques, prévoyant, la victoire acquise, de prendre le pouvoir et de procéder à de profondes réformes.
Perçue comme une force occasionnelle, la Résistance n'est pas incluse dans une stratégie élaborée par les Alliés. Cependant la Grande-Bretagne, où se retrouvent les gouvernements exilés, devient la plaque tournante de tous les réseaux d'action et de renseignements vers l'Europe occupée. Les États-Unis fourniront progressivement en armes les mouvements de résistance, alors que l'URSS se préoccupera essentiellement des partisans soviétiques opérant sur les arrières allemands. Il existera de sérieuses divergences tactiques entre les Alliés : pour les Soviétiques, en effet, il importe d'intensifier les actions de guérilla, les attentats et les sabotages, alors que les Britanniques préfèrent, en accord avec les gouvernements en exil, limiter ces actions afin d'éviter des représailles meurtrières contre les populations civiles. Les difficultés ne cesseront pas entre les tuteurs occidentaux de la Résistance – SOE (Special Operations Executive) britannique, créé dès juillet 1940, auquel s'ajoute en 1942 un organisme américain, l'OSS (Office of Strategic Services) – et l'URSS, la Pologne étant la principale victime de ces divisions.
1. NAISSANCE DES MOUVEMENTS DE RÉSISTANCE
1.1. DES DÉBUTS TRÈS PRÉCOCES…
Les mouvements et réseaux de Résistance obligent les occupants à rester en alerte et incitent les occupés à secouer leur léthargie – interprétée dans un premier temps comme une adhésion à l'ordre nouveau. Le premier souci des vaincus est en effet de survivre ; c'est l'époque des disettes et du marché noir, du rationnement des vivres et des restrictions de toutes sortes. Aussi n'est-il pas étonnant que tant d'occupés se contentent d'attendre l'issue des hostilités en tentant de passer au travers des difficultés quotidiennes.

Cependant, la résistance s'affirme très tôt à travers l'Europe, que ce soit en Pologne, où, dès octobre 1939, on commence à collecter des renseignements sur l'armée allemande et à cacher des armes, que ce soit en France, où, en juin 1940 – le jour même où le maréchal Pétain demande l'armistice –, Edmond Michelet distribue des tracts reproduisant la phrase célèbre de Péguy, « Celui qui ne se rend pas a raison contre celui qui se rend », que ce soit en Grèce, où deux jeunes patriotes audacieux réussissent, dans la nuit du 30 au 31 mai 1941, à décrocher l'immense drapeau à croix gammée qui flottait sur l'Acropole d'Athènes.

1.2. … ET TRÈS HUMBLES
Comme tous ces résistants partent de rien, il leur faut partout innover, sauf en Pologne, où les traditions de lutte nationale sont anciennes, et dans une certaine mesure en Belgique et dans le nord de la France, qui ont déjà eu l'expérience d'une occupation étrangère en 1914-1918. Aussi les débuts sont-ils souvent très humbles : refus muet, comme le décrit le Silence de la mer, de Vercors, publié clandestinement en 1942 ; gestes modestes et spontanés ou rassemblements populaires, par exemple à Marseille, le 27 mars 1941, devant la plaque commémorative de l'assassinat du roi de Yougoslavie (→ Alexandre Ier Karadjordjevic), laquelle vient de déclarer la guerre au Reich ; exécution de consignes lancées de bouche à oreille ou propagation du « V » de la victoire tracé sur les murs… Bientôt les petits noyaux du début s'étoffent : c'est le stade de l'organisation et de la structuration, qui se traduit par la mise sur pied de réseaux de renseignements militaires, de publications clandestines, de filières d'évasion.
1.3. UN BUT UNIQUE, DES MÉTHODES DIFFÉRENTES
Si la Résistance s'étend ainsi à travers toute l'Europe, c'est que l'on trouve à la base le même but : la défaite de l'Axe. D'où la similitude des méthodes utilisées par les résistants dans la lutte clandestine, similitude qui s'étend à leurs formes d'organisation, à leurs échecs et à leurs succès.
Toutefois, l'importance de la Résistance varie notablement suivant les pays. Et les résultats sont très différents selon le degré d'union des différents mouvements, la désunion pouvant conduire jusqu'à la guerre civile, comme en Yougoslavie, où s'affrontent dès l'été 1941 les Tchetniks et les Partisans de Tito.
Par ailleurs, chaque résistance nationale présente des caractéristiques propres, compte tenu de la situation et des traditions historiques du pays, du comportement des troupes d'occupation, des données géographiques, de la proximité de pays neutres, aux frontières plus ou moins accueillantes – telle la Suisse pour les Français et les Italiens, ou la Suède pour les Norvégiens et les Danois – et, enfin, de l'aide inégale fournie par les Alliés aux divers groupes de résistance.
2. LES DIFFÉRENTES FORMES DE RÉSISTANCE
Les moyens de cette guerre souterraine sont multiples. Néanmoins, on peut esquisser trois modes d'action principaux : la résistance civile, improprement qualifiée parfois de passive ; la lutte armée ou résistance militaire ; la résistance humanitaire ou caritative.
2.1. LA RÉSISTANCE CIVILE
GRAFFITI, JOURNAUX CLANDESTINS

Elle traduit le refus de la domination du vainqueur et consiste, en premier lieu, en une contre-propagande hostile à l'occupant, qui va des graffiti sur les murs et de la lacération des affiches ennemies à la fabrication et à la diffusion de publications clandestines en tout genre – tracts, journaux, caricatures, opuscules. Cette presse clandestine s'impose dès les débuts de l'Occupation dans tous les pays vaincus, afin d'y maintenir et d'y relever le moral.
Par exemple, aux Pays-Bas, où les opérations militaires n'ont duré que quatre jours – du 10 au 14 mai 1940 –, le Geuzenactie, modeste feuille ronéotypée, paraît dès le 15 mai ; en France, Jean Texcier publie ses Conseils à l'occupé dès le 14 juillet 1940. En l'espace de cinq ans, des millions de journaux sortent des imprimeries clandestines, poursuivant partout les mêmes objectifs : révéler les horreurs du nazisme, stimuler les tièdes, encourager les sympathisants, soutenir les combattants, développer chez les occupés, une hostilité systématique envers les nazis.
D'ailleurs, plusieurs des mouvements importants de résistance sont nés, particulièrement en France, autour de journaux clandestins : Franc-Tireur tirera à 165 000 exemplaires en utilisant douze imprimeurs successifs ; Combat consomme chaque mois trois tonnes de papier ; Jean Paulhan fonde avec Jacques Decour, qui sera fusillé par les nazis, les Lettres françaises ; Marc Bloch met sa plume au service de l'antinazisme.
GRÈVES, DÉSOBÉISSANCE, INFILTRATION
Autres manifestations de résistance civile : les grèves, menées en dépit de la violence de la répression (l'une des plus marquantes est la grève des 22 et 23 février 1941, à Amsterdam, en signe de protestation contre les mesures antisémites et les arrestations de juifs) ; la non-exécution des ordres et des circulaires dans les administrations au niveau national ou local ; l'infiltration de résistants dans les postes de responsabilité des différents services publics. En France est instauré le NAP, ou Noyautage des administrations publiques, et le « super NAP » qui infiltre les ministères du régime de Vichy.
2.2. LA RÉSISTANCE MILITAIRE
La lutte armée – celle des partisans et des saboteurs – frappe l'imagination et suscite l'admiration. Ne considérant pas la victoire finale comme acquise aux Allemands, les résistants commencent par cacher des armes et entrer en contact avec les services britanniques en attendant le jour où ils pourront constituer une armée secrète, se livrer à la guérilla sur les arrières de l'ennemi et participer par les armes à la Libération.
ESPIONNAGE ET RÉSEAUX DE RENSEIGNEMENTS
De fait, depuis Londres, les Britanniques et les gouvernements en exil envoient dans les pays occupés des agents et des techniciens radio pour recruter des volontaires qui, malgré les multiples arrestations, transmettront jusqu'à la fin de la guerre des informations capitales pour les Alliés. La plupart de ces réseaux de renseignements, premiers éléments en date de la résistance militaire, sont d'une remarquable efficacité. Les Polonais, en particulier, montrent une grande maîtrise, soit en Allemagne, où plus d'un million d'entre eux ont été requis pour travailler, soit en Pologne même, d'où ils font parvenir à Londres les premières informations sur l'arme secrète des Allemands, la fusée V1.
RÉSEAUX D'ÉVASION
Si les activités d'espionnage, qui débouchent sur la collecte et la transmission de renseignements concernant l'ennemi, sont essentielles, il faut parallèlement organiser des réseaux d'évasion, en particulier pour les aviateurs tombés en territoire occupé. D'où la mise sur pied de filières, telles que Comète, dirigée de Belgique par une femme, Andrée De Jongh – l'une des très rares femmes chefs de réseaux de la Résistance (avec la française Marie-Madeleine Fourcade, qui dirige le réseau de renseignement Alliance) –, ou Pat O'Leary (pseudonyme du médecin belge Albert Guérisse), qui se chargent de fournir des vêtements civils, des faux papiers, des cartes à ces rescapés (en général totalement ignorants de la langue du pays) et qui les convoient jusqu'à la frontière espagnole.
ATTENTATS ET SABOTAGES

Dans le même temps, attentats et sabotages se multiplient dans toute l'Europe, obligeant les Allemands à vivre en état d'alerte permanente. Cependant, comme les occupants ripostent, sur l'ordre de Hitler, par des représailles sauvages et massives, la politique des attentats est l'objet de vives controverses, tant parmi les résistants qu'à Londres. En URSS, on multiplie les attaques systématiques contre les militaires allemands, malgré la répression meurtrière dont les populations civiles font les frais, car les Soviétiques estiment que ces vengeances de l'ennemi, qui sont disproportionnées, augmentent la haine contre les envahisseurs et renforcent les rangs des partisans.
En France, les attentats se multiplient à partir de 1943 : le maréchal von Rundstedt échappe de peu à la mort en août ; de juillet à octobre, le groupe de Missak Manouchian met en œuvre près de 70 attentats. Le rôle militaire de la Résistance va s'accroître (→ Francs-tireurs et Partisans français, FFI). Les premiers parachutages d'armes ont lieu dans le Cantal à la fin de 1943. Des maquis s'organisent, notamment en montagne. Celui du Vercors est anéanti du 21 au 27 juillet 1944 (→  bataille du Vercors). Ceux d'Alsace ont pour but essentiel de faire passer en Suisse des réfractaires à l'enrôlement dans la Wehrmacht ou la SS.

Face à ces actions militaires, Jodl, adjoint de Keitel, commandant suprême des armées d'occupation, indique que« des mesures collectives contre les habitants de villages entiers, y compris l'incendie […] doivent être ordonnées exclusivement par les commandants de division ou les chefs des SS et de la police » (6 mai 1944). Quelques semaines plus tard, la répression s'aggrave encore : « Il est à remarquer qu'on n'agit jamais assez durement. Il ne faut pas avoir peur de fusillades, pendaisons et incendies de maisons » (ordre du 27 août 1944).
Les attentats n'épargnent pas les collaborateurs : certains sont condamnés à mort depuis Londres par la cour martiale de la Résistance ; Philippe Henriot est abattu par des officiers de la Résistance en mission le 28 juin 1944 ; des membres du parti populaire français (PPF) de Doriot sont exécutés.
PARTISANS ET MAQUISARDS DANS LES BALKANS ET EN EUROPE ORIENTALE
Bien qu'elle fleurisse en France et en Italie à partir de 1943, la tactique de la guérilla – celle des partisans et des maquisards – se développe surtout dans les Balkans et en Europe orientale, où les méthodes d'occupation sont infiniment plus brutales qu'à l'Ouest. En Pologne se constitue, sous le nom d'Armée de l'intérieur, et en liaison avec le gouvernement en exil à Londres, une armée secrète.
En Yougoslavie, de véritables batailles rangées opposent les partisans de Tito aux divisions allemandes.
En Grèce, des guérillas communistes rivalisent avec les guérillas royalistes soutenues par les Britanniques du SOE ; il leur arrive cependant de collaborer, comme dans l'opération célèbre contre le viaduc enjambant le Gorgopotamos, non loin des Thermopyles, sur lequel passe l'unique voie ferrée reliant Salonique au Pirée (d'où est embarqué le matériel destiné à l'Afrikakorps du maréchal Rommel) : la coopération des deux principaux chefs de la Résistance grecque – le colonel Zervas de l'Armée secrète et le communiste Veloukhiotis – et d'un commando britannique parachuté d'Égypte permet, le 26 novembre 1942, de faire sauter le viaduc, interrompant le trafic du chemin de fer pendant trente-neuf jours.
En URSS, dès juillet 1941, Staline lance un appel à la radio qui donne l'ordre d'organiser des unités de partisans dans les territoires envahis, de faire sauter ponts et nœuds de communications, de couper les lignes téléphoniques, de mettre le feu aux entrepôts ; en vérité, ces actions ne prennent de la consistance qu'après 1942. Les partisans soviétiques restent étroitement liés à l'Armée rouge et intégrés à sa stratégie.
2.3. LA RÉSISTANCE CARITATIVE
Cette forme de résistance se donne pour mission de venir en aide aux persécutés et d'apporter secours et protection aux diverses catégories de victimes : en premier lieu les Juifs, mais aussi les familles de résistants arrêtés et déportés. Elle leur fournit de l'argent, des hébergements, des « planques », des vêtements, des cartes d'alimentation. De véritables laboratoires de faux papiers sont organisés ; des prêtres délivrent de faux certificats de baptême ; des homes d'enfants arrachent à la mort des milliers de victimes potentielles. On met également sur pied des filières de médecins exerçant clandestinement au profit de Juifs camouflés, de résistants blessés ou malades, tel le groupe Medisch Contact aux Pays-Bas.
L'AIDE DE L'ÉGLISE
L'aide aux Juifs mobilise beaucoup de personnes, en particulier les Églises chrétiennes, qui participent largement à cet effort de sauvetage et élèvent parfois des protestations publiques contre les persécutions : on peut citer les lettres pastorales du Synode général de l'Église réformée de Hollande, en septembre 1941 ; celles d'évêques catholiques français au cours de l'été 1942 ; et les proclamations de résistance spirituelle de l'Église luthérienne de Norvège.
2.4. LA RADIO, ARME ESSENTIELLE DE LA RÉSISTANCE

La radio a été une arme à part entière du combat contre l'Axe. En effet, le moral des peuples occupés, livrés à l'oppressante propagande de l'ennemi, avait besoin d'être constamment soutenu, et leur volonté de lutte aiguillonnée. Aussi la TSF devint-elle dès le début un outil capital de la guerre psychologique. La BBC fut la plus écoutée des stations alliées, Radio-Moscou (qui possédait l'émetteur le plus puissant du monde et qui avait la plus longue expérience de propagande par les ondes) n'étant captée que dans les pays de l'Est et écoutée que par les communistes.
Les programmes diffusés par la Suisse, pays neutre, étaient assez recherchés en raison de leur réputation d'objectivité. Malgré les efforts acharnés des occupants pour brouiller les émissions de Londres, la BBC, qui diffusait dans toutes les langues et s'adressait à chacun des pays européens y compris l'Allemagne et l'Italie, a joué un rôle déterminant : elle a pu transmettre des consignes d'action à la masse de ses auditeurs et envoyer aux mouvements et réseaux de résistance des instructions sous forme d'innombrables messages codés. La BBC a beaucoup servi la Résistance gaulliste, le général de Gaulle – et avec lui la France libre – n'ayant eu pendant longtemps, pour la plupart des Français, d'autre existence que radiophonique.
3. LA RÉSISTANCE À L'OUEST DE L'EUROPE
3.1. TRAITS GÉNÉRAUX
Elle associe résistance civile et propagande à une résistance plus militaire, tournée vers le renseignement puis la formation de maquis. On compte alors une dizaine de pays occupés : Pologne, Norvège, Danemark, Pays-Bas, Belgique, France, Yougoslavie, Grèce, territoires envahis de l'Union soviétique. Les régimes d'occupation varient néanmoins beaucoup, depuis l'occupation « douce » du Danemark jusqu'à la férule cruelle tenue sur la Pologne dépecée et réduite au « Gouvernement général » ou sur l'Ostland (Biélorussie et pays Baltes) et l'Ukraine, régions administrées par des Reichskommissare.
3.2. PAYS-BAS
Aucun armistice n'a été signé ; la reine Wilhelmine est partie en Grande-Bretagne. La résistance sera surtout intellectuelle et morale (protestations contre les mesures antisémites). À partir de 1944 toutes les actions seront coordonnées, sur le plan militaire, par le prince Bernard, et sur le plan politique par le Grand Conseil de la Résistance.
3.3. BELGIQUE
Si le gouvernement Pierlot a rejoint Londres, le roi Léopold III est resté en Belgique. La Résistance s'exerce d'une façon très efficace par les réseaux d'évasion et de renseignements. Tous les groupements armés s'unifient en juin 1944 (Forces belges de l'intérieur).
3.4. NORVÈGE
Le roi Haakon VII et son gouvernement rallient l'Angleterre. L'exploit le plus spectaculaire de la Résistance sera la destruction de l'usine d'eau lourde (février 1943).
3.5. DANEMARK
Resté sur place, le gouvernement décide, devant les exigences allemandes, sa propre dissolution en août 1943. Des mouvements de grève générale se développeront à partir de l'été 1944.
3.6. LA RÉSISTANCE FRANÇAISE
UNE SITUATION PARTICULIÈRE

La Résistance française est une synthèse ; la France occupe une position particulière en raison : d'une part, de l'existence, d'une zone occupée par les Allemands et d'une zone « libre » (qui sera occupée à son tour en novembre 1942), d'autre part, de la présence, à Vichy, d'un gouvernement dirigé par le maréchal Pétain. En conséquence, la Résistance française revêt un double aspect : lutte contre l'occupant allemand, mais aussi lutte contre le régime de Vichy, sa « révolution nationale » et sa politique de collaboration.
Seuls quelques isolés réagissent au désastre et à l'armistice de juin 1940 (manifestation patriotique des étudiants parisiens le 11 novembre 1940, distribution des premiers tracts et des premières feuilles clandestines). La radio anglaise joue un rôle essentiel en faisant connaître de Gaulle et la France libre.
EN ZONE OCCUPÉE
1944 - Parachutage d'armes pour les forces de la résistance

En zone occupée naissent de nombreux mouvements de résistance (→ Musée de l'Homme, Valmy, Libération-Nord, Résistance, Organisation civile et militaire [OCM], Ceux de la Résistance) auxquels se joindront, après l'entrée de la Wehrmacht en URSS, les organisations du parti communiste (→ Front national et Francs-Tireurs et Partisans français).
EN ZONE LIBRE
En zone libre, la Résistance s'affirme de manière plus politique. Les activités s'organisent autour de trois grands mouvements : Combat, Libération et Franc-Tireur. Combat résulte de l'union du réseau Liberté, de François de Menthon, avec le Mouvement de libération nationale, organisation fondée par Henri Frenay ; Combat se ralliera à de Gaulle en 1942. Claude Bourdet ou Georges Bidault en sont membres. Libération-Sud est créé en 1941 par Emmanuel d'Astier de la Vigerie. En 1940 naît Franc-Tireur, qui organise le premier maquis près de Grenoble en janvier 1942.
LE BCRA
Dans les deux zones, des réseaux liés au Bureau central de renseignements et d'action (BCRA) ou aux services anglais, renseignent, sabotent ou aident à rapatrier les aviateurs alliés. À partir de 1943 se créent des maquis, structures d'accueil pour les réfractaires et futures bases opérationnelles destinées à aider les Alliés à la libération.

L'UNIFICATION DE LA RÉSISTANCE

Obéir c'est trahir. Désobéir c'est servir.
Quant à de Gaulle, pour affirmer la légitimité de son action vis-à-vis des Alliés, il a besoin de se faire reconnaître comme le chef d'une résistance unifiée. Tâche dont s'acquitteront, chacun à leur manière, Jean Moulin, Pierre Brossolette et le colonel Passy.
C’est plus particulièrement au préfet Jean Moulin, délégué personnel du général de Gaulle, que l’on doit l’unification de la résistance intérieure. Le 27 mai 1943, sous sa présidence, a lieu, à Paris, 48 rue du Four, la première réunion du Conseil national de la Résistance (CNR) qu'il a mis sur pied. Cependant, Jean Moulin, vraisemblablement trahi, est arrêté le 21 juin 1943. Georges Bidault lui succède à la tête du CNR.

Après le débarquement allié en Afrique du Nord (8-11 novembre 1942), cette marche vers l'unification est concrétisée par la fusion des trois mouvements de la zone sud dans les Mouvements unis de Résistance (MUR), puis par l'intégration des principaux mouvements, des partis résistants et des centrales syndicales clandestines dans le CNR. À Alger, de Gaulle constitue le Comité français de libération nationale (CFLN) dont, il devient le seul président après avoir écarté Henri Giraud.

VERS LA LIBÉRATION DE LA FRANCE
Gouvernement provisoire de la République française (GPRF). Les Forces françaises de l'Intérieur (FFI) sont progressivement formées à partir du printemps 1944 et compteront sans doute quelque 500 000 hommes à l'été (chiffre à rapprocher des 270 000 « combattants volontaires » reconnus par les pouvoirs publics). Les FFI participent aux combats de la Libération sous les ordres du général Kœnig, notamment en harcelant les convois allemands qui montent vers le front lors des débarquements alliés. Enfin, une partie des FFI est intégrée à la Iere division blindée du général de Lattre de Tassigny.

LA LIBÉRATION

Après quatre ans de luttes, la Résistance s'est imposée. Sans exagérer son rôle militaire, elle a contribué à hâter la libération du pays. Elle est parvenue à éliminer les autorités vichystes et à accéder au pouvoir sans déclencher une guerre civile ; elle a obligé les Alliés à reconnaître le général de Gaulle comme chef légitime du gouvernement français. Deux forces politiques émergent de ses rangs ; de Gaulle (qui refuse de créer un parti à la Libération) et le Mouvement républicain populaire (MRP), qui regroupe les partisans de la démocratie-chrétienne (novembre 1944). Auréolé par sa participation à la lutte clandestine et le prestige de l'Union soviétique, le parti communiste bénéficie d'une grande influence et participera au gouvernement jusqu'en mai 1947.

5. LA RÉSISTANCE EN EUROPE ORIENTALE
5.1. TRAITS GÉNÉRAUX
Elle s'affirma davantage dans les maquis et dans la guérilla que dans la guerre psychologique ; plus qu'ailleurs elle a revêtu un caractère populaire.
5.2. TCHÉCOSLOVAQUIE
Aussitôt après les accords de Munich (1938), le président Beneš est parti à Londres. S'il y a peu de groupes armés en Bohême, les maquis sont nombreux en Slovaquie où ils opèrent en liaison avec l'Armée rouge.
Pour en savoir plus, voir l'article Tchécoslovaquie.
5.3. LES RÉSISTANCES POLONAISES
Après l'écrasement militaire et le partage du pays entre Allemands et Soviétiques, les Polonais endurent pendant cinq ans la plus effroyable des occupations. Réduits à l'état d'esclaves travaillant pour le peuple allemand, chassés et dépossédés de leurs terres et de leurs biens, soumis à une brutale politique de germanisation, ils réagissent en bloc à la volonté nazie de destruction physique des élites nationales.

L'ARMÉE DE L'INTÉRIEUR
De 1941 à 1945, la Résistance polonaise se trouve néanmoins dans une situation très particulière par rapport aux autres pays européens : elle se compose de deux organisations rivales, d'importance inégale par ailleurs. Toute la Résistance reconnaît dans un premier temps l'autorité du gouvernement réfugié à Londres et gouverné par le général Sikorski. C'est cette Armée de l'intérieur (Armia Krajowa) qui déclenche la dramatique bataille de Varsovie le 1er août 1944, férocement réprimée par les Allemands. Alors qu'il semblait que l'Armée rouge pouvait libérer la ville, les troupes soviétiques marquèrent une pause dans leur progression, ce qui sera interprété après la guerre comme une volonté délibérée de laisser massacrer les résistants polonais non communistes.
LE MOUVEMENT COMMUNISTE
Il est certain que cette attitude profita à l'autre mouvement de résistance, soutenu par l'URSS, qui avait un soutien moindre dans le pays. Ce mouvement, formé de communistes et dirigé par le gouvernement provisoire établi à Lublin dès 1944, finira par éliminer les représentants du gouvernement polonais en exil à Londres.

LA RÉSISTANCE JUIVE
En Pologne se développe également une résistance juive, la plus puissante d'Europe, avec de petits groupes de partisans qui opèrent dans les forêts, aux confins de la Biélorussie et des pays baltes. Mais la grande épopée de cette résistance est l'insurrection du ghetto de Varsovie, où survivent, en avril 1943, environ 70 000 Juifs : le 19, un millier de combattants décidés à « mourir dans l'honneur » se dressent contre les troupes allemandes ; ils combattront pendant vingt-six jours avec acharnement, tandis que le ghetto sera incendié et démoli maison par maison.

5.4. YOUGOSLAVIE
Dans les Balkans, la lutte contre l'occupant prend la forme d'actions de guérilla conduites par des francs-tireurs que les Allemands dénoncent comme des « terroristes » et contre lesquels ils exercent une répression féroce. La Yougoslavie offre l'exemple d'une guérilla victorieuse – favorisée, il est vrai, par la topographie : relief montagneux et tourmenté, régions cloisonnées, vastes étendues boisées – et d'une nation occupée libérée en large partie par ses propres forces, mais au prix de pertes terribles et d'une mémoire divisée et sanglante.
En effet, dès les débuts de l'Occupation, deux groupes distincts de résistants se constituent. D'un côté, le colonel Mihailović, patriote serbe anti-allemand et anticommuniste, rassemble d'anciens soldats et des paysans volontaires, recrutés essentiellement parmi les Serbes, et les organise en unités de Tchetniks.
1945 - Partisans de Tito

De l'autre, de petites unités de partisans mobiles et pugnaces dirigés par Josip Broz, dit Tito, secrétaire général du parti communiste yougoslave, opèrent en Bosnie, en Dalmatie et en Croatie. Bientôt, ces dernières unités, qui résistent avec succès aux offensives de l'armée allemande, tandis que les troupes de Mihailovic se montrent passives et entretiennent des relations douteuses avec l'adversaire, apparaissent comme le noyau le plus actif et le plus efficace de la résistance.
La rupture éclate dès la fin de 1941, allant jusqu'à la lutte ouverte. Tito, qui préconise la formation d'une Yougoslavie fédérée après la guerre, obtient l'appui britannique. Son « armée de libération nationale » libérera seule le sol national, ne recevant l'aide soviétique qu'au cours des ultimes combats pour Belgrade.
Pour en savoir plus, voir l'article Yougoslavie
5.5. GRÈCE
Deux mouvements se disputent le pays : l'EDES, royaliste, et l'ELAS, communiste. Ce dernier l'aurait sans doute emporté à la fin de 1944 sans l'intervention des forces britanniques à Athènes.
5.6. UNION SOVIÉTIQUE
L'originalité de la Résistance russe est d'avoir opéré en liaison avec une armée régulière et sous les ordres d'un gouvernement demeuré dans le pays. La tactique de la « terre brûlée » fut particulièrement spectaculaire dans les territoires occupés par la Wehrmacht.

6. LA RÉSISTANCE DANS LES PAYS DE L'AXE
6.1. ITALIE
D'abord émigrée, la Résistance au fascisme constitue, en décembre 1942, un front national d'action en Italie du Nord. Après septembre 1943, la Résistance se développe dans les territoires demeurés sous contrôle allemand et dans la république de Salo, près du lac de Garde. La Résistance est dirigée par le Comité de libération nationale, qui rassemble six partis (notamment les démocrates-chrétiens, les communistes, les socialistes et les libéraux), sous l'autorité de Ferruccio Parri, du communiste Luigi Longo et du général Cadorna.
6.2. ALLEMAGNE
Bien que l'opposition politique ait été muselée avec l'arrivée de Hitler au pouvoir, certaines voix s'étaient élevées dans les milieux religieux pour condamner la doctrine nazie. La tentative la plus marquante reste celle de militaires, conservateurs qui, convaincus de la défaite inéluctable, tentèrent d'assassiner Hitler.

L'ÉGLISE LUTHÉRIENNE
Une partie de l'Église luthérienne s'oppose au projet des nazis de soumission au Reich. L'Église du Reich, qui reçoit l'aval du pouvoir hitlérien, est dominée par les Chrétiens allemands, une organisation satellite du parti nazi. Face à elle se dresse, à partir de 1934, l'Église confessante (Bekennende Kirche), animée par les pasteurs Dietrich Bonhoeffer et Martin Niemöller, qui critique ouvertement l'idéologie antisémite propagée par les nazis et la réinterprétation de la Bible par l'Église du Reich. Bonhoeffer est arrêté par la Gestapo et pendu le 9 avril 1945 ; Niemöller est arrêté en 1936, et malgré une campagne internationale en sa faveur, il est placé en camp de concentration comme « prisonnier perpétuel ».
Le Concordat signé le 20 juillet 1933 entre l'Église catholique et le Reich interdit à la hiérarchie catholique de s'immiscer dans la politique de l'État. Pourtant, certains évêques protestent contre la politique nazie ; ainsi, l'évêque de Münster, Clemens von Galen, dénonce l'extermination des malades mentaux, et de nombreux prêtres stigmatisent les exactions dont sont victimes les Juifs, tel le prieur de la cathédrale de Berlin, Bernhard Lichtenberg, au lendemain de la Nuit de cristal.

L'ORCHESTRE ROUGE
Divers autres groupes ou individus mènent des actions de résistance. Au début des années 1930, le conseiller scientifique du gouvernement Arvid Harnack et le lieutenant Harro Schulze-Boysen forment l'organisation Harnack-Schulze-Boysen, plus connue sous le nom que lui attribua la Gestapo d'« Orchestre rouge ». L'activité de l'organisation s'oriente à la fois vers la dénonciation du caractère criminel du régime nazi et l'opposition à la guerre ; le groupe se livre également à des activités de renseignements, informant l'Union soviétique de l'imminence de l'attaque de 1941, puis coopérant avec les Soviétiques en leur transmettant des secrets militaires. À la fin de 1942, l'organisation est démantelée, 119 personnes sont arrêtées et 50 sont exécutées. En 1942, l'organisation Harnack-Schulze-Boysen était entrée en contact avec la Rose blanche, organisation fondée à l'université de Munich par quelques étudiants et un professeur de philosophie ; le réseau de ce dernier groupe s'étend jusqu'à Hambourg et d'autres villes d'Allemagne, jusqu'à l'arrestation et l'exécution de ses membres, en 1943.

FEMMES RÉSISTANTES
Les femmes jouent un rôle important dans la Résistance allemande : le programme des nazis les excluent de fait de toute responsabilité, ne leur laissant que le choix d'être de bonnes mères allemandes vouées à la trilogie « Kinder, Küche, Kirche », soit « enfant, cuisine, église ». De nombreuses femmes paient leur résistance de leur vie ; citons Liselotte Hermann, communiste, arrêtée en 1935 et exécutée en 1938 ; Libertas Schulze-Boysen et Mildred Harnack-Fish, les épouses des fondateurs de l'organisation Harnack-Schulze-Boysen, qui travaillèrent pour cette organisation ; Maria Terwel, qui aida les Juifs en leur obtenant des passeports et qui fut exécutée le 5 août 1943. Grâce aux importantes manifestations qu'elles organisent fin février 1943, à Berlin, des femmes « aryennes » – selon la définition des lois raciales de 1935, dites lois de Nuremberg – mariées à des Juifs sur le point d'être envoyés vers les camps d'extermination réussissent à obtenir la libération de leurs maris, soit quelque 1 700 personnes.

GÉNÉRAUX ALLEMANDS
Dans la haute hiérarchie militaire du IIIe Reich, un certain nombre d'officiers allemands s'opposent à la guerre voulue par Hitler. La principale conspiration militaire débouche sur l'attentat du colonel Claus Graf von Stauffenberg contre Hitler, le 20 juillet 1944, attentat qui échoue mais tue cependant une vingtaine de personnes. Parmi les principaux officiers impliqués, le général Ludwig Beck et le maréchal Von Kluge se suicident une fois connu leur échec. Enfin, notons que Hitler échappa à plusieurs attentats, dès l'année de sa prise du pouvoir.
Consulter aussi le site du Centre d'histoire de la Résistance et de la déportation http://www.chrd.lyon.fr/c
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DE L'HOMME - ET DE LA FEMME - PRÉHISTORIQUES

 

 

 

 

 

 

 

DE L'HOMME - ET DE LA FEMME - PRÉHISTORIQUES

Depuis leur fondation au milieu du XIXème siècle, les sciences de la préhistoire ont situé le devenir de la famille humaine dans les 5 ou 7 millions d'années de son existence. Ils ont déployé une rigueur et une inventivité extraordinaires pour faire parler les vestiges rares, disséminés et fragmentaires dont ils disposent.
La théorie de l'évolution conduit à penser l'origine de l'Homme, non comme création, moment ponctuel miraculeux où il serait triomphalement apparu sur la terre, mais comme filiation, qui enracine notre espèce dans l'ensemble du règne animal, dans les embranchements et les buissonnements multiples de l'histoire du vivant. Anthropologues et biologistes se sont attachés à reconstituer la généalogie de l'homme, et les mécanismes mêmes de son devenir : Ardipithecus ramidus, Australopithecus, Homo habilis, erectus, neandertalensis, sapiens... - dessinent, depuis le lointain de la préhistoire africaine, la constellation de nos ancêtres.

Les préhistoriens ont tenté de reconstituer les cultures, les modes de vie et de pensées des Préhistoriques : invention, usage et évolution de l'outillage, formes de l'expression et de la communication, gestes, croyances et rituels que pouvait exprimer l'art ou les sépultures. Les formes et les structures de la vie sociale des premières sociétés humaines - sociétés nomades de chasseurs-cueilleurs - ont elles aussi été interrogées ; de nouvelles approches ont permis de repenser les relations entre hommes et femmes au Paléolithique, et de réévaluer le rôle de la femme dans la préhistoire.

DE L'HOMME - ET DE LA FEMME - PRÉHISTORIQUES

Texte de la 11ème conférence de l'Université de tous les savoirs réalisée le 11 janvier 2000 par Claudine Cohen
De l'homme (et de la femme) préhistorique
En 1883, l'anthropologue français Gabriel de Mortillet publie Le Préhistorique, une somme du savoir accumulé de son temps sur la préhistoire. Savoir tout neuf encore : seulement deux décennies plus tôt, Boucher de Perthes avait produit, aux yeux de ses contemporains d'abord sceptiques, puis émerveillés, les preuves de l'ancienneté de l'Homme, et démontré que des êtres humains avaient cohabité, en des temps dont aucune écriture n'a conservé la mémoire, avec des animaux aujourd'hui éteints - le Mammouth, l'Ours des Cavernes, le Rhinocéros laineux survivant par des froids glaciaires dans la profondeur des grottes, et armé de frustes "casse-têtes" de silex taillés.
Mortillet s'était employé à donner plus de rigueur à la science commençante, et avait classé selon un ordre typologique et évolutif les cultures humaines de cet homme, que déjà on n'appelait plus "antédiluvien". En 1865 John Lubbock avait forgé les termes de "Paléolithique" pour désigner les cultures de la pierre taillée, les plus anciennes, celles des chasseurs-cueilleurs, et "Néolithique" pour nommer les plus récentes, de la pierre polie et de la terre cuite propres aux premiers temps de la sédentarisation, de l'agriculture et de l'élevage.

L'étude de l'Homme préhistorique de Mortillet se nourrissait des recherches de Boucher de Perthes dans la basse vallée de la Somme, et des magnifiques découvertes de Lartet et Christy dans la vallée de la Vézère et de la Dordogne. S'inspirant de l'évolutionnisme darwinien (ou de ce qu'il croyait en savoir) il avait décrit le devenir linéaire et progressif de l'Homme et de ses cultures, depuis les primitifs bifaces de l'Acheuléen et du Chelléen, jusqu'aux industries de l'Homme de Néandertal (le Moustiérien) et aux cultures solutréennes et magdaléniennes, caractéristiques d'Homo sapiens. Cette progression de la lignée humaine culminait avec l'Homme de Cro-Magnon, un Homme semblable à nous, au front haut et à la stature robuste, découvert en 1868 dans la vallée de la Vézère. Aux racines de cette brillante lignée, Mortillet avait forgé la fiction d'un ancêtre mi-singe mi-homme, l'Anthropopithèque, auquel on attribua une petite industrie de silex éclatés trouvés à Thenay, dans le Loir et Cher, qui devaient bientôt se révéler être de vulgaires cailloux aux cassures naturelles.
Aujourd'hui, en l'an 2000, l'image de l'Homme préhistorique a beaucoup changé. Les idées sur l'évolution se sont modifiées, la Nouvelle Synthèse depuis les années 1930 a récusé l'image d'une évolution comprise comme progrès linéaire, mettant l'accent sur la variation, le buissonnement des formes, et la notion d'une histoire contingente, et imprévisible. D'innombrables découvertes ont enrichi notre vision du passé préhistorique de l'Homme, et ce n'est plus seulement dans le Loir-et-Cher, la vallée de la Somme et de la Vézère, que l'on va chercher ses origines, mais au Moyen Orient et en Europe centrale, aux confins de l'Afrique, de l'Indonésie, de la Chine...
Le regard sur la préhistoire est devenu plus directement ethnologique, et la volonté de mieux connaître dans leur réalité les premières sociétés humaines s'est marquée par de nouvelles exigences de rigueur dans les recherches de laboratoire et de terrain. Celles-ci font appel à un arsenal méthodologique nouveau - fouilles très fines, décapage horizontal des sites, remontages d'outils, méthodes quantitatives pour reconstituer la vie. La préhistoire expérimentale, par la taille et l'utilisation d'outils, en reproduisant les gestes du sculpteur ou du peintre, s'emploie à retrouver les pensées et les démarches opératoires des Hommes de ce lointain passé. Cette approche expérimentale et cognitive vise à livrer une vision plus vivante, plus vraie, plus humaine du passé lointain de notre espèce. Enfin, la vision de l'Homme préhistorique s'est diversifiée, complexifiée, et laisse aujourd'hui la place à une réflexion sur le rôle, les rôles possibles de la femme dans la préhistoire.

Généalogie d'Homo sapiens
"L'Homme descend du Singe", affirmait Darwin, et déjà Lamarck avant lui. La théorie de l'évolution, née au XIXème siècle, a conduit à penser l'origine de l'Homme, non comme création, mais comme filiation, qui enracine notre espèce dans l'ensemble du règne animal. Dès lors, reconstituer la généalogie de l'Homme, c'est réunir et tenter de donner un sens évolutif à tous ces vestiges osseux, baptisés Ardipithecus Ramidus, Australopithecus, Homo habilis, ergaster, rudolphensis, erectus, neandertalensis, sapiens... - qui dessinent, depuis le lointain de la préhistoire africaine, la constellation de nos ancêtres ; c'est interroger la configuration des événements complexes - biologiques, culturels, environnementaux - qui ont eu lieu depuis plus de 5 millions d'années.
La multiplicité des espèces d'Hominidés fossiles connues dès les époques les plus anciennes rend désormais impossible toute conception finaliste et linéaire de ce devenir. C'est un schéma arborescent, buissonnant même, qui rend le mieux compte de la profusion des espèces d'hominidés, parfois contemporaines entre elles, qui nous ont précédés. A lidée dune progression graduelle, on a pu opposer la possibilité de processus évolutifs plus soudains et contingents : ainsi Stephen Jay Gould a pu réaffirmer, après les embryologistes du début du siècle, l'importance pour l'évolution humaine de la néoténie : celle-ci consiste dans la rétention, à lâge adulte, de caractéristiques infantiles ou même fStales, qui peut faire apparaître dans une lignée des formes peu spécialisées qui seront à lorigine de groupes nouveaux. LHomme pourrait bien être un animal néoténique, et dériver dun ancêtre du Chimpanzé qui aurait conservé à lâge adulte les traits du jeune... Un des caractères particuliers de lHomme est en effet le retard de la maturation et la rétention des caractères juvéniles : ce retard se manifeste par certains traits anatomiques : régression de la pilosité, bras courts, tête volumineuse par rapport au reste du corps, gros cerveau, front redressé, régression de la face... - , mais aussi dans sa psychologie et son comportement : longue durée de léducation, goût du jeu, plasticité du système nerveux et capacité de lapprentissage jusque tard dans la vie.... L'acquisition chez l'homme de ces traits, et leur corrélation même, pourrait être explicable par un processus simple (et accidentel) du développement.
A la quête des origines de l'Homme s'est longtemps associée celle du "berceau" de l'humanité, dont Teilhard de Chardin se plaisait à dire qu'il était "à roulettes". On l'a recherché en Asie, en Europe, mais cest l'Afrique qui aujourd'hui s'impose comme le lieu d'enracinement le plus probable de la famille des Hominidés et du genre Homo. Les découvertes des hominidés les plus primitifs connus, les Australopithèques, faites d'abord en Afrique du Sud, puis en Afrique de l'Est conduisent à penser que le berceau de la famille des Hominidés se situe dans ces régions.
La Vallée du grand Rift africain doit elle être considérée comme le lieu d'origine le plus probable de la famille des Hominidés ? Cette thèse est débattue aujourd'hui. Il se peut en effet que les découvertes nombreuses et spectaculaires dans ces sites - ainsi, celle de "Lucy", une Australopithèque très primitive datée de 3 millions d'années, dont les restes presque complets ont été découverts dans le site de Hadar, en Éthiopie en 1974 - s'expliquent plutôt par d'extraordinaires conditions de préservation des fossiles, et des conditions géologiques particulièrement favorables à ce genre de trouvailles. Aujourd'hui, le schéma de "L'East Side Story" selon lequel les premiers Hominidés seraient d'abord apparus à l'est de la Rift Valley, après le creusement de cette faille il y a 7 millions d'années, semble devoir être révisé : une mandibule d'Australopithèque découverte par le paléontologue français Michel Brunet à quelque 2500 km à l'ouest la Rift Valley, au Tchad et contemporaine de Lucy, suggère que l'histoire humaine à cette époque très reculée met en jeu des facteurs environnementaux et comportementaux plus complexes que ceux supposés jusqu'alors. Cette découverte a fait rebondir la question du berceau de l'humanité : elle oblige à penser très tôt en termes de dispersions et de migrations, et à considérer que dès ces époques lointaines du Pliocène, il y a quelque 3 millions d'années, les Hominidés étaient déjà répandus dans une grande partie du continent africain.
Selon les constructions de la biologie moléculaire, c'est entre 5 et 7 millions d'années avant le présent qu'il faut situer l'enracinement commun des Hominidés et des Grands Singes. Les restes d'Ardipithecus ramidus, découverts en Éthiopie, ont été classés en 1994 dans un genre nouveau, que son ancienneté (4,4 millions d'années) semble situer tout près de l'origine commune des grands Singes africains et des premiers Hominidés.

Le tableau de lévolution de la famille humaine inclut de nombreuses espèces d' Australopithèques, ces Hominidés dallure primitive, au front bas, à la démarche bipède, qui ont coexisté en Afrique pendant de longues périodes et dont les vestiges sont datés entre 3,5 et 1 million d'années avant le présent.
Quant aux premiers représentants du genre Homo, ils sont reconnus à des périodes fort anciennes : à Olduvai (Tanzanie) Homo habilis, à partir de - 2,5 millions d'années, a été désigné comme le plus ancien représentant du genre auquel nous appartenons, mais il coexiste peut-être en Afrique avec une deuxième espèce du genre Homo, Homo ergaster.
A partir de -1,7 millions d'années Homo erectus apparaît en Afrique, puis va se répandre dans tout l'Ancien monde : Homo erectus est un Homme de taille plus élevée, au squelette plus lourd et dont le crâne, plus volumineux et plus robuste, a une capacité d'environ 800 cm3. Il va bientôt se répandre dans les zones tempérées du globe, dans le Sud-Est asiatique, en Asie orientale, dans le continent indien et en Europe. Culturellement, il s'achemine vers des sociétés de plus en plus complexes : il développe les techniques de la chasse, domestique le feu, et autour d'1,5 millions d'années invente le biface, qui pour la première fois dans l'histoire humaine manifeste le sens de la symétrie et de l'esthétique.

Les Néandertaliens (Homo neandertalensis) semblent apparaître il y a environ 400 000 ans en Europe occidentale, mais on les trouve aussi au Proche Orient, en Israël et en Irak, entre 100 000 et 40 000 avant le présent. Ces Hominidés au front bas, à la face fuyant en museau, à la carrure massive, mais au crâne dont la capacité cérébrale est proche de la nôtre, parfois même supérieure ont prospéré en Europe de l'Ouest, au Paléolithique moyen (jusqu'il y a 35 000 ans environ), avant d'être brusquement, et de façon encore mal comprise, remplacés par des hommes de type moderne au Paléolithique supérieur. Au Proche-Orient, les choses paraissent plus complexes. Au Paléolithique moyen, les Néandertaliens semblent bien avoir été les contemporains, dans les mêmes lieux, des sapiens archaïques. Pendant plusieurs dizaines de millénaires, ils ont partagé avec eux leurs cultures. Dans ces sites du Proche-Orient, la culture "moustérienne" est associée, non pas comme en Europe aux seuls Néandertaliens, mais à tous les représentants de la famille humaine. En particulier, la pratique de la sépulture est associée non à tel type biologique d'hominidé mais à ce qu'on peut appeler la culture moustérienne, qui leur est commune.
Histoire d'amour, de guerre ou... de simple cohabitation? Sapiens et Néandertaliens ont-ils pu coexister dans les mêmes lieux, avoir, à quelques variantes près, la même culture et les mêmes rituels funéraires, sans qu'il y ait eu d'échanges sexuels entre eux ? Pour certains, il pourrait s'agir de deux races d'une même espèce, donc fécondes entre elles, et les Néandertaliens auraient pu participer au patrimoine génétique de l'homme moderne. D'autres refusent cette hypothèse, sur la foi de l'étude récente d'un fragment d'ADN de Néandertalien, qui paraît confirmer - mais de manière encore fragile - la séparation des deux espèces, et donc l'impossibilité de leur interfécondité.

Les avancées de la génétique et de la biologie moléculaire ont conduit à poser en termes nouveaux la question de l'origine d'Homo sapiens et de la diversité humaine actuelle. Au milieu du XXème siècle, Franz Weidenreich, se fondant sur l'étude des Hominidés fossiles de Chine, les "Sinanthropes", considérait qu'"il doit y avoir eu non un seul, mais plusieurs centres où l'homme s'est développé ". Selon lui, la part trop importante faite aux fossiles européens avait masqué l'existence d'importantes particularités locales chez les Hominidés du Paléolithique inférieur (par exemple entre les Sinanthropes et les Pithécanthropes de Java). Au cours de l'évolution parallèle de ces groupes isolés les uns des autres par des barrières géographiques, les différences déjà présentes à ce stade ont pu se perpétuer jusqu'aux formes actuelles. Ces idées restent aujourd'hui à la source des approches "polycentristes" qui tentent de reconstituer le réseau complexe des origines des populations humaines actuelles, héritières selon eux de formes locales d'Homo erectus, remontant à 500 000 ans, voire 1 million d'années. Cette approche, qui privilégie l'étude des fossiles asiatiques, se donne pour une critique des mythes "édéniques" en même temps que de l'eurocentrisme qui a longtemps prévalu dans l'étude de la diversité au sein de l'humanité actuelle et fossile.
Face à ces positions "polycentristes", les tenants du "monocentrisme" défendent la thèse d'un remplacement rapide des formes d'hominidés primitifs par des Homo sapiens anatomiquement modernes : ils s'efforcent, à partir de l'étude des différences morphologiques, mais aussi des données de la biologie moléculaire, de reconstituer l'origine unique de toutes les populations humaines. Ces études ont abouti à un calcul des "distances génétiques" entre les populations actuelles, et avancé l'hypothèse d'une "Ève africaine" qui serait la "mère" commune de toute l'humanité
La thèse de l'origine unique et africaine de l'espèce Homo sapiens, il y a quelque 200 000 ans, irait dans le sens d'une séparation récente des populations humaines actuelles, et d'une différence très faible entre elles. Mais elle demande à être confirmée, non seulement par de nouvelles expériences et un échantillonnage rigoureux, mais aussi par les témoignages paléontologiques, rares à cette époque dans ce domaine géographique.
La mise en place de l'arbre généalogique de la famille humaine au cours de l'histoire de la paléoanthropologie et de la préhistoire reste aujourd'hui encore l'objet de discussions, qui concernent tant les schèmes évolutifs et les processus environnementaux que les critères biologiques et culturels qui y sont à l'Suvre. Lhistoire de la famille humaine apparaît fort complexe dès ses origines : aux racines de l'arbre généalogique, entre 4 millions et 1 million d'années, les Hominidés se diversifient en au moins deux genres (Australopithecus et Homo) et un véritable buissonnement d'espèces, dont certaines ont été contemporaines, parfois dans les mêmes sites. La multiplication des découvertes, l'introduction des méthodes de classification informatisées, et les bouleversements des paradigmes de savoir, ont abouti à rendre caduque la recherche d'un unique "chaînon manquant" entre l'Homme et le singe. L'espèce Homo sapiens a été resituée dans le cadre d'une famille qui a connu une grande diversification dans tout l'Ancien Monde. Que la plupart des espèces d'Hominidés se soient éteintes est un phénomène banal dans l'histoire du vivant, et ne signifie certainement pas que la nôtre fût la seule destinée à survivre. Plusieurs dizaines de milliers d'années durant, les Néandertaliens ont prospéré et parfois même cohabité avec notre espèce - et ils se sont éteints, comme d'ailleurs la plupart des espèces vivantes, il y a seulement un peu plus de 30 000 ans, pour des raisons qui restent inconnues. Mais ils auraient pu survivre, et la vision que nous avons de nous-mêmes en eût sans doute été fortement modifiée...

Le devenir des cultures humaines
"L'évolution [humaine] a commencé par les pieds"... aimait à dire par provocation André Leroi-Gourhan, insistant sur le fait que l'acquisition la bipédie précède dans l'histoire humaine le développement du cerveau.
De fait, des découvertes récentes ont montré que la bipédie a sans doute été acquise très tôt dans l'histoire de la famille humaine, il y a 3 ou 4 millions d'années. Les études menées sur la locomotion des Australopithèques ont conclu que ceux-ci marchaient déjà sur leurs deux pieds, même s'il leur arrivait parfois de se déplacer par brachiation - en se suspendant à l'aide de leurs bras. Les traces de pas découvertes en 1977 à Laetolil (Tanzanie ) et datées de 3,6 millions d'années sont bien celles de deux individus parfaitement bipèdes, marchant côte à côte... Elles ont confirmé le fait que la station redressée et la marche bipède étaient déjà acquises par ces Hominidés primitifs, - bien avant que la taille du cerveau n'atteigne son développement actuel.

Le développement du cerveau est certainement le trait le plus remarquable de la morphologie humaine. Des moulages naturels d'endocrânes fossiles - comme celui de lenfant de Taung, découvert en 1925 - ou des moulages artificiels obtenus à partir de limpression du cerveau sur la paroi interne du crâne dautres Hominidés fossiles ont permis de suivre les étapes de cette transformation du volume cérébral, de l'irrigation et de la complexification des circonvolutions cérébrales au cours de l'évolution des Hominidés. La question reste cependant posée du "Rubicon cérébral" - elle implique qu'il existerait une capacité endocrânienne au-delà de laquelle on pourrait légitimement considérer qu'on a affaire à des représentants du genre Homo, dignes d'entrer dans la galerie de nos ancêtres... La définition, longtemps discutée, d'Homo habilis comme premier représentant du genre humain, a fait reculer cette frontière à 600 cm3... et peut-être même encore moins : il faut donc bien admettre que le développement du cerveau n'a pas été l'unique "moteur" du développement humain : il s'associe à d'autres traits anatomiques propres à l'homme, station redressée, bipédie, morphologie de la main, fabrication et utilsation d'outils, usage d'un langage articulé...
La main humaine a conservé le schéma primitif, pentadactyle, de l'extrémité antérieure des Vertébrés quadrupèdes. La caractéristique humaine résiderait dans le fait que chez l'Homme le membre antérieur est totalement libéré des nécessités de la locomotion. Mise en rapport avec le développement du cerveau, la libération de la main ouvre à l'Homme les possibilités multiples de la technicité. L'avènement d'une "conscience" proprement humaine se situerait donc du côté de ses productions techniques.

L'outil est-il autant qu'on le pensait naguère porteur de la différence irréductible de l'homme ? Éthologistes, préhistoriens et anthropologues ont cherché à comparer, sur le terrain archéologique ou expérimental les "cultures" des Primates et celles des premiers Hominidés fossiles. Ils proposent des conclusions beaucoup plus nuancées que les dichotomies abruptes de jadis. Si l'outil définit l'Homme, l'apparition de l'Homme proprement dit ne coïncide plus avec celle de l'outil. Certains grands Singes savent utiliser et même fabriquer des outil. L'étude fine de la technicité des Panidés a également conduit à en observer des formes diversifiées dans différents groupes géographiquement délimités, et certains chercheurs n'hésitent pas à parler de "comportements culturels" chez ces Singes. D'autre part, les premières industries de pierre connues sont probablement l'Suvre des Australopithèques : ces hominidés au cerveau guère plus volumineux que celui d'un gorille sont-ils les auteurs des "pebble tools" ou des industries sur éclats vieilles d'environ 2,5 millions d'années - qui ont été trouvés associées à eux dans certains sites africains ? Beaucoup l'admettent aujourd'hui ... mais d'autres restent réticents à attribuer ce trait culturel à un Hominidé qui ne se situe pas dans notre ascendance ! Il a donc fallu repenser les "seuils" qui naguère semblaient infranchissables, non seulement entre grands Singes et premiers Hominidés, mais aussi entre les différents représentants de la famille humaine.
L'Homme seul serait capable de prévision, d'intention : Il sait fabriquer un outil pour assommer un animal ou découper ses chairs -et, plus encore, un outil pour faire un outil. Instrument du travail, l'outil est lui-même le produit d'un acte créateur. Si les vestiges osseux sont rares et se fossilisent mal, d'innombrables silex taillés, des primitifs "galets aménagés" aux élégantes "feuilles de laurier" solutréennes et aux pointes de flèches magdaléniennes permettent de suivre à la trace les chemins qu'ont empruntés les Hommes, d'évaluer leurs progrès dans la conquête et la maîtrise de la nature, de percevoir la complexité croissante de leurs échanges et de leurs communications.
Les "cultures" préhistoriques ont dans le passé été caractérisées, presque exclusivement, par l'outillage lithique qui les composent. Le Moustérien, le Solutréen, le Magdalénien, ce sont d'abord des types d'outils et de techniques lithiques décrits, inventoriés, étudiés dans leur distribution statistique. Cependant les approches contemporaines tendent à élargir cette notion de "cultures" en mettant en lumière d'autres traits culturels importants, inventions techniques essentielles comme celle du feu, de l'aiguille et du poinçon, de la corde, et du tissage, structures d'habitat, organisation du groupe social, division du travail...
Aux périodes les plus récents du Paléolithique supérieur, l'art, mobilier ou rupestre, traduit le fait que l'homme a désormais accès au symbolique, à la représentation. Innombrables sont les objets en ivoire, en os ou en bois de renne, sculptés ou gravés découverts sur les sites préhistoriques, et témoignant de la fécondité artistique des chasseurs cueilleurs de la préhistoire, et de ce que ces primitifs du Paléolithique avaient un talent et une sensibilité dartistes, très proches en somme de celles de lHomme daujourdhui.

Devant ces figurations animales et humaines ou ces signes abstraits, le problème se pose de leur signification : labbé Breuil nhésitait pas à prêter un sentiment religieux à ses auteurs, et à interpréter les figures et les symboles sculptés, gravés, dessinés ou peints du Paléolithique comme la manifestation de cultes animistes et de rituels chamaniques, que l'on retrouverait chez certains peuples actuels. La thèse du chamanisme a fait l'objet d'importantes critiques, elle a pourtant été récemment reprise par le préhistorien français Jean Clottes et l'anthropologue sud-africain David Lewis-Williams, qui proposent d'interpréter les symboles de l'art paléolithique en s'inspirant de ceux du chamanisme, lisibles selon eux dans l'art rupestre des Bushmen d'Afrique australe. Cette interprétation, étayée aussi par des arguments neuro-physiologiques, ne laisse pas d'être fragile, précisément par l'universalité qu'elle suppose, excluant les lectures de cet art qui viseraient à prendre en compte son contexte particulier et son symbolisme propre
La faculté symbolique dont témoigne l'art est sans aucun doute liée aux possibilités de l'échange et de la parole. On sait que certaines régions du cerveau humain sont dévolues à la parole et le développement de ces aires cérébrales a pu être observé, dès Homo habilis, voire même peut-être chez les Australopithèques. Certaines caractéristiques des organes de la phonation (larynx, apophyses de la mandibule pour linsertion de la langue, résonateurs nasaux) sont également invoquées, mais beaucoup dincertitudes subsistent : le grognement, le cri, le chant, ont-ils été les formes primitives de l'expression humaine ? Le langage "doublement articulé" - au niveau phonétique et sémantique - existe-t-il déjà aux stades anciens du genre Homo, voire dès Australopithecus, ou apparaît-il seulement avec l'Homme moderne ? Le langage humain résulte-t-il d'un "instinct" déterminé génétiquement qui dès les origines de la famille humaine nous distingue déjà des autres primates ? ou faut-il le considérer comme un produit de la société et de la culture, contemporain de la maîtrise des symboles de l'art ?

Nouveaux regards sur la femme préhistorique
Le XIXème siècle n'avait pas donné une image très glorieuse de la femme préhistorique. Le héros de la préhistoire, de Figuier à Rosny, cest l'Homme de Cro-Magnon, armé d'un gourdin, traînant sa conquête par les cheveux pour se livrer à d'inavouables orgies dans l'obscurité de la caverne& La sauvagerie des "âges farouches" est alors prétexte à des allusions à la brutalité sexuelle, au viol. Cet intérêt pour les mSurs sexuelles des origines est sans doute l'envers de la pruderie d'une époque. Il rejoint celui que l'on commence à porter aux ténèbres de l'âme, aux pulsions primitives, inconscientes, qui s'enracinent dans les époques primitives de l'humanité.
Notre regard aujourdhui semble se transformer. Notre héros de la préhistoire, c'est une héroïne, Lucy, une Australopithèque découverte en 1974 dans le site de Hadar en Ethiopie et qui vécut il y a quelque 3 millions d'années. Innombrables sont les récits qui nous retracent les bonheurs et les aléas de son existence. Signe des temps : la femme a désormais une place dans la préhistoire.

Les anthropologues ont renouvelé l'approche de la question des relations entre les sexes aux temps préhistoriques en mettant l'accent sur l'importance, dans le processus même de l'hominisation, de la perte de l'oestrus qui distingue la sexualité humaine de celle des autres mammifères. Tandis que l'activité sexuelle chez la plupart des animaux, y compris les grands Singes, est soumise à une horloge biologique et hormonale, celle qui détermine les périodes de rut - la sexualité humaine se situe sur le fond d'une disponibilité permanente. Cette disponibilité fut sans doute la condition de l'apparition des normes et des interdits qui dans toutes les sociétés limitent les usages et les pratiques de la sexualité. Peut-être a-t-on vu alors naître des sentiments de tendresse, s'ébaucher des formes de la vie familiale, de la division du travail - et s'établir les règles morales, l'interdit de l'inceste et les structures de la parenté dont les anthropologues nous ont appris quils se situent au fondement de toute culture.
Depuis environ trois décennies, des travaux conjugués d'ethnologie et de préhistoire ont remis en cause les a priori jusque là régnants sur linanité du rôle économique et culturel des femmes dans les sociétés paléolithiques. Les recherches des ethnologues sur les Bushmen dAfrique du Sud ont ouvert de nouvelles voies pour la compréhension des modes de vie et de subsistance, des structures familiales et de la division sexuelle du travail chez les peuples de chasseurs-cueilleurs. Dans ces groupes nomades, les femmes, loin d'être passives, vouées à des tâches subalternes, immobilisées par la nécessité délever les enfants, et dépendantes des hommes pour l'acquisition de leur subsistance, jouent au contraire un rôle actif à la recherche de nourriture, cueillant, chassant à loccasion, utilisant des outils, portant leurs enfants avec elles jusquà lâge de quatre ans, et pratiquant certaines techniques de contrôle des naissance (tel que l'allaitement prolongé). Ces études ont conduit les préhistoriens à repenser l'existence des Homo sapiens du Paléolithique supérieur, à récuser les modèles qui situaient la chasse (activité exclusivement masculine) à lorigine de formes de la vie sociale, et à élaborer des scénarios plus complexes et nuancés, mettant en scène la possibilité de collaborations variées entre hommes et femmes pour la survie du groupe.
La figure épique de Man the Hunter, le héros chasseur poursuivant indéfiniment le gros gibier a vécu. Il faut désormais lui adjoindre celle de Woman the gatherer, la femme collectrice (de plantes, de fruits, de coquillages). Larchéologue américain Lewis Binford est allé plus loin en insistant sur l'importance au Paléolithique des activités, non de chasse, mais de charognage, de dépeçage, de transport et de consommation de carcasses d'animaux morts, tués par d'autres prédateurs. Des preuves dactivités de ce type se trouveraient dans la nature et la distribution des outils de pierre sur certains sites de dépeçage, et dans la sélection des parties anatomiques des animaux consommés. Si tel est le cas, des femmes ont pu participer à ces activités, et être, tout autant que les hommes, pourvoyeuses de nourriture.
Il se peut aussi que, contrairement aux idées reçues, les femmes aient été très tôt techniciennes, fabricatrices d'outils quelles se soient livrées par exemple à la taille des fines industries sur éclats qui abondent à toutes les époques du Paléolithique -, qu'elles aient inventé il y a quelque 20 000 ans, la corde et l'art du tissage de fibres végétales, dont témoignent les parures et les vêtements qui ornent certaines statuettes paléolithiques : la résille qui coiffe la "dame à la capuche" de Brassempouy, le "pagne" de la Vénus de Lespugue, les ceintures des Vénus d'ivoire de Kostienki, en Russie&
Ces Vénus paléolithiques nous donnent-elles pour autant une image réaliste de la femme préhistorique ? Si tel était le cas, il faudrait croire, comme le disait avec humour Leroi-Gourhan, que la femme paléolithique était une nature simple, nue et les cheveux bouclés, qui vivait les mains jointes sur la poitrine, dominant sereinement de sa tête minuscule lépouvantable affaissement de sa poitrine et de ses hanches &Ces Vénus ont suscité une multitude d'interprétations - tour à tour anthropologiques, physiologiques, voire gynécologiques, religieuses, symboliques. Certains, s'appuyant sur l'abondance dans lart paléolithique des images sexuelles et des objets réalistes - vulves féminines ou phallus en érection, scènes d'accouplement, corps de femmes dont les seins, les fesses et le sexe sont extraordinairement soulignés, y ont vu l'expression sans détour de désirs et de pratiques sexuels, en somme l'équivalent paléolithique de notre pornographie&
Des études féministes ont mis en cause le fait, jusque là donné pour une évidence, qu'il puisse s'agir d'un art fait par des hommes et pour des hommes. Chez les Aborigènes australiens, l'art sacré est en certaines occasions réservé aux femmes. Si on admet que l'art paléolithique a pu avoir une fonction rituelle et religieuse, ses figurations et ses objets pourraient avoir été destinés, plutôt qu'à un usage exclusivement masculin, à l'usage des femmes ou à l'initiation sexuelle des adolescentes. L'ethnologue californienne Marija Gimbutas a reconnu dans ces Vénus paléolithiques des images de la "Grande Mère", figure cosmogonique, symbole universel de fécondité, qui se retrouve au Néolithique et jusqu'à l'Age du Bronze dans toute l'Europe : ces sociétés dont les religions auraient été fondées sur le culte de la "Grande Déesse" auraient connu, de manière continue jusqu'à une époque relativement récente, des formes de pouvoir matriarcales et des formes de transmission matrilinéaires, avant d'être remplacées par des structures sociales à dominance masculine et des religions patriarcales. Cette construction, qui reprend la thèse du matriarcat primitif à lappui de thèses féministes, reste pourtant fragile : lhistoire ultérieure ne nous montre-t-elle pas que le culte de la mère peut exister dans des religions à dominance masculine, et dans des sociétés comportant une bonne part de misogynie ?
Quoi quil en soit, limage de la femme du Paléolithique a changé. Sil reste souvent à peu près impossible de désigner précisément ce qui dans les rares vestiges de la préhistoire, ressortit à lactivité de lun ou lautre sexe, ces nouvelles hypothèses et ces nouveaux savoirs, qui ne sont pas sans liens avec les transformations de nos sociétés, nous livrent une image plus vivante, plus colorée, plus ressemblante peut-être, de la femme des origines.

Conclusion
Comme tous les savoirs de l'origine, la préhistoire est un lieu inépuisable de questionnements, de rêves et de fantasmes. Elle représente un monde à la limite de la rationalité et de l'imaginaire, où peut s'exprimer le lyrisme, la fantaisie, l'humour, l'érotisme, la poésie. Mais l'imagination, en ce domaine, ne saurait être réduite à une combinatoire de thèmes fixés, archétypes ou lieux communs. Elle invente, elle crée, elle se renouvelle en fonction des découvertes et des événements, mais aussi des représentations prégnantes en un moment et dans un contexte particulier.
La préhistoire est une science interdisciplinaire, qui mobilise la géologie, la biologie, l'archéologie, l'ethnologie, l'histoire de l'art& et qui s'enrichit des développement de tous ces savoirs. Mais elle est avant tout une discipline historique, dont les documents sont pourtant beaucoup plus pauvres que ceux de l'histoire : ce sont des traces, des vestiges fragmentaires et muets, auxquels il faut donner sens, et dont l'interprétation est un lieu privilégié de projection de nos propres cadres mentaux et culturels.
Cest pourquoi on peut prophétiser sans risque que l'humanité préhistorique du XXIème siècle ne ressemblera pas à celle du XIXème ou du XXème siècle. Non seulement parce que des découvertes, suscitées ou inattendues, surgiront du terrain ou du laboratoire. Mais aussi parce que nos sociétés elles-mêmes, et la conscience que nous en avons, changeront elles aussi. Car l'Homme préhistorique a une double histoire : la sienne propre, et celle de nos représentations.

 

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COLONISATION (1)

 

 

 

 

 

 

 

COLONISATION (1)

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HISTOIRE

1. INTRODUCTION

1.1. LES PRÉMICES JUSQU'AU XVe SIÈCLE
L'histoire de la Méditerranée ancienne fait apparaître l'existence de fondations dues aux Crétois, aux Phéniciens ou aux Grecs et répondant, plus ou moins, à la définition suivante qu'on peut donner de la colonisation : constitution, à une assez grande distance d'une métropole, d'un établissement permanent, échappant à l'autorité des populations indigènes et demeurant dans la dépendance de la métropole d'origine ; à bien des égards, l'histoire de Rome est celle d'une remarquable expansion coloniale.
Il existe aussi une colonisation médiévale, que certains font commencer aux croisades (phénomène particulier en réalité) et qui s'épanouit aux xive et xve siècles avec les possessions et les comptoirs vénitiens et génois (→ Gênes et Venise).

1.2. LA COLONISATION DEPUIS L’ÉPOQUE MODERNE

Ce sont les « grandes découvertes » accomplies par les Européens à partir de la fin du xve siècle, cependant, qui ouvrent la véritable époque coloniale. Celle-ci échappe au cadre étroit de la Méditerranée pour intéresser les océans. Elle utilise à une grande échelle des systèmes jusque-là d'application limitée et fait peser la domination du colonisateur sur de vastes territoires et parfois des peuples entiers. Le phénomène, ayant pris une dimension gigantesque, détermine d'âpres polémiques, au cours desquelles s'élaborent pour la première fois des doctrines favorables ou défavorables, qualifiées beaucoup plus tard de colonialistes ou d'anticolonialistes. À partir de la fin du xve siècle, la colonisation devient un fait majeur de l'histoire mondiale.

1.3. L'ÉVOLUTION DU PHÉNOMÈNE COLONIAL
Il s'agit d'évoquer l'expansion coloniale en rapport avec les systèmes qui y ont présidé et les doctrines qui l'ont justifiée ou combattue.
Vue dans ses lignes de force les plus générales, l'expansion coloniale se caractérise par deux grandes phases d'une activité agressive séparées par une période de crise se situant à la fin du xviiie et au début du xixe siècle. La première de ces phases correspond à la colonisation des temps modernes, et la seconde à l'impérialisme de l'époque contemporaine.

2. LA COLONISATION DES TEMPS MODERNES (XVe-XVIIIe SIÈCLES)

2.1. LES PREMIERS EMPIRES : PORTUGAL ET ESPAGNE

DES CAUSES DIVERSES

Cortés ordonne que l'on détruise et brûle les idoles
Aux origines de cet ébranlement qui, pendant près de cinq siècles, va faire de la petite Europe le levain du monde, il y a diverses causes : économiques, avec le besoin de trouver l'or et l'argent indispensables à l'économie monétaire, et le désir de se procurer les produits de l'Orient (dont les épices), devenus rares et chers depuis l'installation des Turcs en Méditerranée orientale ; démographiques, avec une population à forte croissance, notamment dans la péninsule ibérique ; sociales, avec une bourgeoisie – portugaise d'abord – recherchant les profits commerciaux et une aristocratie disponible lorsque s'achèvent les guerres de la Reconquista contre l'islam ; religieuses, avec le souci d'évangélisation ; intellectuelles, avec la révolution technique du xve siècle, et plus particulièrement en matière de navigation.

LES EXPLORATIONS PORTUGAISES

Les Portugais ont mis au point la caravelle, bateau léger, rapide, solide, qui leur permet de reconnaître les côtes de l'Afrique. Après s'être emparés de Ceuta en 1415, ils créent des comptoirs le long des côtes marocaines. Plus au sud, le continent est encore mal connu, mais l'exploration systématique des côtes permet d'atteindre le cap Vert en 1444, puis l'embouchure du Congo, et le cap de Bonne-Espérance en 1487 avant de gagner l'Inde (→ Vasco de Gama en 1498), puis les îles de la Sonde (Sumatra au début du xvie siècle). Le contournement du cap de Bonne-Espérance et la découverte de la côte sud-orientale de l'Afrique, entre Sofala et Muqdisho (Mogadiscio), permettent aux Portugais, en dix ans, de jalonner de points d'appui une route méridionale et orientale des épices.

LES PORTUGAIS, DE L’AFRIQUE À L’ASIE

Devant l'attrait des richesses asiatiques, les Portugais délaissent l'Afrique. De plus, le continent, « terre de l'or » selon la légende, n'en livre pas plus d'une tonne à une tonne et demie par an, au moment même où l'Amérique offre aux Espagnols les métaux précieux de l'Eldorado. Les Portugais vont donc se placer en position de force sur le très profitable marché des épices asiatiques, jusqu'alors monopole des commerçants italiens, qui devaient, pour se les procurer, passer par l'intermédiaire des Ottomans. Ils offriront les épices à un prix inférieur, tout en réalisant de gros bénéfices.

LES ESPAGNOLS EN AMÉRIQUE ET LE « PARTAGE DU MONDE » (1494)

Les Espagnols, eux, s'élancent vers l'ouest et, en découvrant l'Amérique (→ Colomb, 1492), jettent les bases de leur empire, qui, en dehors du nouveau continent, ne comprendra guère que les Philippines.
L'Atlantique devenant une source de compétition, Jean II de Portugal et Ferdinand II le Catholique décident de se partager le monde et, au traité de Tordesillas (1494), la ligne de partage est établie à 370 lieues au-delà des Açores, laissant ainsi au Portugal la protubérance nord-est de l'Amérique du Sud, origine du futur Brésil. Le pape ayant accordé sa caution, les autres souverains s'inclinent jusqu'au jour où François Ier non seulement rejettera ce partage, mais déclarera que le fait de traverser un territoire ou de le « découvrir de l'œil » ne suffit pas pour en prendre possession, formulant ainsi, dès 1540, la doctrine de l'occupation effective, qui sera le fondement de la colonisation moderne.
Entre-temps se sont constitués deux empires de caractères différents.

L’EMPIRE PORTUGAIS
Pour les Portugais, le Brésil mis à part, c'est une suite de comptoirs le long des côtes de l'Afrique et dans l'océan Indien : Arguin (dans l'actuel Sénégal) d'abord, São Jorge da Mina (aujourd'hui Elmina, au Ghana) et São Tomé deviennent les plaques tournantes du trafic négrier. Dans le bassin occidental de l'océan Indien, en dehors des points d'appui de la côte orientale d'Afrique, à la merci d'un retour offensif des musulmans, des bases gardent l'entrée du détroit d'Ormuz, clé du golfe Persique ; mais les comptoirs importants sont en Inde, autour de Goa.
Le but n'est pas d'occuper des régions, mais de drainer vers Lisbonne, en vue de les revendre, les épices tant convoitées qu'une politique de la « mer fermée » doit rendre inaccessibles à toutes les autres marines. En réalité, il s'agit d'une construction fragile, qui succombera bientôt sous les coups des Hollandais, des Anglais et des Français.

L’EMPIRE ESPAGNOL
Les Espagnols, au contraire, après l'épopée des conquistadores, dominent un vaste ensemble territorial continu dirigé de Madrid par le Conseil des Indes avec, en Amérique (on dit « les Indes »), deux vice-rois, l'un en Nouvelle-Espagne (Mexique) et l'autre au Pérou, disposant d'une importante administration. L'économie repose d'abord sur l'exploitation des mines d'or et d'argent (→ le Potosí), puis sur certaines cultures tropicales (canne à sucre, cacao, indigo) et le grand élevage. La main-d'œuvre indienne ne pouvant suffire malgré la pratique de l'encomienda, qui remet des centaines d'individus à un seul encomiendero (« seigneur de la terre »), on fera appel à la traite des Noirs, source d'appauvrissement pour l'Afrique et de bouleversement démographique pour le Nouveau Monde.

LA CONTROVERSE SEPÚLVEDA-LAS CASAS
Ce système de l'encomienda est au centre du grand débat mettant en cause le droit de colonisation et au cours duquel s'affrontent d'illustres théologiens, notamment Juan Ginés de Sepúlveda (vers 1490-1573) et Bartolomé de Las Casas (1474-1566) [en particulier lors de la controverse de Valladolid en 1550 et 1551], le premier tendant à justifier les guerres contre les Indiens, tandis que le second dénonce les horreurs dont ils sont victimes et demande la suppression de l'encomienda. Il en résulte (ordonnance générale de juillet 1573) une législation plus favorable aux indigènes : il a fallu soixante années de lutte pour faire reconnaître à l'Indien sa qualité d'homme.
2.2. LES CONCURRENTS : PROVINCES-UNIES, ANGLETERRE, FRANCE
Dès le début du xvie siècle, trois autres puissances maritimes vont prétendre au trafic océanique, puis à la possession de territoires outre-mer.

LES HOLLANDAIS

Les Hollandais, d'abord, qui ont formé la république des Provinces-Unies (actuels Pays-Bas), commencent par la pratique du grand cabotage et deviennent « les rouliers et les facteurs de l'Europe » ; puis ils s'installent à leur tour en Amérique du Nord, aux Antilles, en Guyane, au Brésil, mais aussi en Afrique et en Asie, s'attaquent aux comptoirs portugais, prenant figure, à leur tour, de gros trafiquants en épices, pour se lancer plus tard, au xviiie siècle seulement, dans les cultures tropicales, qui vont faire la richesse des Indes néerlandaises.

LES ANGLAIS

Avant même la destruction de l'Invincible Armada (1588), les Anglais s'étaient rués sur les trésors du Nouveau Monde, par la guerre de course. Au xvi e siècle, des milliers d'émigrants vont s'installer outre-Atlantique, donnant naissance aux colonies d'Amérique du Nord. Ils créent eux aussi des points d'appui et des comptoirs ; par la contrebande, ils privent les Espagnols et les Portugais d'une part de leurs bénéfices.

LES FRANÇAIS

Les Français suivent l'exemple : ils s'installent au Sénégal, dans les Caraïbes, à Madagascar (Fort-Dauphin, aujourd'hui Taolagnaro) et dans des îles productrices de canne à sucre de l'océan Indien (la Réunion, île Maurice). En Amérique du Nord, comme dans les Indes orientales, les Français, qui, depuis Richelieu et Colbert, avaient une politique coloniale, se dressent contre l'expansion anglaise, mais le traité de Paris de 1763 règle le conflit au profit de l'Angleterre. L’exploration du Pacifique commence ensuite.

LES GRANDES COMPAGNIES À MONOPOLE
Pour être rivaux, Hollandais, Anglais et Français n'en pratiquent pas moins le même système de colonisation, par le biais des grandes compagnies, dont la Hollande a fourni le modèle. Tandis qu'à Lisbonne et à Madrid le commerce a été monopolisé par l'État, on crée à Amsterdam, à Londres et à Paris des compagnies à charte qui obtiennent le monopole du commerce avec un véritable droit de souveraineté sur une région déterminée (avec un contrôle plus ou moins étroit), à charge pour elles d'alimenter le pays en produits exotiques, d'assurer les liaisons maritimes et parfois d'évangéliser et de peupler. Ce sont les Indes orientales qui voient se former les compagnies les plus importantes, mais on en trouve aussi desservant les Indes occidentales (Amérique) et l'Afrique.

MERCANTILISME ET « PACTE COLONIAL »
L'époque des grandes compagnies correspond à l'âge d'or du mercantilisme, doctrine selon laquelle la richesse et la puissance d'un pays dépendent de la quantité de numéraire (or et argent) dont il dispose. D'où la nécessité de réduire les importations et d'augmenter les exportations avec, en matière coloniale, l'instauration d'un monopole absolu, désigné sous le nom d'exclusif ou, improprement, de pacte colonial. En réalité, on ne reconnaît pas aux colonies des intérêts qui leur soient propres. Pour Choiseul, ministre de Louis XV, « les colonies ne sont que des établissements de commerce : des nègres et des vivres pour les nègres, voilà toute l'économie coloniale ». Selon l'Encyclopédie, « les colonies sont faites par la métropole et pour la métropole ».

2.3. UNE COLONISATION CONTINENTALE : LA COLONISATION RUSSE
En marge des grandes rivalités maritimes se développe une expansion exceptionnelle, à propos de laquelle on a pu parler de « colonisation par contiguïté ». La prise de Kazan (1552) marque le début de la marche des Slaves vers l'est ; trente ans plus tard, la Sibérie occidentale est terre russe, et, vers 1645, sur les bords du Pacifique, des détachements de Cosaques fondent Okhotsk. Moins d'un siècle plus tard, en 1741, les Russes prennent possession de l'Alaska, qu'ils vendront aux États-Unis en 1867.
Ainsi, dès la fin du xviiie siècle, l'Européen tend à être omniprésent à la surface de la Terre, et la création des empires coloniaux semble la marque de sa toute-puissance. Survient alors une longue crise qui paraît mettre en péril cette emprise des métropoles du monde occidental.

3. LA PREMIÈRE GRANDE CRISE DES EMPIRES COLONIAUX

3.1. SES ORIGINES

L’ÉCHEC DU PACTE COLONIAL
Les conditions économiques ont changé. Aucune métropole n'a réussi à respecter le pacte colonial en fournissant à ses colonies la totalité des produits nécessaires à leur subsistance et en absorbant toute la production coloniale. Il faut donc abandonner le principe de l'exclusif, et cela a lieu d'abord dans les Antilles, où, successivement, la France (1759), l'Angleterre (1762) et l'Espagne (1765) relâchent les liens de leur contrôle : en France, on parlera d'« exclusif mitigé ». De plus, l'Angleterre, transformée par la révolution industrielle, recherche d'autres débouchés que ceux qui sont offerts par ses seules colonies.

L’ASPIRATION DES COLONS À L’ÉMANCIPATION
Au point de vue social, l'implantation européenne a fait naître des forces nouvelles distinctes de celles des pays dont elles sont issues. Habitués à un régime de quasi-autonomie, les colons anglais d'Amérique tiennent essentiellement au respect de leurs libertés. En Amérique latine, les créoles (colons d’origine européenne nés en Amérique) prétendent disputer aux Espagnols de métropole les nombreuses places que ceux-ci se réservent, et Alexander von Humboldt rapporte que, dès la fin du xviiie siècle, il est courant d'entendre dire : « Yo no soy español ; soy americano », paroles qui traduisent une prise de conscience nationale.

ANTICOLONIALISME ET ANTIESCLAVAGISME


Le mouvement des idées va dans le même sens. En Angleterre comme en France, le libéralisme s'accompagne d'une critique virulente de la colonisation. À côté du thème du bon sauvage et des horreurs commises par les Européens (→ abbé Raynal), on invoque les dangers du dépeuplement (→ Montesquieu, Voltaire), les bienfaits de la liberté commerciale (→ Adam Smith, Jeremy Bentham), la précarité des conquêtes coloniales (→ Turgot).

Les « anticolonistes » deviennent une force, appuyés par les mouvements humanitaires d'Angleterre, qui combattent la traite et l'esclavage, et par les héritiers de la Révolution française, qui se rappellent la déclaration fameuse de Robespierre : « Périssent les colonies, si vous les conservez à ce prix » (l'esclavage).

3.2. SES CARACTÈRES ET SES LIMITES
Le caractère le plus apparent de la crise est l'amenuisement des empires coloniaux. Certaines pertes, survenues au cours des guerres au détriment de la France, de l'Espagne ou de la Hollande et au profit de l'Angleterre, ne sont pas significatives dans l'optique de la crise envisagée. Mais deux le sont éminemment.

L’INDÉPENDANCE DES COLONIES D’AMÉRIQUE
C'est d'abord l'émancipation des treize colonies anglaises d'Amérique (1774-1783), qui marque la naissance des États-Unis. C'est ensuite le soulèvement des colonies espagnoles (1810-1824), qui aboutit à l'éclatement des anciennes possessions de Madrid en huit républiques (quinze par la suite), tandis que, par des voies différentes, le Brésil s'érige en empire indépendant (1822). En 1823, le président des États-Unis James Monroe condamne tout nouvel essai de colonisation en Amérique. Politiquement, la face du monde occidental a changé.

LA DISPARITION DES GRANDES COMPAGNIES
L'évolution est moins perceptible dans le domaine économique, où le fait essentiel sera la disparition des grandes compagnies en France et en Hollande, tandis qu'en Angleterre la Compagnie des Indes orientales se maintient jusqu'en 1858.

UNE CRISE À RELATIVISER
Cependant, cette grande crise ne peut guère être comparée à celle qui emportera la colonisation un siècle et demi plus tard. Outre qu'il ne s'agit pas d'une crise générale, il faut remarquer que les grands voyages en Océanie livrent à l'expansion coloniale de nouveaux espaces (Australie, Nouvelle-Zélande, îles du Pacifique) et que l'Afrique commence à s'entrouvrir (René Caillié à Tombouctou en 1828) : le temps du monde fini n'est pas encore arrivé.
De plus, les populations autochtones n'ont guère été concernées par les problèmes d'émancipation : ce sont des colons qui se sont soulevés contre leur métropole sans condamner le fait colonial dont ils sont les produits et sans penser à modifier leur comportement à l'égard des indigènes lorsqu'il en reste.

(Voir  suite  page  suivante)

 
 
 
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